"Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances, ils n’ont pas fait naître cellesci, ils ne les détruisent pas ; ils peuvent leur infliger les plus constants démentis sans les affaiblir (...)"
Toute problématique doit faire apparaître un paradoxe clair. Clarifier l’existence même d’un paradoxe dans la formulation.
Ici la problématique pourrait s’articuler autour du paradoxe entre la factualité et la crédulité. D’un côté, les faits démentent les croyances ; de l’autre, les croyances sont pourtant renforcées. Qu’est-ce qui explique ce dilemme ? Pourquoi la réalité des faits n’affaiblit-elle pas notre crédulité ? Pourquoi ce décalage entre les faits et la psychologie des faits ?
Nous sommes face à un dilemme : d’un côté, la factualité matérielle confronte nos croyances profondément enracinées à leur démenti, créant ainsi une dissonance cognitive ; et pourtant, de l’autre côté, nous sommes réticents à remettre en question ces croyances, préférant maintenir une certaine stabilité et cohérence internes. »
Ou encore : « Pourquoi les faits n’ont pas prise sur la force de nos croyances ? Comment expliquer ce paradoxe entre d’un côté, la factualité, et de l’autre, la résilience des croyances ? »
Plan possible :
I : Les raisons et motivations derrière cette impossibilité pour « les faits » de « pénétrer » nos « croyances » : entre ancrage des croyances, perception sélective et recherche de sens / sécurité psychologique.
Exemple 1, Arendt, V&P. La vérité des faits peut déplaire à nos croyances. Solution = ne pas changer les croyances, mais notre perception des faits.
« L’histoire contemporaine est pleine d’exemples où les diseurs de vérité de fait ont passé pour plus dangereux, et même plus hostiles, que les opposants réels »
« Seule une vérité qui ne s’oppose à aucun intérêt ni plaisir humain reçoit bon accueil de tous les hommes ».
Il faut enfin un certain « courage » pour oser affronter la vérité selon Arendt : il y a une difficulté, un inconfort, mais aussi une certaine grandeur éthique, à accepter la vérité.
Exemple 2, Lorenzaccio : On dément la vérité des faits pour ne pas nous « affaiblir » nous-même. Car la réalité est déplaisante.
Cf. Lorenzaccio, III, 3 : « J’entrai alors dans la vie, et je vis qu’à mon approche tout le monde en faisait autant que moi ; tous les masques tombaient devant mon regard ; l’Humanité souleva sa robe et me montra, comme à un adepte digne d’elle, sa monstrueuse nudité. J’ai vu les hommes tels qu’ils sont, et je me suis dit : Pour qui est-ce donc que je travaille ? »
II – Contestation de la thèse de l’auteur **
II – 1 La thèse n’est pas à universaliser : il existe des personnages se remettant en question / les faits finissent par triompher des convictions dans certains cas.
Cf. quand la force des faits est trop importante. Ici Laclos, rôle des juges qui font éclater la vérité (Lettre 175 sur le procès de Merteuil).
Rôle des correspondances qui finissent par être divulguées (par Rosemonde) et font changer d’avis tout le monde sur la perception de Merteuil (notamment Mme de Volanges)
>> quand la réalité factuelle parait de manière éclatante elle efface toutes les croyances
II-2 la croyance peut devenir un fait – et cela pour des raisons bénéfiques
Réinterroger la notion de « fait » = séparation que fait Proust entre les « faits et les croyances » = trop hermétique.
Parfois les croyances peuvent aboutir à des faits, peuvent en devenir. L’apparence finit par devenir la réalité.
Cf. Arendt : le général de Gaulle, génial illusionniste, avait « fait croire » au peuple français et à l’opinion mondiale que la France avait été peuplée à 100 % de résistants, afin de laver l’affront de Vichy.
Une croyance mais qui a fini par devenir un fait – pour de bonnes raisons.
Arendt, « Du mensonge en politique ». P30 : la France « aurait été tentée de bluffer, comme le fit de Gaulle, pour recouvrer une certaine prééminence »
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