Bande
dessinée info
Après, Tintin (Frédéric Grolleau) – BoD
dimanche 29 mars 2009, par Thomas Clément
Les
membres du Khi-Oskh Club n’ont qu’un seul but : faire respecter vaille que vaille l’héritage d’Hergé. La noble mission que les trois membres de ce cercle de tintinophiles aguerris ne souffre
aucune tergiversation, et les nombreux spécialistes qui participeront aux débats initiés par les adeptes de cette société en seront pour leurs frais.
Entre polar et réflexion philosophique, ce roman de Frédéric Grolleau, par ailleurs directeur de la rédaction du site lelitteraire.com, est surtout une belle partie de jeu du chat et de la souris. Le narrateur, que l’on voudrait identifier à l’auteur, est un tintinophile délirant, un collectionneur maladif de tout ce qui touche à cet univers (la description précise des innombrables artefacts qui composent sa collection finit d’ailleurs par être drôle par son principe de running gag), et son obsession le pousse, en compagnie de ses deux comparses, à partir à la recherche d’un monde tintinesque idéal, ou tout du moins idéalisé, par ces trois-là. Quitte à éliminer physiquement leurs contradicteurs.
On croise donc, au milieu des statuettes, puzzles, horloges et autres objets issus des Aventures de Tintin et Milou quelques grandes figures de l’exégèse de l’oeuvre d’Hergé (Albert Algoud, Pierre Assouline, Benoît Peeters et Serge Tisseron seront de la partie), mais attention ! Pour la plupart d’entre eux, la discussion sera fatale !
Avec son roman et par un curieux effet d’ironie, Frédéric Grolleau se paie donc le luxe de railler à la fois les spécialistes de Tintin et les collectionneurs (il en fait d’ailleurs partie !), ceux-là même qui s’y intéresseront en premier chef.
Après, Tintin
Auteur : Frédéric Grolleau
Editeur : BoD
172 pages
11 euros
Parution le 26 février 2009
source :
http://www.bandedessinee.info/Apres-Tintin-Frederic-Grolleau-BoD.html
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Frédéric GROLLEAU
Est-ce un roman philosophique, un catalogue d’objets dérivés, une lecture psychanalytique de Tintin, un pamphlet ? Un peu de tout cela ce qui donne
forcément un ouvrage inclassable. Voyons un peu.
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Editions BOD 172 pages - 11 €
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source :
http://www.encres-vagabondes.com/magazine/grolleau.htm
2009, l’année Tintin ?
mardi 7 avril 2009 par François Xavier
A n’en pas douter si l’on considère ces deux événements majeurs : l’ouverture du Musée Hergé, à compter du 2 juin, à Louvain-la-Neuve, à une vingtaine de kilomètres de
Bruxelles. Un bâtiment de 3600 mètres carrés, fruits du crayon génial de l’architecte français Christian de Portzamparc qui offrira au public deux expositions – une permanente et une tournante –
dédiées à Tintin, ainsi que des expositions temporaires consacrées à de jeunes auteurs de BD, plus une librairie, une salle de projection et un restaurant.
Mais avant, la parution de ce roman champagne qui vous laissera un arrière goût amer, comme si, finalement, Tintin n’était pas qu’une simple BD pour adolescents mais bien un univers étrange. Pour
vous en convaincre vous replongerez illico dans les albums d’Hergé …
Commençons par une généralité, car il y a toujours un fond de vrai dans une généralité, et cela sans populisme d’opérette ni philosophie de
comptoir ; dans une généralité il y a le bon sens et le résultat d’observations répétées, voire du vécu pour ce qui nous concerne, Frédéric
Grolleau
et votre serviteur. Donc, allons-y, enfonçons la porte à moitié ouverte : les éditeurs se la pètent ! Voilà
c’est dit. Une phrase qui corrobore celle de Michel Rio, rapportée il y a peu par un journaliste du NouvelObs ; Rio disait : "Un éditeur, ça dit oui ou non." et quand son
ancien lui a demandé de faire plus long, il est parti …
Ce qui nous fait dire que les réponses alambiquées que Grolleau a reçues au sujet de son Tintin sont à ranger dans le panthéon du n’importe quoi : pour résumer, les plus grands éditeurs de
Paris ont trouvé son livre remarquable, mais soit trop intelligent (sic), soit trop amusant, soit ceci et cela, enfin tout pour finir par refuser. Pensez donc, il y a les copains à publier, faut
pas pousser mémé non plus, hé ! Discours identique pour les dits "petits" éditeurs de province qui sont bien aussi grands que les autres par les perles magnifiques qu’ils débusquent au coin
des piles de manuscrits. Comme quoi, ils ne sont pas tous des chiens ; mais bon …
Tout cela pour en arriver à BoD,
un éditeur allemand qui, une fois étudié votre manuscrit (histoire de s’assurer que ce n’est pas l’apologie du crime ou un appel à l’insurrection), vous ouvre une interface sur la Toile. Un
fichier PDF plus tard voilà votre livre référencé sur Amazon et toutes une pléthore de fichiers dont les libraires raffolent … Y’a plus qu’à … Et surtout, la force de cet éditeur, c’est d’être
dans le vent et d’une logique imparable : finies les impressions à la volée et les livres qui partent au pilon. BoD n’imprime qu’à la demande. Alors, oui, vous allez attendre huit jours
l’arrivée du livre, soit chez votre libraire soit dans votre boîte aux lettres, mais qu’est-ce donc que huit jours comparés aux milliers d’arbres sauvés ?
Résumons : Gallimard, Denoël, Seuil et Grasset n’ont plus le monopole de la référence, des dizaines d’éditeurs sont partis de ces sociétés pour
créer leur propre label. Désormais, l’on se moque bien de qui publie, ce que l’on veut savoir c’est si ce que l’on va acheter vaut le coup. À partir du moment où la qualité de fabrication est
optimale l’on se penche donc sur le contenu.
Voyons alors de plus près ce que ce roman sur le célèbre reporter à la houppette cache comme trésors. Difficile pari que celui de rester sincère puisque la troisième partie s’est écrite dans ma
propriété du sud de la France, et que j’y ai reconnu quelques clins d’œil bien marqué de la part de l’auteur…
Après, tintin … Et si il n’y avait pas d’après, justement ? Et si, après, tiens, c’était rien, nada, makache, ouste ! du balai !
circulez il n’y a rien à voir ! Et bien oui, l’expression populaire "faire tintin", c’est bien être privé de quelque chose, non ? Alors que, et c’est bien là qu’il y a un os, il y
aurait beaucoup à dire. C’est pour cela que d’éminents intellectuels – ou tout le moins selon l’étiquette que certains s’autoproclament ou que des médias
complaisants leur attribuent – ont osé s’emparer du sujet le transformant en phénomène de foire pour érudits du dimanche
et promoteurs de spectacles qui y ont vu tout l’attrait mercantile d’une telle démarche. Oui, à bien y regarder, que ne savons-nous pas laisser en paix l’œuvre d’un mort plutôt que d’aller y
chercher les poux en coupant en quatre les cheveux si particuliers d’une houpette mondialement célèbre ?
Manifestement c’en est trop pour le narrateur qui se saisit du problème par le bout de sa colère et entraîne avec lui deux comparses tout aussi intégristes que lui et bien calés dans la genèse de
l’œuvre. On ne touche pas à Tintin, qu’on se le dise !
Vont alors l’apprendre à leur dépend quelques signatures bien connus, d’Albert Algoud à Pierre Assouline (sans oublier Apostolidès, Tisseron,
Peeters, etc.) : ils seront assassinés dans la plus pure tradition du crime rituel. On s’en lèche les babines de voir ainsi projetés dans la fiction des êtres de chair et de sang qui
dépassent parfois les bornes dans la réalité et que l’on aimerait bien, au minimum, entartrer selon les règles de notre compère belge …
Un pari risqué que prend là Frédéric Grolleau, on devine déjà quelques grincheux frapper à la porte de l’éditeur ou à celle de l’écrivain qui, retranché sur son île, aura le mérite de les voir
venir et pourra alors tenter une dernière manœuvre pour sauver sa peau, soit en prenant la fuite sur la Seine, soit en sabordant l’embarcation ennemie avant qu’elle ne vienne s’apponter en bas de
chez lui …
Mais trêve de plaisanterie. Après, Tintin … n’est pas qu’une farce grossière qui tire des fils un peu trop voyants, c’est aussi une analyse fine et complexe du personnage Tintin et de
ses implications dans le monde, de la manière dont on peut – doit ? – le lire et, dans la mesure où c’est tout de même, en tout premier lieu, une œuvre destinée au plaisir, de ce qui aura
rendu si proche de nous ce diablotin de reporter, et de ce qui nous aura procurer tant de plaisir ...
A tel point que des dizaines de pastiches, de parodies et de pirates circulent, notamment sur la Toile, ou vous pouvez les acheter, histoire de prolonger le plaisir, bandes d’adolescents attardés
que vous êtes … Mais que font donc les héritiers ?
Truffé de références, associant un quizz et des documents officiels, ce roman-essai s’élance parfois vers des sommets de la réflexion intellectuelle
– normal, Grolleau est agrégé de philosophie – mais que cela ne rebute point le lecteur lambda, le dictionnaire est aussi un compagnon de voyage ; et que serait le plaisir de lecture sans un
minium de choses à apprendre ?
Lisez ce livre, amis et nostalgiques de Tintin, vous ne le regardez plus du même œil, après …
Frédéric Grolleau, Après, Tintin …, BoD, mars 2009, 172 p. – 11,00 €
source :
http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article4010
livresdumonde.net
Que peut-il se passer quand des collectionneurs amoureux de l'oeuvre d'Hergé se rencontrent ? Ils vont d'abord comparer leurs collections. "C'est moi qui ai la plus grande ! Oui mais moi, j'ai des pièces rares..." Et, pour que nul n'en ignore, vient un inventaire à la Prévert où l'auteur enumère ses possessions, leur valeur marchande et le fournisseur...
Et puis, ils vont parler de cette passion qui les anime. Souvent, et c'est le cas ici, pour le personnage central et deux de ses
amis, ils fusionnent en une association, un club, un cercle pour répandre la bonne parole ou veiller au respect de l'oeuvre du Maître. C'est comme ça que, dans ce roman, est créé le cercle de Khi-Oskh, regroupant les initiés d'un ordre dévoué à la pureté de l'oeuvre !
Ce cercle, véritable secte des adorateurs du grand T.n.T, va dès lors se lancer dans une oeuvre d'épuration intelectuelle en convoquant devant son tribunal les plus célèbres des analystes de l'oeuvre d'Hergé. Seront ainsi appelés à témoigner à la barre de leur visiosn d'une hergitude correcte : A. Algoud, B. Garcia, J.-M. Apostolidès, P. Assouline, J.-L. Marion, B. Peeters, M. Serre, S. Tisseron... Du beau monde mais tous ne sont pas dans la ligne (claire) définie par le cercle Khi-Oskh. Et alors, "que le grand cric me croque", la punition tombe - sévère pour l'apostat - et viennent de petites trouvailles qui forment les passages les plus délirants du bouquin. Si le terme roman, sans être faux, est plus que légèrement exagéré, le récit en suit pourtant la construction logique. Cependant si, sur cette trame floue, l'auteur fait preuve d'une réelle érudition tintinienne, il ne séduit pas car trop intellectuel. Les extraits des exégèses philosophiques commises par les plus célèbres des experts ès tinitnneries sont souvent indigestes et ne sauraient séduire le grand public. Un ouvrage qui est plutôt à réserver aux fans et aux spécialistes du reporter à la houppette.
par François Membre
le 18/06/2009
lien :
http://www.livredumonde.net/index.php/module/critiques/cat/8/artid/704/apr%C3%A8s-tintin.html
Le titre "Après, Tintin..." suggère une idée d’inachèvement. Il laisse entrevoir une suite voire une continuité... Quel est le sens de ce titre et son lien avec l’histoire ?
Frédéric Grolleau : Peut-être l’inachèvement est-il connoté par les points de suspension du titre - davantage que par le "Après » vaguement suspensif. Mais mon intention de départ était plutôt de jouer sur la postérité d’Hergé en montrant que celle-ci relevait désormais d’une certaine caducité. A l’heure où se multiplient et se vendent sur tous supports tels des petits pains les pirates, pastiches et parodies des Aventures de Tintin et Milou, il me semble intéressant d’observer que Après Tintin (j’enlève la virgule), c’est-à-dire après le Tintin du Père, il n’y a plus rien. Après le Tintin d’Hergé donc, ... tintin ! Le titre est aussi un clin d’oeil à un commentateur d’Hergé qui a consacré un essai à la jeunesse du héros d’Hergé et qui s’intitule « Avant Tintin ».
Le livre ouvre sur un préambule intitulé « Tout un tintouin » qui se décline sous forme
d’une fiche à l’allure pédagogique où tu te livres à une explication exhaustive de l’expression « faire tintin ». Quel est le sens de ce détour
sémantique ?
Que le mot tintin qui renvoie originairement à un son de cloches, de grelot (homophonie de mon patronyme), de monnaie ou au tintement de verres -
thématique de mon premier roman, "Monnaie de verre" - qui s’entrechoquent permet d’associer au nom propre du reporter la dimension du manque et du vide - ce qui est en accord avec le titre du
roman, qui tend à souligner que ceux qui exploitent éhontément la créature d’Hergé ..."font tintin". Mais peut-être font-ils aussi Tintin au sens ou certains parodistes se montreraient plus
fidèles en poursuivant l’oeuvre d’Hergé à leur façon que les héritiers juridiques d’Hergé dont on connaît la rudesse et l’intransigeance en matière de gestion de l’héritage du Maître (ils
nous privent ainsi du trésor que pourraient constituer des parodies respectueuses des codes hergéens et nous amènent, en ce sens, à faire tintin de Tintin. Ce qui nous cause du
tintouin...
Ce précis de polysémie est la première partie de l’ouvrage que j’ai écrite une fois venue l’idée générale et il était important pour moi qu’il figure ainsi en tête du roman afin de proposer
une direction interprétative au lecteur, tant "Après, Tintin..." , à mes yeux, est un véritable jeu de pistes. Il m’amusait par ailleurs de rappeler que le mot tintin apparaît dans le langage
des troupes vu que l’un des mes héros, collectionneur fou et redoutable psychopathe, est présenté comme enseignant au lycée militaire de Saint-Cyr l’Ecole.
Sur la couverture du roman, Tintin est représenté tenant dans ses deux mains un objet qui pourrait
être un livre ou une tablette sur lequel figure les noms de "Jésus-Christ" et Dieu" ; Un objet à connotation religieuse. Quel est le message véhiculé à travers cette image qui peut avoir
un effet déroutant ?
C’est que j’aime beaucoup dérouter, ma foi...
Plus sérieusement, cette photographie m’a été obligeamment cédée par le journaliste Gérard Ponthieu, spécialiste des pays africains et qui tient un blog sur le site du Monde. Elle représente
une statue, Tintin et Milou en plâtre/ciment vus de dos (ce qui permet d’éviter des problèmes de droit à l’image), située près d’une guinguette à Kinshasa où Mobutu aimait se rendre.
Dès que je l’ai vue, j’ai compris que ce serait une couverture parfaite pour imager mon roman car certes il y a un clin d’oeil à l’aspect religieux de la tintinomania - certains
collectionneurs considèrent certaines pièces émanant du fond Hergé comme autant de reliques - mais, surtout, j’ai été attiré par la mise en abyme que représenterait la première de couverture
d’un livre sur Tintin où le lecteur verrait Tintin tenant lui-même dans ses mains un livre etc. Si j’en avais eu les moyens techniques j’aurais même pu mettre la couverture de mon roman en
lieu et place des mentions religieuses et le vertige eût été complet !
Le Khi-Oskh Club (K.O.C.) est animé par deux hommes et une femme qui se définissent comme des
« apôtres du tintinisme », « obsédés par le rééquilibre du Bien dans l’univers de Tintin. Le « Bien » est opposé à la notion du « mal ». Quel est le sens
attribué à ces deux notions dans le contexte tintinien ? Comment se déclinent-elles dans l’univers de « Après, Tintin... » ?
C’est là une question assez
technique : pour faire simple, disons que Tintin cherche toujours à promouvoir le bien, à sauver la veuve et l’orphelin, ce qui l’amène au fil de ses exploits à devoir combattre tous
ceux qui veulent déstabiliser le monde vertueux auquel il croit. Mais ce chevalier à la gaie figure, pour moquer Cervantès, n’est pas toujours pris pour le paradigme de la probité par les
pirates et autres parodistes, sans parler des commentateurs qui font subir à l’innocence de Tintin les pires analyses -psychanalytiques, franc-maçonnes entre autres.
Il était donc temps que des thuriféraires d’Hergé viennent venger l’honneur de son "fils", c’est-à-dire s’attaquer à ceux qui osent renverser le Bien tintinien en un Mal tintinoclaste. Les
mécréants que traque le K.OC - ostensiblement inspiré par le Fight Club de David Fincher - sont ainsi amenés, le temps d’un repas ou d’une interview, à se repentir de leurs erreurs
interprétatives avant d’être exécutés en prenant modèle sur un crime commis dans Les Aventures de Tintin et Milou. C’est une sorte de retour à l’envoyeur façon Copycat pour ainsi dire...
Pour les lecteurs qui ne comprendraient pas à quel point il y a une littérature infinie sur Tintin - où tout n’est pas "mal" je précise - je renvoie au site dédié au livre où se trouve un
imposant appareil de notes et de renseignements bibliographiques. Je fais figurer notamment sur le site toutes les
tintinades (de vrais documents n’ayant pas été façonnés par l’imaginiare du romancier) que je n’ai pas pu intégrer dans le livre parce qu’elles auraient pris trop de place..
L’objectif des membres
du K.O.C. vise à lutter contre "la marchandisation ou la surinterprétation de l’univers tintinien". Il y a dans leur attitude vis-à-vis de Tintin et de son concepteur une tendance à la
sacralisation voire de la « tintonomania » une . Qu’est ce qui motive ce positionnement ?
De toute évidence, je crains que nos trois gaillards n’aient été
bercés trop près du mur ! Le propos est certes outré, mea maxima culpa, mais, en cette période de forte intolérance religieuse, je suis parti du principe qu’il fallait répondre à
l’exagération (i.e la surinterprétation de l’univers tintinien ) par l’exagération, soit le délire de trois fans psychotiques qui décident un beau jour d’exécuter tous ceux qui blasphèment en
portant atteinte aux valeurs hergéennes. Comme tous les fous, ils ont tout perdu, sauf la raison - la preuve : deux d’entre eux sont des professeurs de philosophie - , ce qui les rend
encore plus dangereux et nuisibles !
Par moments, le "Je(u)" narratif laisse transparaître en filigrane un "je(u)" biographique.
On a le sentiment par moments que le narrateur se confond avec l’auteur. Quelle est
la part d’autobiographie dans Après, Tintin... ?
Comme dans toute démarche littéraire, il faut bien à un moment ou à un autre que l’auteur
puise dans une partie de son vécu, de son expérience personnelle pour donner corps à ses personnages et aux lieux qu’ils peuplent mais la plupart des informations et élémenst mis en scène
dans Après,Tintin... relève de l’imagination du romancier. Il ne faut pas croire que parce que le narrateur dit "je" c’est forcément moi : si en effet je reconnais sans honte
aucune aimer l’univers de Tintin je n’en suis pas encore à rêver la nuit de la façon dont je vais tuer ceux qui le spolient...
De ce point de vue, n’en déplaisent à mes détracteurs, il s’agit bien en la matière d’un roman à consonnance fictive et non d’une autobiographie.
Après, Tintin... est le énième ouvrage publié sur Tintin et son concepteur.Quelles sont les
raisons qui ont motivé l’écriture de ce livre ?
J’ai toujours été passionné par l’univers de Tintin. Il s’agit là de la première bande dessinée que j’ai découvert
enfant, en même temps que l’exercice de la lecture. Aussi, c’est en complétant ma bibliothèque tintinienne par des achats de parodies et autres pastiches que je me suis rendu compte de la
prolifération des oeuvres continuant l’entreprise d’Hergé : disons donc que cette résistance du reporter à la culotte courte m’est apparue comme un thème stimulant à exploiter...
De ton point de vue, qu’est ce qui différencie ce livre des autres ? Quel est son apport
principal pour l’œuvre d’Hergé et son héros, Tintin ?
Le seul intérêt que j’y vois aujourd’hui c’est que ce livre - toutes proportions gardées - résume un peu à mes yeux tous les autres puisqu’il est l’occasion du passage en revue de la majorité
des interprétations auxquelles Tintin prête flanc depuis le décès de son créateur.
Comment a-t-il été accueilli par les éditeurs ? Les critiques ? Le
public ?
La plupart des éditeurs parisiens à qui je l’ai soumis l’ont trouvé trop érudit et souvent trop philosophico-technique pour être adapté au grand public. C’est
assez amusant comme retour puisque ce sont les mêmes qui n’hésitent pas (aussi) à faire paraître, au nom du bon vieux renvoi d’ascenseur, chaque mois des romans de gare qui ne trouveront pas
plus leur "public" que ce titre ne prétendait le faire...
A ma connaissance, il y a eu assez peu de critiques et de lecteurs qui ont fait connaître leur avis sur ce roman (l’essentiel des avis informés est sur mon site auteur), à la différence de
Monnaie de verre et du Cri du sanglier mais je ne m’en soucie guère car je n’écris jamais en fonction d’un lectorat idéal. Je me contente de mener à bout une histoire telle qu’elle s’impose à
moi. On peut me reprocher là une démarche par trop egocentrée mais je préfère cela au fait de considérer que les personnes qui lisent des livres ont besoin d’être guidées en permanence parce
qu’elles n’ont pas le niveau requis pour pénétrer dans un univers. Tintin, ça se mérite, que diable !
Propos recuillis pour lelitteraire.com par Nadia Agsous le 25 novembre 2009.
(1) Selon Frédéric Grolleau, « donner du tintoin à quelqu’un » signifie « l’embarrasser, lui donner du souci.. », P. 11.
(2) Frédéric Grolleau est critique littéraire et auteur de plusieurs ouvrages. Pour en savoir plus sur ses productions : http://www.fredericgrolleau.com/
Frédéric Grolleau, Après,Tintin... BoD, avril 2009, 176 p. - 11,00 euros. |
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LA NOUVELLE REPUBLIQUE
Après, Tintin... de Frederic Grolleau
Une histoire très «tintinphile»
A tous ceux et à toutes celles à qui Après, Tintin... a «donné du tintoin» (1), cette interview accordée par Frédéric Grolleau (2) est une invitation à s'immerger dans l'univers de cette
histoire tintinphile qui ne finit pas de dérouter. Encore... Et encore. La NR : Le titre Après, Tintin... suggère une idée d'inachèvement. Il laisse entrevoir une suite voire une continuité...
Quel est le sens de ce titre et son lien avec l'histoire ? Frédéric Grolleau : Peut-être l'inachèvement est-il connoté par les points de suspension du titre - davantage que par le «Après»
vaguement suspensif. Mais mon intention de départ était plutôt de jouer sur la postérité d'Hergé en montrant que celle-ci relevait désormais d'une certaine caducité. A l'heure où se
multiptlient et se vendent sur tous suports tels des petits pains les pirates, pastiches et parodies des Aventures de Tintin et Milou, il me semble intéressant d'observer que Après Tintin
(j'enlève la virgule), c'est-à-dire après le Tintin du Père, il n' a plus rien. Après le Tintin d'Hergé donc, ... tintin ! Le titre est aussi un clin d'œil à un commentateur d'Hergé qui a
consacré un essai à la jeunesse du héros d'Hergé et qui s'intitule Avant Tintin. Le livre ouvre sur un préambule intitulé Tout un tintouin qui se décline sous forme d'une fiche à l'allure
pédagogique où tu te livres à une explication exhaustive de l'expression «faire tintin». Quel est le sens de ce détour sémantique ? Que le mot tintin qui renvoie originairement à un son de
cloches, de grelot (homophonie de mon patronyme), de monnaie ou au tintement de verres - thématique de mon premier roman, Monnaie de verre - qui s'entrechoquent permet d'associer au nom propre
du reporter la dimension du manque et du vide - ce qui est en accord avec le titre du roman, qui tend à souligner que ceux qui exploient éhontément la créature d'Hergé ... «font tintin». Mais
peut-être font-ils aussi Tintin au sens où certains parodistes se montreraient plus fidèles en poursuivant l'œuvre d'Hergé à leur façon que les héritiers juridiques d'Hergé dont on connaît la
rudesse et l'intransigeance en matière de gestion de l'héritage du Maître (ils nous privent ainsi du trésor que pourraient constituer des parodies respectueuses des codes hergéens et nous
amènent, en ce sens, à faire tintin de Tintin. Ce qui nous cause du tintouin...) .Ce précis de polysémie est la première partie de l'ouvrage que j'ai écrite une fois venue l'idée générale et il
était important pour moi qu'il figure ainsi en tête du roman afin de proposer une direction interprétative au lecteur, tant Après, Tintin..., à mes yeux, est un véritable jeu de pistes. Il
m'amusait, par ailleurs, de rappeler que le mot tintin apparaît dans le langage des troupes vu que l'un des mes héros, collectionneur fou et redoutable psychopathe, est présenté comme
enseignant au lycée militaire de Saint-Cyr l'Ecole. Sur la couverture du roman, Tintin est représenté tenant dans ses deux mains un objet qui pourrait être un livre ou une tablette sur lequel
figure les noms de «Jésus-Christ» et «Dieu», un objet à connotation religieuse. Quel est la message véhiculé à travers cette image qui peut avoir un effet déroutant ? C'est que j'aime beaucoup
dérouter, ma foi... Plus sérieusement, cette photographie m'a été obligeamment cédée par le journaliste Gérard Ponthieu, spécialiste des pays africains et qui tient un blog sur le site du monde
(http://gponthieu.blog.lemonde.fr). Elle représente une statue, Tintin et Milou en plâtre/ciment vus de dos (ce qui permet d'éviter des problèmes
de droit à l'image), située près d'une guinguette à Kinshasa où Mobutu aimait se rendre. Dès que je l'ai vue, j'ai compris que ce serait une couverture parfaite pour imager mon roman car,
certes, il y a un clin d'œil à l'aspect religieux de la tintinomania - certains collectionneurs considèrent certaines pièces émanant du fond Hergé comme autant de reliques - mais, surtout, j'ai
été attiré par la mise en abyme que représenterait la première de couverture d'un livre sur Tintin où le lecteur verrait Tintin tenant lui-même dans ses mains un livre etc. Si j'en avais eu les
moyens techniques j'aurais même pu mettre la couverture de mon roman en lieu et place des mentions religieuses et le vertige eût été complet ! Le Kli-Oskh Club (K.O.C.) est animé par deux
hommes et une femme qui se définissent comme des «apôtres du tintinisme», «obsédés par le rééquilibre du Bien dans l’univers de Tintin. Le «Bien» est opposé à la notion du «mal». Quel est le
sens attribué à ces deux notions dans le contexte tintinien ? Comment se déclinent-elles dans l’univers de Après, Tintin… ? C'est là une question assez technique : pour faire simple, disons que
Tintin cherche toujours à promouvoir le bien, à sauver la veuve et l'orphelin, ce qui l'amène au fil de ses exploits à devoir combattre tous ceux qui veulent déstabiliser le monde vertueux
auquel il croit. Mais ce chevalier à la gaie figure, pour moquer Cervantès, n'est pas toujours pris pour le paradigme de la probité par les pirates et autres parodistes, sans parler des
commentateurs qui font subir à l'innoncence de Tintin les pires analyses -psychanalytiques, franc-maçonnes entre autres. Il était donc temps que des thuriféraires d'Hergé viennent venger
l'honneur de son «fils», c'est-à-dire s'attaquer à ceux qui osent renverser le Bien tintinien en un Mal tintinoclaste. Les mécréants que traque le K.OC - ostensiblement inspiré par le Fight
Club de David Fincher - sont ainsi amenés, le temps d'un repas ou d'une interview, à se repentir de leurs erreurs interprétatives avant d'être exécutés en prenant modèle sur un crime commis
dans les Aventures de Tintin et Milou. C'est une sorte de retour à l'envoyeur façon Copycat pour ainsi dire... Pour les lecteurs qui ne comprendraient pas à quel point il y a une littérature
infinie sur Tintin - où tout n'est pas «mal» je précise - je renvoie au site dédié au livre où se trouve un imposant appareil de notes et de renseignements bibliographiques. Je fais figurer,
notamment, sur le site toutes les tintinades (de vrais documents n'ayant pas été façonnés par l'imaginiare du romancier) que je n'ai pas pu intégrer dans le livre parce qu'elles auraient pris
trop de place.. L'objectif des membres du K.O.C. vise à lutter contre «la marchandisation ou la surinterprétation de l'univers tintinien». Il y a dans leur attitude vis-à-vis de Tintin et de
son concepteur une tendance à la sacralisation voire de la «tintonomania» une . Qu'est ce qui motive ce positionnement ? De toute évidence, je crains que nos trois gaillards n'aient été bercés
trop près du mur ! Le propos est, certes, outré, mea maxima culpa, mais, en cette période de forte intolérance religieuse, je suis parti du principe qu'il fallait répondre à l'exagération (i.e
la surinterprétation de l'univers tintinien) par l'exagération, soit le délire de trois fans psychotiques qui décident un beau jour d'exécuter tous ceux qui blasphèment en portant atteinte aux
valeurs hergéennes. Comme tous les fous, ils ont tout perdu, sauf la raison - la preuve : deux d'entre eux sont des professeurs de philosophie - , ce qui les rend encore plus dangereux et
nuisibles ! Par moments, le «Je» narratif laisse transparaître en filigrane un «je» biographique. On a le sentiment par moments que le narrateur se confond avec l'auteur. Quelle est la part
d'autobiographie dans Après, Tintin... ? Comme dans toute démarche littéraire, il faut bien à un moment ou à un autre que l'auteur puise dans une partie de son vécu, de son expérience
personnelle pour donner corps à ses personnages et aux lieux qu'ils peuplent mais la plupart des informations et éléments mis en scène dans Après,Tintin... relève de l'imagination du romancier.
Il ne faut pas croire que parce que le narrateur dit «je» c'est forcément moi : si, en effet, je reconnais sans honte aucune aimer l'univers de Tintin je n'en suis pas encore à rêver la nuit de
la façon dont je vais tuer ceux qui le spolient... De ce point de vue, n'en déplaise à mes détracteurs, il s'agit bien en la matière d'un roman à consonnance fictive et non d'une
autobiographie. Nadia Agsous 1) Selon Frédéric Grolleau, «donner du tintoin à quelqu'un» signifie «l'embarrasser, lui donner du souci.. », p. 11. 2) Fréderic Grolleau est critique littéraire et
auteur de plusieurs ouvrages. Pour en savoir plus sur cet auteur : http://www.fredericgrolleau.com/ 3) Fréderic Grolleau, Après, Tintin..., BoD,
avril 2009, 176 pages, 11 euros.
16-12-2009
source :
http://lnr-dz.com/actualite/lire.php?idc=9&date_insert=20091216&ida=84038
L'Agora des livres
Apo
Mar 09 Mar 2010 20:31
Après, Tintin... | Frédéric Grolleau
L'idée était bonne, le projet, ambitieux : celui de dénoncer à la fois la pléthore de sur-interprétations souvent "psychologisantes"
de l'immortel héros de BD de Georges Rémi ainsi que de son auteur, et l'invasion marchande de gadgets de toutes sortes à son effigie. Sous forme romanesque, Grolleau compose l'histoire d'un
tintinophile fou (et accessoirement enseignant de philo dans le secondaire) qui, à l'aide de deux complices et sous couvert de la reconstituée organisation criminelle du cercle de Khi-Oskh (cf.
Les cigares du pharaon) convoque dans une mise en scène médiatique (de tribunal) la plupart des "grandes figures de l'exégèse tintinienne" (A. Algoud, J-M. Apostolidès, P. Assouline,
J-L. Marion, B. Peeters, M. Serres, S. Tisseron...) pour entendre leurs raisons et les assassiner ensuite selon des méthodes connues dans l'opus hergéen. Entre un assassinat et l'autre,
s'alternent quelques méditations très vaguement philosophiques, de valeur et intérêt hétérogènes, des "tintinades" tirées d'articles de presse et de posts de forums Internet, et surtout un
catalogue très dérangeant desdites marchandises ou fétiches ou produits dérivés, avec indication de leur prix et parfois lieu d'achat.
J'ai été ravi par les très abondantes références précises à l'un ou à l'autre des 24 albums (plutôt fier aussi de constater que ma
propre mémoire ne flanche toujours pas sur ce corpus...), satisfait également que Michel Serres ait bénéficié d'un traitement à part, sans procès ni exécution - il en a bien le droit ! -, et
parfois, rarement quand même, amusé par la parodie de ces exégèses. Je ne résiste pas à en citer un extrait de la dernière, qui a trait au célèbre bout de sparadrap qui afflige le Capitaine
Haddock dans L'Affaire Tournesol (mon album préféré) :
"[...] le morceau d'adhésif symbolise la dégénérescence de la modernité, rongée par la monstration du spectacle permanent qui confine
à l'aliénation perpétuelle des apparences devenue seule forme contemporaine de l'idéologie. Un encombrant et parasitaire reliquat qui ventouse aux extrémités du corps, voilà ce que deviennent
les critères de vérité quand ils sombrent dans la représentation au lieu de s'inscrire sous les règles énonciatives de l'éthique, a l'air de déplorer Hergé. Ne serait donc plus vrai que ce qui
se donne sous la catégorie purement visuelle du spectacle, à l'instar de ce que dénonce Guy Debord en 1967 dans La Société... du même nom. Indéfectible, le sparadrap intrusif colle aux
basques et circule, papier-mo(u)che captif, entre les individus, créant une insupportable chaîne identitaire entre eux. [...]" (p. 212-213).
Cela étant, je trouve que le personnage principal est insuffisamment campé, que le plan de la démonstration est bâclé ou obscur, que
rien ne prouve que le héros serait lui-même un "personnage qui vit, pense et agit en bande dessinée". De plus, j'ai été dérangé outre mesure par les nombreuses coquilles et fautes de français*.
La chute n'en est pas une, la tentative de méta-narration conclusive me semble plutôt gauche. Dommage!
source :
http://www.agoradeslivres.com/viewtopic.php?p=28842
* Suite à une erreur de l'éditeur, 50 exemplaires de la 1ère version encore approximative d'Après, Tintin... ont été
inprimés sans que l'auteur n'ait validé le bon à tirer. C'est cette version que semble malheureusement avoir lu notre collègue. La 2e et définitive version comporte ainsi 176 pages au lieu de
254 et ne contient a priori ni coquilles ni fautes excessives. Le hasard veut ainsi qu'un ouvrage dédié à l'art de la parodie et de la copie tintinesques soit lui-même devenu collector
quant aux premiers et rares exemplaires de cette version qui circule sous le manteau... [n.d.a]