NB : tous les extraits vidéo sont consultables sur la chaîne youtube de F. Grolleau
Retour récapitulatif sur la séance 9
Rappel : l'illusion en philosophie
La distinction entre erreur et illusion
Sur cette question, en rappelant la réflexion suprême sur le cinéma et l'illusion qu'on doit à Woody Allen avec La Rose pourpre du Caire, voir "L'illusion, la vérité et la moquette de Woody Allen (Divertissement)" de André Comte-Sponville dans Valeur et vérité (1997), pages 9 à 24 : "Le doute me ronge. ET si tout n 'était qu'illusion ? Si rien n'existait ? Dans ce cas, j'aurais payé ma moquette beaucoup trop cher."
Suite Inception et l'argument du rêve :
voir : L'étonnement et les boucles impossibles, d'Escher à Inception
https://culturellementvotre.fr/2021/04/15/escher-philip-k-dick-inception/
Dans Batman, The Dark night rises, vous avez dû goûter l'attrait sombre des décors - de Manhattan / Gotham aux profondeurs des égouts infernaux. Vous avez dû aussi être passablement impressionnés par la mystérieuse topographie de la prison souterraine dans laquelle Bruce Wayne va végéter un moment, en attendant que sa colonne vertébrale se ressoude et que sa motivation se requinque. (...) l'obscur cachot de Batman est en réalité un puit rajasthanais - car cet épisode carcéral de Christopher Nolan a été tourné en Inde. Plus précisément, à Jodhpur, la cité bleue, surplombée du magnifique fort de Mehrangarh (que l'on aperçoit d'ailleurs au détour d'un plan ou deux). Au Rajasthan, l'eau est rarissime... Alors les hommes ont appris à creuser des puits très, très profonds, qu'ils ont équipés de nombreux escaliers sur l'ensemble des parois - dessinant cette incroyable architecture géométrique. On appelle ces puits des baoris - avec un fascinant ce jeu répétitif d'ombre et de lumière où le soleil s'accroche et le regard se perd... Cela évoque ces illusions d'optique jouant sur la figure de l'escalier sans fin - l'escalier de Penrose, immortalisé picturalement par Escher.
L'escalier de Penrose est une construction en trompe-l'oeil destinée à matérialiser le concept d'objet impossible : une manière de placer le sujet face aux limites de son cerveau et d'interroger les failles de notre perception. Est-il montant ou descendant ? Concave ou convexe ? L'esprit humain, qui passe son temps à jouer les fortiches, s'en retrouve tout déboussolé. Ce jeu des illusions a inspiré de nombreuses oeuvres de fiction, dont Inception, du même réalisateur que Batman. M. Nolan, auriez-vous quelques petites obsessions ? Dans Inception, la référence explicite à l'escalier de Penrose est la métaphore même du film : une mise en abyme qui induit par un effet de boucle sans cesse renouvelé une perception vertigineuse de l'infini.
Dans Batman en revanche, il s'agit moins d'une brillante réflexion sur l'étendue des jeux de l'esprit à travers le prisme du rêve, que d'une métaphore plus classique de la rédemption. Pas d'angoisse kafkaïenne face à un réel qui se défile et une raison qui se délite - mais un défi moral à relever. Pas une mise en scène cinématographique de la conscience dans sa dimension existentielle, mais plutôt une focalisation sur le poids moral de la culpabilité. Christopher Nolan est peut-être de nationalité anglaise, mais avec Batman il a pleinement intégré les grands principes de la philosophie hollywoodienne : le héros tombe, mais se relève. L'escalier donne le vertige, mais mène quelque part. Le puits est profond, mais s'ouvre sur le ciel...
L'issue est là, presque inaccessible, mais pas inexistante. Il suffit d'y croire pour l'atteindre. Pesanteur de la faute, lumière de la grâce, Batman est un condensé de la psyché américaine : l'important, c'est en définitive la confiance en soi - et, plus ou moins implicitement, la foi en une entité supérieure intangible et bienveillante.
source : http://www.oeildechouette.com/2012/09/batman-et-le-paradoxe-de-lescalier.html
Labyrinthe et réalité dans Inception, séquence de Paris renversé :
L’extrait analysé (de la minute 21 à la minute 33, chap. 3 et 4 du DVD) correspond au moment où Cobb (Leonardo DiCaprio) recrute une collaboratrice pour s’introduire dans le rêve d’un riche industriel et lui « insérer » l’idée qu’il doit détruire son empire. S’il réussit, il pourra enfin revenir aux États-Unis et revoir ses enfants. La séquence commence par l’embauche d’Ariane, une brillante étudiante en architecture. Cobb lui fait passer un test en lui demandant de dessiner en 2 minutes un labyrinthe dont on ne peut trouver rapidement la solution. Il s’agit en en fait de recruter une architecte chargée de façonner des niveaux dans lesquels vont évoluer les autres personnes impliquées dans le rêve, afin que cela paraisse le plus réel possible.
Cobb est persuadé qu’Ariane va accepter le marché qu’il lui propose, c’est parce que le rêve va permettre à Ariane de réaliser ses rêves d’architecte, à savoir donner libre cours à son imagination et lui permettre de construire des espaces fabuleux et impossibles dans la réalité. » La séquence montre d’ailleurs le pouvoir créateur d’Ariane à plusieurs reprises, qui donne vie à ses rêves, puisqu’on la voit bâtir un pont par la seule force de sa volonté. De même, les rues montent soudain à la verticale pour former des parois masquant l'horizon. Ce pouvoir créateur donne la capacité à l’homme d’échapper à l’espace-temps. Ces contraintes sont en effet une limite de notre condition humaine et, miraculeusement, le rêve permet de s’en soustraire. Le rêve permet tout d’abord d’échapper à la pesanteur. Ariane va ainsi créer un labyrinthe dans lequel il est possible de marcher à l’envers. Elle semble d’ailleurs fascinée par sa création comme si le rêve lui permettait de réaliser les idées les plus folles de son imagination. Le réalisateur Christopher Nolan s’inspire ici des dessins et lithographies d’Escher qui s’attache à représenter des mondes en réalité impossibles. Le labyrinthe de la ville de Paris n’est pas sans rappeler la gravure Relativity où les habitants évoluent sur trois plans de gravitation différents.
D’autres plans du film s’inspirent d’ailleurs de manière évidente d’Escher comme celui où l’on voit le réalisateur reconstituer l’escalier de Penrose, objet mathématique impossible constituant une perpétuelle montée (ou descente, selon le sens de rotation). De même, plusieurs séquences du film donnent d’ailleurs à voir les personnages en apesanteur, comme celle de rêve qui se déroule dans l’hôtel.
D’autre part, le rêve permet d’échapper à la contrainte temporelle ; on apprend en effet au cours de la séquence que le rêve qui semble avoir duré une heure n’a en réalité duré que 5 mn. Tout le film joue en fait constamment sur la différence entre la durée subjective du rêve et la durée objective de la réalité puisque le film est une série de rêves imbriqués les uns dans les autres dont la durée subjective augmente au fur et à fur que l’on descend dans les niveaux du rêve.
Le problème du rêve, c’est précisément qu’il apparaît comme réel aux yeux du rêveur et que celui-ci finit par prendre le rêve pour LA seule réalité qui soit. Ariane, comme le spectateur, est donc d’abord victime d’une illusion. La séquence sur la terrasse du café parisien apparaît en effet comme réelle car elle est la suite de la séquence précédente sur les toits de Paris. Le réalisateur a pratiqué ici une ellipse narrative car il ne nous a pas montré le moment où Ariane a accepté de se livrer à une expérience de rêve partagé. Le seul moment où
l’on aurait pu comprendre qu’Ariane a accepté le marché, c’est lorsqu’on voit, Arthur, le complice de Cobb, mettre en place dans le hangar le dispositif qui rend possible l’expérience de rêve partagé. Cette séquence est cependant inintelligible sur le moment, et ce n’est que lorsque l’on a compris qu’Ariane rêvait qu’elle fait sens. Le spectateur est donc, comme Ariane, surpris de se retrouver au beau milieu d’un rêve. On notera d’ailleurs qu’au moment où Ariane comprend qu’elle est victime d’une illusion, les immeubles parisiens se mettent à se désagréger. Cette destruction est à interpréter de façon symbolique comme la perception du caractère factice du rêve et le retour d’Ariane à la réalité.
Comment d’ailleurs être sûrs que nous ne rêvons pas ? C’est ici qu’intervient le totem, à savoir un objet qui permet à la personne qui le possède de faire la part des choses entre rêve et réalité. L’extrait nous en présente deux : la toupie de Cobb et le dé pipé d’Arthur. Il s’agit d’un objet qui va être à la fois connu de cette personne dans la réalité et lorsqu’elle est immergée dans un rêve. En l’occurrence, lorsque Cobb est dans la réalité, la toupie doit cesser de tourner. On voit ainsi au cours de la séquence Cobb se précipiter sur sa toupie pour vérifier qu’il est bien dans le réel.
A la fin du film, Cobb refera le même geste, mais on ne verra pas, comme dans cette séquence, la toupie s’arrêter. La fin du film est donc ouverte et laisse en suspens la question de savoir si Cobb est vraiment rentré chez lui dans la réalité. On le voit, la question de savoir si nous sommes dans un rêve ou dans la réalité est au cœur même du film.
La distinction rêve/réalité selon Descartes :
"Combien de fois m'est-il arrivé de songer, la nuit, que j'étais auprès du feu, quoique je fusse tout nu dedans mon lit ? Il me semble bien à présent que ce n'est point avec des yeux endormis que je regarde ce papier ; que cette tête que je remue n'est point assoupie ; que c'est avec dessein et de propos délibéré que j'étends cette main, et que je la sens : ce qui arrive dans le sommeil ne semble point si clair ni si distinct que tout ceci. Mais, en y pensant soigneusement, je me ressouviens d'avoir été souvent trompé, lorsque je dormais, par de semblables illusions. Et m'arrêtant sur cette pensée, je vois si manifestement qu'il n'y a point d'indices concluants, ni de marques assez certaines par où l'on puisse distinguer nettement la veille d'avec le sommeil, que j'en suis tout étonné ; et mon étonnement est tel, qu'il est presque capable de me persuader que je dors"
Descartes, Méditations métaphysiques, I.
Dormir les yeux ouverts est - ce encore dormir, ou est - ce déjà veiller ? Le propos de Descartes tire sa force de sa capacité à retourner la situation la plus évidente, celle de la relation au monde extérieur et de son appropriation, en une relation soudainement trouble et mystérieuse. Tout autant que par la distinction discutée de la veille et du sommeil, le texte importe par la mise en question de notre rapport familier et cependant inconnu au monde, de l'engagement de notre corps dans la réalité extérieure. L'auteur procède à l'analyse du sentiment de la réalité et de ses formes, pour montrer qu'il n'existe aucun indice concluant pour nous convaincre que nous ne dormons pas. Mais ne pas disposer d'arguments concluant à la certitude de la veille, cela suffit - il à convaincre que nous rêvons ? Le propos n'est pas théorique ; il est la description d'une situation, familière et rassurante. L'étonnement qui suivra l'analyse n'en sera que plus fort.
L'exemple choisi est des plus propres à persuader que nous ne dormons pas, quelque doute que nous puissions nourrir. Sa familiarité vient de sa fréquence ("Combien de fois m'est - il arrivé de songer (...)"), de sa communauté : qui ne fait de rêves tels que celui de Descartes, ? La scène est rassurante : le lit ; le feu du foyer; la chambre. Tout dans cet exemple respire la paix, le confort et le repos de la certitude. Nul doute encore : c'est maintenant qu'il est éveillé que Descartes, rapporte le rêve d'une confusion entre le rêve et la
veille. Si le rêve confond la veille et le réel, en revanche la veille dissipe cette incertitude : éveillé, je ne saurais plus douter que je veille, que j'ai rêvé et donc que je ne rêve plus.
"Il me semble bien à présent..." que je ne dors pas. Il s'agit bien d'une semblance et cette semblance que l'auteur va examiner. Quels en sont les motifs ? Dans l'état de conscience de la veille, la conscience est tournée vers le monde extérieur : "ce n'est point avec des yeux endormis que je regarde ce papier". La certitude de la veille provient de cette orientation de la conscience vers les objets qu'elle ne construit pas, qu'elle n'imagine pas et qui s'imposent à elle. Elle provient encore du rapport particulier au corps ("(...) cette tête que je remue n'est point assoupie (...)" ; "(...) cette main, et que je la sens (...)").
Veiller ou dormir : ce n'est pas la même relation à son corps. Le dormeur perd la notion immédiate de son corps pour disposer peut-être d'une représentation de celui-ci : le corps du dormeur entre dans la représentation assoupie du dormeur : il rêve qu'il vole ; qu'il reçoit un coup. Mais le corps du dormeur est un corps rêvé, et un corps rêvé qui sera formé par les affections présentes du corps vigilant. L'impression de froid du corps vigilant provoquera le rêve de chute du corps rêvé. Le corps du dormeur est un corps intériorisé, entré dans la représentation. Il reste le dernier indice : "c'est avec dessein et de propos délibéré que j'étends cette main". Je reste maître de moi, de mon corps, de la relation de mon corps à l'espace extérieur quand je veille.
Plusieurs critères donc peuvent m'assurer que je ne suis pas dans mes représentations mais bien dans le monde qui m'entoure : "ce qui arrive dans le sommeil ne semble point si clair ni si distinct que tout ceci". La clarté de chaque sensation, de chaque contenu de la représentation est donnée la première. Les images des rêves sont obscures : ce qu'elles représentent ne m'est pas toujours connu. Chaque représentation de l'état de veille dispose d'une force intrinsèque : rien en elle ne me résiste quand je veux l'examiner. Son sens, son contenu me sont immédiatement accessibles. Il ne me faut pas une longue réflexion pour comprendre que j'étends la main, que je veux l'étendre et qu'elle s'empare de cet objet.
La distinction est le second critère : chaque représentation de la veille ne se confond pas avec une autre. Une sensation colorée, le rouge d'un rideau, conserve une certaine identité ; elle ne se confond pas avec le vert de la couverture. Or les sensations du rêve ont cette étrange vertu de compénétration qui font que les couleurs se mêlent, que les visages sont ceux de plusieurs personnes, tour à tour. L'identité et la permanence ne sont pas garanties dans les sensations du rêve.
Il reste un dernier critère : la comparaison de la veille et de la réalité ne semble possible que dans l'état de veille ("Combien de fois m'est-il arrivé de songer" ; "en y pensant soigneusement, je me ressouviens"). La veille fait place au jeu des opérations intellectuelles de la mémoire et de l'imagination. Je peux, étant éveillé, me souvenir d'un rêve, comparer son contenu à celui d'un état de la veille. Mais c'est ce jeu des opérations intellectuelles qui, précisément, introduira le doute : "Mais, en y pensant soigneusement, je me ressouviens d'avoir été souvent trompé" ; "Et m'arrêtant sur cette pensée...".
"Mais, en y pensant soigneusement...". Descartes, réfléchit, c'est-à-dire qu'il revient, sur cette expérience. La réflexion va produire un retournement : le plus familier va devenir le plus étrange. En cela, le texte est du fantastique. La réflexion sur cette expérience est "soigneuse" ; elle demande des efforts. Le doute est permis mais il n'est pas premier, ni spontané, ni immédiat. Le doute va naître d'une considération qui sollicite l'étude, la sagacité et des connaissances. Qui douterait de veiller s'il s'en tenait aux impressions immédiates de la veille ? La suspicion sur l'état de veille est le fruit d'un raisonnement qui n'a rien de commun : "je me ressouviens d'avoir été souvent trompé". Le doute vient du souvenir de la déception et de la tromperie : ce qui m'a trompé peut encore et maintenant me tromper alors même que je crois être le plus assuré de veiller. Il s'agit donc de l'extension d'expériences malheureuses au cas présent. Cette extension est renforcée par la ressemblance de ces expériences fâcheuses avec celle que je suis en train de vivre et qui paraît présenter tous les caractères de la vérité ("de semblables illusions"). Ainsi, alors que les différences étaient accentuées dans la description de l'expérience, elles semblent maintenant estompées.
Il n'existe donc pas d'indices assurés pour départager la veille et le rêve. Descartes, ne cherche pas des indices concluants dans le contenu perceptif du rêve : il appuie son doute sur la seule considération du raisonnement qui étend au présent le souvenir des déceptions passées ("Et m'arrêtant sur cette pensée (...)"). "(...) il n'y a point d'indices concluants, ni de marques assez certaines (...)" pour assurer de la veille : le rêve lui-même ne présente aucun caractère par où je pourrais distinguer le contenu imaginaire de la conscience avec le contenu de la conscience vigilante. La certitude de Descartes, va donc se retourner en incertitude par le procédé le plus artificiel : un raisonnement qui ne conclut pas à l'existence de la veille va conclure, et sans doute avec un tour sophistique, à l'existence du rêve. Parce que je n'ai pas de moyen sûr de savoir que je suis éveillé, je serai peut-être en train de rêver.
"(...) j'en suis tout étonné" et cet étonnement est lui-même étonnant. L'étonnement concerne une relation à ce qui est nouveau et quoi de plus familier que le rêve, que la veille, que la distinction clairement vécue entre ces deux états ? Mais l'étonnement est étonnant aussi parce qu'il est méthodiquement construit : il ne surgit pas d'une relation spontanée du sujet à ses contenus de conscience ; il est au contraire l'effet d'un raisonnement dont la validité reste à établir. L'étonnement de Descartes est étonnant enfin parce que c'est cet étonnement qui produirait la certitude de l'incertitude : "(...) mon étonnement est tel, qu'il est presque capable de me persuader que je dors". Il est presque capable de me persuader. On ne peut mieux souligner et la facilité ordinaire de chacun à savoir qu'il veille et l'artificialité du raisonnement qui conduit à construire la fiction du rêve éveillé.
source :
http://serge.boarini.free.fr/Philosophie./Corriges/cortxg/cortxgDESCARTES2.html
NB : 3 conséquences importantes à prendre en compte :
- depuis Cratyle, la querelle sur les noms et les mots sans rapport ontologique au réel : d'où la critique des valeurs morales et conventions sociales dénoncées par Nietzsche dans La Corde (Hitchcock, 1948).
- la question de la répétition et de l'immersion dans le quotidien ininterrogé (retour au Leibniz des "petites perceptions") mise en exergue dans Edge of Tomorrow (Doug Liman, 2014) - lien direct avec "l'éternel retour" et la vertu de l'oubli chez Nietzsche .
Edge of Tomorrow est conçu d'après All You Need Is Kill un light novel japonais de Hiroshi Sakurazaka illustré par Yoshitoshi ABe. Le livre est publié par les éditions Shūeisha dans leur collection Super Dash Bunko depuis décembre 2004 (il est édité en version française par Kazé le 7 mai 2014)
voir toutes les morts du soldat Cage en une vidéo
- la perte de perception du réel en tant qu'elle engendre la folie (voir D. Aronofsky, Requiem for à Dream, 2000) [interroger le lien entre "la femme en rouge ici et celle dans Matrix]
Atelier 6 : Secret beyond the door (F. Lang, 1947) (reprise de la thématique de Room (d’une chambre (room) à l’autre) : la chambres, endroit ou envers du réel ?
---> Lien avec Barbe Bleue, le mal et la psychanalyse
Comparer les 3 séquences ci-dessous pour interroger le statut de la réalité présenté par le film:
- extrait 1 : Mark fait visiter à ses invités les chambres de meurtriers dont il fait la collection
- extrait 2 : Célia découvre sa chambre en s’installant dans la maison familiale des Lamphere
- extrait 3 : Celia parvient à visiter la chambre (de crime) n°7 dont Mark garde l'accès avec vigilance
NB : insister sur la scène du mur de briques comme symbole de la tension entre réalité et perception/illusion
& en donner 3 autres exemples avec Le Village des Damnés, The Wall & Rear window (analyse générique)
Récapitulatif de notre problématique depuis la séance 1 & Jonction à la thématique "La raison et le réel" :
Pour la pensée commune, le réel est défini par ce qui s'offre à percevoir ou, du moins, est tenu pour susceptible d'être perçu. Les philosophes, plus circonspects dans leur appréciation de la réalité, nous mettent tous en garde contre ce qui pourrait bien être une pure illusion : ce n'est pas la réalité elle-même que nous percevons, mais sa transposition mentale en nous, sans même nous en apercevoir. Platon a magnifiquement analysé cette illusion au livre VII de la République en suggérant, au moyen d'une allégorie, que le commun des mortels, tel des prisonniers enfermés dans une caverne et tournant le dos au monde extérieur, ne perçoit que l'image de celui-ci, tout en croyant le voir lui-même. A supposer que ce soit bien la réalité que nous percevions, ce que nous nous représentons d'elle n'en est pas moins une reconstruction mentale, objet d'un jugement, fruit lui-même d'une interprétation des données sensorielles, comme l'a bien expliqué à son tour Alain à la vue d'un cube, à la suite de Descartes examinant un morceau de cire, qui n'a de cire que l'apparence.
Si les philosophes refusent de croire que le réel s'offre à nous tel qu'il peut être en lui-même, ils ne croient pas tous pour autant, comme Berkeley par exemple, que "être, c'est être perçu" et rien d'autre, et que le réel, par conséquent, n'a pas de consistance propre en dehors de la pensée. Loin de vouloir nous détourner du réel - contrairement à l'accusation de Nietzsche les concernant -, ils veulent au contraire nous aider à ne pas nous tromper à son sujet. Ils s'efforcent pour cela, chacun à leur manière, de nous tracer un chemin grâce auquel nous puissions parvenir à le comprendre tel qu'il est, ou du moins tel qu'ils pensent qu'il est, à la lumière de leur propres investigations.
Lorsqu'elle s'émancipera de la philosophie, la science confirmera ce dont les philosophes avaient eu l'intuition dès l'éveil de leur pensée critique : ce qui s'offre à l'observation immédiate ne peut rien nous apprendre : il faut l'interroger et pour cela faire grand usage de la raison. "Rien n'est donné, tout est construit", finira par reconnaître Gaston Bachelard après avoir consacré l'essentiel de sa pensée à la recherche scientifique. On comprendra dès lors que la philosophie consacre une part importante de sa réflexion au rapport de la pensée au réel dont l'enjeu n'est rien moins que la possibilité pour nous d'accéder à la vérité.
Qu'est-ce que la vérité, en effet, sinon précisément l'accord de la pensée avec le réel : je penserai, à juste titre, que j'ai raison, que je dis vrai, si ce que je dis correspond bien à la réalité. Or, pour que la pensée saisisse bien les choses telles qu'elles sont et accède ainsi au réel, il faut qu'elle procède méthodiquement et se donne des moyens de s'assurer de la justesse de son approche de celui-ci.
Notes des étudiant(e)s sur cette séance :
XXX
voir la séance 11
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