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Rennes 2 - cours 11 et dernier, Initiation Philosophie & Cinéma 06 12 21 (conclusion 1ere partie)

Publié le 17 Novembre 2021, 17:29pm

Catégories : #université Rennes 2 - initiation philo & ciné

Rennes 2 - cours 11 et dernier,  Initiation Philosophie & Cinéma 06 12 21 (conclusion 1ere partie)

NB : tous les extraits vidéo sont consultables sur  la chaîne youtube de F. Grolleau

Retour récapitulatif sur la séance 10

suite et fin de la reprise de la problématique initiale : 

Aussi, dès l'Antiquité grecque, dès avant Socrate même, avec les penseurs dits présocratiques, la philosophie occidentale s'est-elle interrogée sur les conditions de possibilité de la connaissance. La grande question - que Kant reprendra pour en faire le thème inducteur de sa recherche dans son maître ouvrage, la Critique de la Raison Pure - sera ainsi : "que puis-je savoir ?". Comment l'esprit humain est-il en mesure de se représenter correctement ce qui existe en dehors de lui ?

Il s'agira alors de savoir comment il est possible de déjouer les pièges que nous tend notre esprit lui-même, dont la sensibilité est déformante et l'imagination débordante. Il est si facile de prendre nos désirs pour des réalités et des vessies pour des lanternes ! Nous voyons un bâton tordu et croyons si facilement qu'il l'est, en méconnaissant que, plongé dans un liquide, il nous renvoie les rayons lumineux selon un angle différent de celui où ils sont réfractés depuis sa partie émergée ! On comprend la prudence de ceux qui, en bons rationalistes, refusent de tenir pour vrai ce dont ils n'auront pas pu s'assurer soit par le raisonnement, en recourant aux procédés de la démonstration, soit par la confirmation expérimentale. 

Kant, en rationaliste critique de haut vol, montrera que, pour progresser dans la connaissance du réel, il faut bien user de sa raison et pour cela soumettre notre pensée aux principes directeurs qui la constituent - en quoi consiste la raison - , mais que cela n'a de chance de nous instruire qu'à condition d'interroger les données de l'observation que l'expérience nous procure en nous mettant physiquement en contact avec le réel.
C'est dans le dialogue permanant entre la raison et le réel, qui n'est autre que l'effort de la pensée pour s'assurer de son adéquation au réel en respectant les lois qui le constituent (ainsi celle de l'identité  et de la non-contradiction : une chose est ce qu'elle est, et pas autre chose; on ne saurait donc dire à son sujet le même et son contraire - tels sont précisément les deux principes qui définissent fondamentalement la rationalité).

Demeure, une fois la pensée bien ajustée au réel grâce à la raison, la question de fonds : de quoi le réel est-il  fait ? Nous ne pouvons rien en dire que par le moyen de l'esprit qui, en nous, s'emploie à en percer le mystère. Cet esprit est-il lui-même une réalité distincte de la réalité qu'il s'efforce de connaître, celle-ci étant de nature purement matérielle ? Ou bien la réalité n'est-elle pas elle-même une matérialisation de l'esprit, sans laquelle on ne voit pas  comment l'esprit pourrait s'y retrouver ? 

C'est toute la question métaphysique, que pose tant l'existence de la matière et de l'esprit que leur rapport. Question d'interprétation ? 

 

Sur l’identité, voir notamment le topo sur Memento

==>> la preuve en image et en son :

* Atelier 4 - Memento (C. Nolan, 2001)
- le film qui a retourné le cinéma (4mn40)
- analyse philo (27 mn)

 

+ Présentation de Memento - 17 mn, extrait 09.45 à 17 mn 

 l’indiscernabilité du réel et de l’imaginaire chez C. Nolan (Inception & Memento)


Sur l’écart entre réalité et fantasme, voir La la land 

* Atelier 5 : Pinocchio  (W. Disney, 1941)
la conscience morale et le langage

 

Conclusion du cours, partie 1 (d'après les remarques de O. Pourriol, Cinéphilo, 2009). 

Le problème initial était posé par Platon ("la caverne") et poursuivi notamment avec Descartes (le doute, l'argument du rêve, le malin génie) :  la perception corporée de la réalité semble contaminée par le registre de la tromperie sensible et de l'illusion généralisée. Comment, dans ces conditions humaines, trop humaines prétendre accéder à la vérité de ce qui est ?

Une réponse possible tient en la Méthode fournie par Descartes qui permet de dépasser la faiblesse du corps et d'acter de la puissance de l'esprit apte à penser la chose même  - s'il en a la résolution et la volonté, supports de "l'oeil de la raison".

 

* Descartes, l'inventeur du cinéma en 1634, à Amsterdam ? 

"Mais jamais il ne parut plus surpris que lorsque M Descartes lui fit passer devant les yeux une compagnie de soldats au travers de sa chambre en apparence. L’artifice ne consistoit qu’en de petites figures de soldats qu’il avoit soin de cacher ; et par le moyen d’un miroir il faisoit grossir et augmenter ces petites figures jusqu’à la juste grandeur de l’homme au naturel, et sembloit les faire entrer, passer, et sortir de la chambre."

Adrien Baillet, La Vie de M. Descartes, 1691  chp 13
 

Descartes fait une projection privée à son camarade. Et il théorise plus tard ce jeu de miroirs divertissant en un procédé mécanique, en envisageant la construction d'un oeil artificiel :

 " (...) si on pouvait aussi faire un œil dont la profondeur fut fort grande et la prunelle fort large, et que les figures de celles de ses superficies qui causent quelque réfraction fussent proportionnées à cette grandeur,

les images s'y formeraient d'autant plus visibles". (Dioptrique, 5eme discours, 1637)

Cet oeil est un projecteur et fait penser au dispositif de la salle de cinéma ("profondeur fort grande" : la salle ; "prunelle fort large" : l'écran).

---> l'art lumineux de de sortir de la forêt de l'obscurité et de la confusion

"Ma seconde maxime était d'être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais, et de ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses, lorsque je m'y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très assurées. Imitant en ceci les voyageurs qui, se trouvant égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en tournoyant, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, ni encore moins s'arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu'ils peuvent vers un même côté, et ne le changer point pour de faibles raisons, encore que ce n'ait peut-être été au commencement que le hasard seul qui les ait déterminés à le choisir : car, par ce moyen, s'ils ne vont juste­ment où ils désirent, ils arriveront au moins à la fin quelque part, où vraisemblable­ment ils seront mieux que dans le milieu d'une forêt. Et ainsi, les actions de la vie ne souffrant souvent aucun délai, c'est une vérité très certaine que, lorsqu'il n'est pas en notre pouvoir de discerner les plus vraies opinions, nous devons suivre les plus probables; et même, qu'encore que nous ne remarquions point davantage de probabi­lité aux unes qu'aux autres, nous devons néanmoins nous déterminer à quelques-unes, et les considérer après, non plus comme douteuses, en tant qu'elles se rapportent à la pratique, mais comme très vraies et très certaines, à cause que la raison qui nous y a fait déterminer se trouve telle."

Descartes, Discours de la Méthode.

---> analyse de ce texte

 

1) La méthode e(s)t le cinéma : focus, caméra, zoom et point de vue

* Le point de vue au cinéma et en philosophie :

Focalisations & points de vue dans le film

Le point de vue au cinéma

Le point de vue... ou pas en philosophie

* Le plan séquence au cinéma

* Présentation de l'Upopi : image cadrage, son, montage (extraits & ateliers)

 

---> illustration 1 des 4 règles de la méthode cartésienne - montrant que l'évidence n'est pas reçue mais construite - avec Collatéral (T. Mann, 2004) - 7mn 28

Rappel sur la Méthode (d'après Pourriol, Cinéphilo, 2009):

"Ainsi, au lieu de ce grand nombre de préceptes dont la logique est composée, je crus que j'aurais assez des quatre suivants, pourvu que je prisse une ferme et constante résolution de ne manquer pas une seule fois à les observer." (Descartes, Discours, 2ème partie) 

Une ferme et constante résolution suffit donc pour penser. La volonté ne dépend que de nous, quelle que soit la force ou la faiblesse de notre entendement : "ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s'ils suivent le droit chemin, que ne font ceux qui courent et qui s'en éloignent." 

"Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle; c’est-à-dire d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention` ; et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait clairement et si distinctement à mon esprit, que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute."

Descartes nous conseille d'éviter la précipitation et le préjugé et d'aller lentement. En même temps, il nous dit de n'accepter pour vrai que ce qui est évident : mais comment faire la différence entre le préjugé (qui se donne toujours comme évident) et la bonne évidence, qui me garantit la vérité ? La seule manière pour faire attention est justement ... de faire attention (pas de recette mais seulement une méthode en ce sens). La volonté ne se produit pas en suivant une recette mais se produit "à volonté"  : il n'y a qu'à vouloir. Cela ne dépend que de moi et je dois m'y mettre tout entier. Ce 1er précepte est vide, formel car il a pour contenu ma volonté. Et l'évidence est bonne, est une idée quand elle ne vient pas de mon corps, i.e de l'extérieur (comme l'évidence de la faim). Descartes ne parle pas de l'évidence de la sensation physique (toujours reçue de manière confuse car je ne choisis pas mon corps ni ce qui lui arrive). Recevoir une évidence de l'extérieur, c'est toujours être aveuglé. On la reçoit comme un coup de poing : cela donne un douleur vive mais qui n'est jamais claire comme une idée peut l'être. La bonne évidence , qui n'est pas première, ne peut ainsi être que le résultat de la clarté et de la distinction, qui elles-mêmes ne sont jamais données d'emblée. Une idée ne vaut que par l'ordre qui y mène. Une idée ne vaut pas parce qu'on l'a mais parce qu'on est capable de l'avoir à nouveau. Méthode signifie chemin en grec (hodos) : une idée, c'est le droit chemin qui y mène. La pensée qu'on a par accident n'es pas encore une pensée. Une pensée ne vaut que si elle peut être retrouvée et refaite : on ne pense que si on le veut.

Et pour atteindre clarté et distinction, il faut former une intuition (intueri signifie voir en latin) : l'intuition est l'acte même de l'esprit ; quand l'esprit veut et agit, il forme une intuition que Descartes définit ainsi : "la conception d'un esprit pur et attentif, conception si facile et distincte qu'aucun doute ne reste  sur ce que nous comprenons." Donc clarté et distinction sont le fruit d'un travail de refus de l'évidence, de patience. Penser, c'est dire non à ce qu'on croit penser. C'est en doutant, en résistant à ce qui se présente à lui que l'esprit forme, par un doute méthodique,   une pensée. Mais si on ne faisait que dire non, on ne comprendrait jamais rien. Comprendre, c'est voir en quoi quelque chose est vrai, et non pas seulement voir en quoi quelque chose n'est pas faux. C'est pourquoi Descartes donne une autre définition, positive, de l'intuition : "la conception ferme d'un esprit pur et attentif, qui naît de la seule lumière de la raison." (Règles..., règle 3).

Lumière, clarté, distinction, intuition, évidence, tous les termes utilisés par Descartes pour qualifier l'activité de l'esprit relèvent du vocabulaire de la vision. L'esprit est un troisième oeil : et voir pour l'esprit, c'est entendre puisque c'est l'entendement qui voit. Cette comparaison de l'entendement avec un oeil définit le genre de limites qui affectent notre activité intellectuelle. Nous ne pouvons par ex. avoir beaucoup d'idées en même temps : "Car celui qui veut regarder d'un seul coup d'oeil beaucoup d'objets à la fois n'en voit aucun distinctement" (Règle 9). L'ensemble est perceptible mais pas les parties. La zone ou quelque chose est net au cinéma est liée à la profondeur de champ et au point focal. pour faire le point,   il faut commencer par faire varier ce point, on le trouve en sortant du flou. Il faut faire la même chose selon Descartes pour obtenir clarté et distinction dans la pensée.
Le clair, le distinct ne sont pas d'abord donnés,  c'est le résultat d'une recherche, d'une mise au point. Le vrai résulte d'un mouvement de l'esprit qui, en faisant varier son point de vue, en considérant comme flou ce qui lui est d'abord donné pour net, interroge ce qu'il pense pour conquérir la clarté. Par ses moyens propres, le cinéma peut  forcer l'attention ou jouer avec elle : ainsi, on peut mieux comprendre  les limites de notre attention et comment apprendre à l'exercer.

Le critère de la vérité n'est donc pas seulement la clarté mais la distinction car ce n'est pas qu'une question de lumière mais de netteté, et de quantité d'objets à éclairer. S'il y a beaucoup à voir, il faudra donc diviser, voir les objets les uns après les autres plutôt que tous ensemble. D'où le 2e précepte. 

"Le second, de diviser chacune des difficultés que j’examinerais, en autant de parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour les mieux résoudre."

Ici, c'est division, la décomposition du complexe en éléments simples. Il s'agit d'une analyse, d'un découpage de la même manière que Platon expliquait que le bon dialecticien procédait avec la pensée comme s'il s'agissait de découper un poulet : il faut trouver les bonnes articulations, ne pas découper n'importe comment, ne pas casser les os mais glisser la lame entre eux, respecter les nécessités organiques de la pensée. On ne nie pas la difficulté, on la divise pour l'affronter. Diviser, c'est découper en parties et les affronter successivement  dans un ordre qu'on aura choisi. D'où le 3e précepte.

"Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance des plus composés ; et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres."

C'est l'invention d'un ordre progressif, allant du simple au complexe. Après le découpage de la difficulté en morceaux, Descartes  propose non pas de la reconstituer à l'identique mais de mettre ces éléments dans un ordre inventé qui n'est pas donné naturellement :  un ordre selon la pensée, qu'on peut re-parcourir ensuite aisément. Ainsi, le difficile n'a pas disparu mais il est devenu accessible, selon un ordre progressif. Cette chaîne qui invente une progression, c'est ce qu'on appelle aussi démonstration ou déduction. Soit l' "opération par laquelle, dit Descartes, nous entendons tout ce qui se conclut nécessairement d'autres choses connues avec certitude par un mouvement continu et ininterrompu de la pensée qui a une intuition claire  de chaque chose."   Une déduction n'est donc rien d'autre qu'une chaîne d'intuitions. D'où la nécessité de vérifier la solidité de nos chaînes déductives, ce que Descartes édicte comme le 4e et dernier précepte de la méthode :

"Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre."

Il s'agit de faire varier le point de vue (non pas le détail d'une intuition mais une vue générale : soit prendre du recul, de la hauteur) et la vitesse ( soit non pas le lent passage  d'une idée à une autre, d'un maillon de la chaîne au suivant mais parcourir rapidement la chaîne pour vérifier qu'un maillon ne manque pas). Ce 4e précepte, comme les autres, découle du caractère limité de notre entendement. Comme nous sommes contraints de de penser toutes les idées successivement, nous devons nous assurer régulièrement que nous n'avons rien oublié, en re-parcourant les chaînes démonstratives.  Ce dernier précepte de l'énumération découle du 2e, celui de la division de la difficulté (il faut s'assurer de ne rien avoir oublié si l'on divise) et du 3e, puisque la déduction est moins sûre que l'intuition : plus la chaîne d'intuitions est longue, plus il importe de vérifier la solidité du lien entre chaque maillon. 

Voilà qui nous ramène au 1er précepte : l'énumération, en permettant que rien ne manque, permet clarté et distinction. Ce qui veut dire que, aussi limité soit notre entendement, aucune vérité ne nous est inaccessible. Il nous suffit de diviser, procéder avec ordre, d'énumérer et de toujours faire attention. Il nous suffit de vouloir, tel est le coeur de la méthode. "Ces longues chaînes de raisons, dit Descartes, toutes simples et faciles, dont les géomètres ont coutume de se servir, pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations, m'avaient donné occasion de m'imaginer que toutes les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes s'entre-suivent en même façon et que, pourvu seulement qu'on s'abstienne d'en recevoir aucune pour vraie qui ne le soit, et qu'on garde toujours l'ordre qu'il faut pour les déduire les unes des autres, il n'y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées qu'on ne découvre." (Discours...).

En philosophie, on commence par ne rien voir. Le vrai chemin vers la clarté consiste à accepter d'approfondir l'obscurité. 

Tom Cruise incarne ici un tueur à gages qui a pris en otage un Taxi (Jamie Fox) pour aller tuer en un nuit ses cibles éparpillées dans la ville de Los Angeles. Dans cette séquence, il doit  abattre un boss, habillé en blanc, dans une boîte de nuit asiatique et entouré de ses gardes du corps répartis dans toute la salle. Mais la police, avertie, arrive en même temps que lui sur les lieux...

Tâche ardue mais le bon tueur est celui qui est capable d'agir de manière résolue  en pleine situation confuse. En appliquant les règles de la méthode cartésienne, il est capable  de former des idées claires et distinctes là où tous les autres ne voient que confusion.

La musique est à fond, les spots alternent pénombre et lumière aveuglante, la boîte est pleine. Mais on a dans cette scène l'application scrupuleuse au domaine de l'action des préceptes de la méthode de Descartes pour bien penser :

- précepte 1  (00.32 s): passages du flou au net, variations du point focal pour rechercher la carté et la distinction nécessaires à la formation de l'intuition, dont découlera le sentiment d'évidence. 

- précepte 2 (2mn25) : mouvement d'élévation de la caméra sur son axe pour sortir de la mêlée des danseurs et repérer les ennemis (simplification de perception rendue claire et distincte comme dans le précepte 1) et diviser la difficulté (séparer les danseurs qui font involontairement faire obstacle à l'action et les ennemis qui vont le faire volontairement).

Si on reste à la hauteur des gens qui dansent, on ne perçoit rien, que de la confusion. Le mouvement d'élévation de la caméra (comme un homme qui se met sur la pointe des pieds) va permette de diviser ce qu'il y a à percevoir. De passer de l'obscurité des corps à la clarté de l'espace au-dessus de leurs têtes où rien ne fait obstacle à la lumière. La distinction qui s'ensuit fait bien apparaître la tête des hommes chargés de la surveillance qui cherchent eux aussi leur cible.)

- précepte 3 (2mn28): resserrement du cadre par les zooms sur les cibles (cf. précepte 1 : avoir une idée claire et distincte de chaque cible & précepte 2 : diviser la difficulté, soit les abattre l'une après l'autre) = créer un ordre décidé par le sujet qui n'est pas donné naturellement, aller du plus simple vers le plus composé.

Le zoom est un mouvement de division, de simplification puisqu'il permet de repérer et d'isoler. Ces recadrages, ces zooms très rapides relèvent davantage de la visée que du cadrage. La caméra "localise" la cible en zoomant, puis fait le point. Viser, c'est passer du flou au net. On aperçoit d'ailleurs le rayon laser d'un viseur (5mn08) qui cherche à faire la clarté dans l'obscurité. On peut donc avoir dans la même image un 1er plan net et un arrière-plan flou : c'est un moyen de simplifier le travail de notre perception. Si dans une image ou tout est net, notre oeil n'est attiré par rien, nous percevrons clairement un ensemble (voir "le mugissement de la mer" chez Leibniz) sans être attirés par un détail en particulier. La solution consiste à attirer notre attention sur un point en le rendant clair et distinct par contraste ; i.e en laissant par ex. ce qui l'entoure dans le flou, ou en le faisant passer du flou au net.

- précepte 4 (2mn34): mouvement de panotage : pivotement de la caméra sur son axe pour donner une vue panoramique - cela permet au tueur de faire l'énumération des cibles à abattre (car un seul oubli peut ici être fatal : car on n'est pas dans le domaine de la pensée où faire une erreur ne tue pas celui qui la commet mais dans le domaine de l'action où l'erreur est une faute qui se paye au prix fort).

 

Cette scène nous donne donc une bonne image de ce qu'est l'exigence intellectuelle de la méthode. Ce tueur est un homme méthodique qui procède avec ordre. Il prend la difficulté qui est la plus proche de lui avant de passer à la suivante. il abat dans l'ordre, en fonction du degré de menace et de proximité, ses cibles successives. Ainsi, pourvu qu'on évite la précipitation et la prévention, qu'on ne juge pas trop vite, qu'on ne tire pas trop vite, même la cible la plus éloignée - ici le boss en blanc protégé par ses hommes de main et la police - n'est pas à l'abri d'un tueur méthodique. Loin de s'affoler et de voir sa perception augmenter en confusion par peur ou précipitation, le tueur semble agir sans passions, comme un esprit pur. Il garde la tête froide dans la confusion générale. Il ne pense que pour agir, mais il pense.

 

 

Notes des étudiant(e)s sur  cette séance :

XXX

Voir la 2e partie de la conclusion

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