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Rétributivisme ou utilitarisme : la peine en justice

Publié le 14 Avril 2024, 09:15am

Catégories : #Philo (Notions)

Rétributivisme ou utilitarisme : la peine en justice

Deux grands types de conception de la peine, qui peut être développée de la manière suivante :

-  La conception rétributive de la peine : On punit parce que le coupable « mérite » d’être puni. La peine est alors sa propre fin et constitue un devoir et un bien en soi. Pour citer Kant, grand représentant de cette position : la peine « ne peut jamais être considérée simplement comme un moyen de réaliser un autre bien, soit pour le criminel lui-même, soit pour la société civile, mais doit uniquement lui être infligée pour la seule raison qu’il a commis un crime ». Pour illustrer sa conception de la punition et bien la distinguer de la conception utilitariste, Kant propose l’expérience de pensée suivante : dans une société établie sur une île, un individu est condamné à mort. Suite à certaines circonstances, la société décide de quitter l’île pour aller vivre ailleurs. La question se pose alors de savoir s’il faut libérer le prisonnier et le laisser se débrouiller seul ou bien l’exécuter avant de partir. Pour Kant, la morale nous impose de l’exécuter.

 - La conception utilitariste de la peine : On punit pour éviter de nouveaux crimes, soit de la part du coupable lui-même soit de la part d’autres personnes. La peine n’a aucune valeur en soi et constitue même un mal (bien que ce mal puisse être nécessaire). En reprenant la citation de Kant, on peut distinguer deux grandes variétés de peine utilitaristes : les peines dissuasives, qui visent à bénéficier à « la société civile » en dissuadant le criminel de récidiver ou d’autres personnes de perpétrer les mêmes exactions, et les peines correctrices qui visent à bénéficier au « criminel lui-même » en le rendant meilleur (mais elles bénéficient aussi, indirectement, à la société civile).

Ces deux conceptions de la peine ne conduisent pas à prendre en compte les mêmes facteurs lorsqu’il s’agit de déterminer le montant de la punition qui doit être infligée à un coupable. Selon la conception utilitariste de la peine, le montant de la peine est déterminé par son efficacité : il faut augmenter la peine jusqu’à ce qu’elle permette d’éviter des récidives. Ainsi, les facteurs pertinents seront :

1. la probabilité que le coupable récidive, car plus cette probabilité est haute, plus la peine devra être élevée pour dissuader le coupable de façon efficace,

2. la détectabilité du type de méfait commis par le coupable, car moins un méfait est détectable, plus la peine devra être élevée pour être dissuasive,

3. le caractère public de la peine, car en effet une peine rendue publique est plus efficace pour décourager les potentiels malfaiteurs qu’une peine privée dont personne n’a connaissance – il conviendra donc de préférer les peines publiques. Selon la conception rétributive de la punition, le montant de la punition est déterminé par la quantité de mal infligé à autrui dont le coupable est responsable.

De ce fait, les facteurs pertinents seront :

1. la gravité du méfait : plus un méfait sera grave, plus le mal commis sera élevé, plus la peine devra l’être, car elle doit être proportionnelle au mal infligé,
2. les circonstances atténuantes : la peine sera moins sévère si le coupable a des circonstances atténuantes (NB :  Une conception rétributive de la peine se doit de prendre en compte les circonstances atténuantes. Cependant, cela ne signifie aucunement qu’une conception utilitariste ne peut pas aussi se soucier de la présence ou non de circonstances atténuantes : elle le pourrait, dans la mesure où la crainte constante d’être puni pour un mal dont on n’est pas responsable peut être considérée comme un mal à minimiser. Néanmoins, il n’est pas nécessaire logiquement qu’elle le fasse : une législation qui punirait aussi ceux qui ont des circonstances atténuantes serait tout aussi dissuasive. En conclusion, une expérience montrant que les gens se soucient des circonstances atténuantes ne permettrait pas d’en conclure qu’ils n’ont pas une conception utilitariste de la peine, mais une expérience montrant que les gens ne se soucient pas des circonstances atténuantes permettrait de rejeter l’hypothèse selon laquelle ceux-ci ont une conception rétributive de la peine).

 

source : 

(88) Neurosciences et droit pénal : le déterminisme peut-il sauver la conception utilitariste de la peine ? | Florian Cova - Academia.edu

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