LE POINT DE VUE AU CINEMA
1. Point de vue optique = d’où voit-on ? Position définie par l’emplacement de la caméra. Frères Lumières cf peintres. A partir de Griffith, multiplication des points de vue.
2. Point de vue = vue elle-même, image organisée par le jeu de la perspective.
3. Point de vue narratif = focalisation
- Narrateur > Personnage : point de vue omniscient (ou focalisation zéro).
- Narrateur < Personnage : point de vue (ou focalisation) externe. Caméra objective
- Narrateur = Personnage : point de vue (ou focalisation) interne. Caméra subjective (sujet de l’action)
4. Point de vue éthique ou idéologique = opinion, jugement, vision du monde
Questions à se poser sur le point de vue :
- Où est placée la caméra qui prend l’image ?
- Quelle est la vue ?
- Qui raconte l’histoire ? Du point de vue de qui est-ce raconté ?
- Quel est le point de vue de l’auteur sur l’histoire, les personnages… ?
Pour aller plus loin :
Le point de vue, Jacques Aumont, Communications n°38, Seuil.
Le point de vue, Joël Magny, Les Cahiers du cinéma.
Figures III, Gérard Genette, Seuil. Les leçons de cinéma : https://www.youtube.com/watch?v=ZKdcruWdiKY
melanie leblanc
source : http://ekladata.com/1UgIdOVQEW7IG776_PU_Zdh3otg/Le-point-de-vue.pdf
(...) Points de vue dans le film et focalisations
Aumont distingue quatre significations de la notion de point de vue au cinéma :
1. Le point depuis lequel on regarde, la position définie par l'emplacement de la caméra par rapport à l’objet regardé. Les cinéastes, dès les frères Lumière, ont réinvesti l'expérience des photographes voire des peintres pour choisir l'emplacement de la caméra et optimiser le cadrage de l'image. Très tôt, avec Griffith, le cinéma a appris à déplacer et à multiplier ce point de vue : cela implique des changements de plan et des mouvements d’appareil. Une caractéristique du cinéma de fiction est bien d'offrir un point de vue multiple et variable.
2. La vue elle-même, en tant que prise depuis un certain point de vue, l’image organisée par le jeu de la perspective centrée.
3. Ce point de vue est référé à un point de vue narratif. Le cadre est toujours plus ou moins la représentation d’un regard, qu'il soit celui du narrateur ou celui d’un personnage. L’emplacement de la caméra et la vue elle-même correspondent à ce point de vue narratif.
4. Le mot « point de vue » en français prend aussi un sens figuré pour désigner une opinion particulière, un jugement. Le point de vue informe l’organisation de la représentation et de la narration, le tout est surdéterminé par une attitude mentale qui traduit le jugement du narrateur sur l’événement ou sur les personnages.
Dans le film narratif, le point de vue est la plupart du temps assigné à quelqu’un : c'est soit celui d'un personnage du récit, soit celui de l’instance narratrice. Analyser les points de vue ou les regards dans un film narratif, c’est centrer l’analyse essentiellement sur la « monstration » par opposition à la narration au sens strict.
La focalisation renvoie aux procédés et moyens de représenter les informations narratives du point de vue de quelqu'un. Il convient d'emblée de distinguer la focalisation par un personnage de la focalisation sur un personnage. La focalisation sur un personnage est extrêmement fréquente puisqu’elle découle très normalement de l’organisation même de tout récit qui implique un héros et des personnages secondaires : le héros sera celui que la caméra isole, privilégie et suit. On peut parler de focalisation externe.
La focalisation par un personnage est aussi fréquente dans les films et se traduit le plus souvent sous la forme de ce qu’on appelle la caméra subjective, mais de façon momentanée ; cette focalisation interne adopte le regard d'un personnage ; elle peut varier, rester stable ou papillonner plus ou moins dans une oeuvre filmique, comme d'ailleurs dans un roman.
La focalisation amène ainsi à voir quel point de vue oriente le segment d'informations donné par le film, à envisager quelle est la perception adoptée comme la source de l'information. De qui relève-t-elle ? Quelle est aussi sa nature : est-ce la vision d'un personnage, vision directe ou médiatisée par un instrument (jumelles, téléobjectif, caméra...), sont-ce les images d'un rêve, des images ou éléments d'un souvenir etc. ?
- du narrateur premier ou grand imagier,
- d'un narrateur second, personnage,
- d'un personnage de l'histoire racontée. Un personnage dans l’action est censé voir ce que le spectateur voit.
Les oiseaux, film d'Alfred Hitchcock (The Birds, 1963), joue ainsi sur l’introduction de plans subjectifs, à focalisation interne, au sein de la continuité du film qui passe par une instance narratrice extérieure dont le p.d.v. semble neutre, à focalisation zéro. Le légendaire suspense hitchcockien dans ce cas est amené surtout par un travail sur la construction du cadre et la multiplicité des points de vue adoptés.
Ainsi, dans la séquence de l'école, la caméra commence par suivre Melanie Daniels sortant du bâtiment, traversant la cour et s'asseyant sur une barrière, puis celle-ci fume une cigarette attendant la sortie des élèves et la fin du cours de chant d'Annie. Au second plan apparaissent les éléments importants du décor, bâtiment scolaire et accessoires de jeu. Hitchcock use ici de plans alternés, les uns sur le visage de l'héroïne, les autres sur la "cage à poules" du jeu. Progressivement, un puis plusieurs oiseaux vont venir s'y percher, semblant s'y regrouper en nombre. Enfin, un oiseau passe de gauche à droite devant Melanie Daniels qui l'aperçoit et le suit du regard, tournant la tête. Le volatile rejoint les autres oiseaux sur l'accessoire de jeu : c'est seulement alors que Melanie Daniels découvre la situation et voit le groupe d'oiseaux inquiétants.
Le mécanisme de création du suspense repose ainsi sur l'identification du spectateur au personnage et la différence ou l'écart entre deux p.d.v. : le spectateur partage la vision et le savoir de l'instance narratrice sur les oiseaux et constate que Melanie n'a pas perçu le danger par les plans qui montrent ce qu'elle voit. Le spectateur, moins "naïf" que le personnage, attend donc sa prise de conscience : se fera-t-elle à temps?
Remarquons que la bande sonore, dès l'ouverture de la séquence, nous permet de faire le lien avec l'intérieur de l'école de Bodega Bay : pendant que Melanie Daniels attend, nous entendons les élèves de la classe chanter sous la direction de leur maîtresse. L'horizon de la menace est ainsi cadré : les enfants sont concernés autant que Melanie. Une évolution se construit autour de l'effet de la bande sonore : au début, le chant semble ainsi simplement prendre une coloration positive et contextualiser la scène en rappelant l'enfance et l'univers scolaire ; mais avec la découverte du rassemblement des oiseaux par le spectateur, un contraste dramatique s'établit et accentue la tension. La classe comme Melanie n'a pas conscience du danger. La bande sonore, loin d'être inutile, rappelle ainsi l'espace intérieur et souligne l'enjeu en termes de menaces.
Le regard. |
L'objet du regard. |
|
Les Oiseaux d'Hitchcock (1963) source : http://emile.simonnet.free.fr/sitfen/cinema/Narration.htm |
Commenter cet article