fredericgrolleau.com


Assurance sur la mort

Publié par frederic grolleau sur 25 Novembre 2006, 15:15pm

Catégories : #DVD

Les 2 versions d'un article paru dans Philosophie Magazine n°5 (fin nov. 2006), rubrique DVD

Assurance sur la mort (Double indemnity) de Billy Wilder
2 DVD collector

Kant n’y voit qu’un pur « contrat civil ». Hegel, lui le considère surtout comme une formalité juridique permettant un « usage réciproque » de la jouissance du sexe de son partenaire. Quant à Phyllis Dietrichson, l’héroïne de « Assurance sur l’échafaud » réalisé par Billy Wilder en 1944, elle semble avoir le mariage en piètre estime. Cette mante religieuse séduit en effet un employé d'une compagnie d'assurances, Walter Neff, pour supprimer son mari encombrant et partager avec lui l'assurance-vie de son époux, dont la prime double en cas de mort accidentelle.

Ce film noir co-écrit par le romancier Raymond Chandler introduit ainsi dans la société un nouveau genre d’assassin : celui qui, ni miséreux ni gangster, se révèle juste un cadre moyen. Dont la motivation fondamentale est le sexe. Poussé au gain par sa maîtresse, Neff passe à l’acte. Le crime semble parfait, las, le paiement de la prime est retardé par l'enquête de Keyes, chef du contentieux de la compagnie d’assurance et collègue de Neff.

La morale du film, où le destin prend sa part, est claire : Neff et Phyllis s’entretuent ; de la double indemnité on arrive à une triple exécution. Magnifiée par une implacable lumière. Preuve en est que nul ne peut prévoir le cours de sa vie et se garantir contre le contingent ultime. Fondée sur l'idée de risque aléatoire, rationalisé, dont la couverture est financée par le paiement d'une cotisation., l’assurance ne prémunit donc ni contre le mauvais mariage ni contre la passion dans ce qu’ils ont de plus inattendu. Telle est limite de toute « protection sociale »…

De ce point de vue, observe Wilder, il n’existe pas d’assurance tous risques dans les relations humaines. Chacun peut bien certes s’assurer sur la mort, mais il n’est pas aussi aisé de s’assurer contre elle. « Nul n’est parfait » conclut le tatillon Keyes, dans une formule qui s’applique de manière égale à tous les protagoniste du drame.

Frédéric Grolleau

Version 1 (non retenue)

A la différence de Kant qui le rabaisse à un pur « contrat civil » (Principes métaphysiques de la doctrine du droit, § 24), le mariage selon le Hegel des Principes de la Philosophie du Droit est surtout un contrat pour un « usage réciproque » de la jouissance du sexe de son partenaire (La vie éthique, 1ère section, § 161 sqq.). C’est donc « essentiellement une relation éthique » mais il faut croire que Phyllis Dietrichson (Barbara Stanwyck), l’héroïne de « Assurance sur la mort » (Double Indemnity) réalisé par Billy Wilder en 1944, a assez peu étudié la philosophie. Cette mante religieuse séduit en effet un employé d'une compagnie d'assurances, Walter Neff, pour supprimer son mari encombrant et partager avec lui l'assurance-vie de son époux (dont la prime double en cas de mort accidentelle).

 

Ce film noir co-écrit par Raymond Chandler introduit ainsi dans la société de L.A un nouveau genre d’assassin : celui qui, ni miséreux ni gangster, se révèle juste un cadre moyen. Dont la motivation fondamentale est le sexe. Poussée au gain par sa maîtresse, Neff assassine son « rival ». Le crime semble parfait, las, le paiement de la prime est retardé par l'enquête que mène un collègue de Neff, méticuleux chef du contentieux…

La fatalité et la morale du film laissent entendre qu’elle aurait mieux fait, la gente Phyllis, de se plonger plus dans la philosophie que dans les comptes en banque. Car elle aurait pu lire cette définition, contre Hegel, du divorce par Marx dans Le projet de loi sur le divorce (Rheinische Zeitung, 1842): « Or, de même que dans la nature, la dissolution et la mort apparaissent là où une existence ne correspond plus du tout à sa destination ; de même (…) l'Etat décide dans quelles conditions un mariage existant a cessé d'être un mariage. Le divorce, ce n'est rien d'autre que la déclaration : tel mariage, dont l'existence n'est qu'apparence et tromperie, est un mariage mort. »

Et l'American Film Institute, dans son classement des 100 plus grands héros et méchants de l'histoire du cinéma, de pointer au 8ème rang madame Dietrichson. Mazette ! 

Frédéric Grolleau


 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Commenter cet article