« Faut-il rêver ? »
Copie 1 : Proposition de traitement par Mr Karol Biseau, T2, lycée naval de Brest, Bac blanc février 2024.
Nous sommes nombreux à nous être déjà demandé, après une nuit agitée ou au contraire bien calme, en nous réveillant le matin avec des souvenirs plus ou moins précis de nos rêves, comment nous faisions pour rêver, ce qu'il se passait dans notre cerveau pour que nous rêvions. C'est ce que le psychanalyste célèbre Freud théorise en partie dans son ouvrage Sur le Rêve (1901) en tentant d'expliquer pourquoi et comment nous rêvons. Nous sommes en revanche beaucoup moins nombreux à nous être interrogés sur le fait qu'il faille rêver ou non en nous posant la question « faut-il rêver ? ».
Il est alors d'abord nécessaire de préciser le sens du mot rêver. Lequel peut renvoyer à de grandes choses comme on peut en rêver la nuit, mais rêver s'apparente surtout à une activité de notre esprit, qui n'est en général pas maîtrisée. Elle peut s’apparenter ou non à une forme de déviance de notre cervelet mais celle-ci est dans la plupart des cas apparentée à notre esprit sans que celui-ci s’en rende nécessairement compte. La question que nous nous posons introduit par le sens du verbe "falloir" une forme d'impératif, de contrainte qui pourraient être synonymes du mot "devoir" et qui impose une certaine nécessité dans son questionnement.
Mais, si on s'accorde sur le fait que tout homme rêve, on pourrait également être d'accord sur le fait qu'un homme peut ne pas rêver. Il est en effet, à l'âge adulte le plus souvent, bien des nuits où l'individu ne rêve pas et ce n'est pas pour autant qu'il cesse d'exister. Peut-être l'homme rêve-t-il toujours et ne s'en souvient-il simplement pas. Mais si on se demande « faut-il rêver ? », il est aussi légitime de se demander s'il est nécessaire et si c'est un devoir pour nous de rêver. Et si nous existons sans rêver, peut-on alors ne pas rêver ? Faut-il simplement ne pas rêver ?
Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre en montrant, d'abord, que rêver nous définit. Ensuite, qu'il n'est pas besoin de rêver pour exister et être défini, avant d'envisager que rêver nous empêche de nous définir.
Nous pouvons soutenir tout d'abord qu'il est nécessaire de rêver puisque rêver nous définit.
En effet, nous nous étions accordés sur le fait que le rêve est une activité de l'esprit qui peut échapper à notre conscience. Cette notion permet entre autres d’en définir une autre, celle de l'inconscient, soit l'ensemble des pulsions et rêves ou déviances qui échappent à notre conscience nous définissant cependant. Le psychanalyste Freud théorise pour la première fois cette notion « d'inconscient » dans sa Métapsychologie. Il soutient ainsi que ces pulsions et activités de notre esprit existent réellement et que, si elles ne sont pas toujours identifiées ni identifiables, pas toujours reconnues par notre conscience (faculté de l'homme à prendre connaissance de l'activité de son esprit), elles ne nous définissent pas moins. On comprend donc que les rêves interviennent généralement lorsqu'on dort ou lorsqu'on somnole, lorsque notre conscience est mise en veille. Nous ne cessons pas pour autant d'exister et ces rêves à l'état inconscient sont en réalité révélateurs de notre existence en cela qu'ils nous définissent même lorsqu'il n'est pas possible pour nous de penser.
Avant Freud, un autre auteur avait déjà, à première vue, explicité l'existence d'un inconscient ou en tout cas de perceptions inconscientes. En effet, Leibniz, lorsqu'il écrit ses Nouveaux essais sur l'entendement humain, publiés en 1704, théorise la notion des « petites perceptions » selon laquelle toute perception n'est pas nécessairement "aperçue". Il soutient qu'il existe des choses que nous ne percevons pas comme elles sont définies en réalité, et en cela ce ne sont pas pour nous des aperceptions. Il donne ainsi l'exemple d'une vague qui transmettrait un bruit que nous, humains, nous percevons unique. En réalité, la vague est constituée d'une multitude de gouttelettes qui transmettent chacune leur propre bruit mais que nous ne pouvons percevoir de façon distincte. Il en est ainsi de même pour l'inconscient. Nous pourrons également nous appuyer sur un autre exemple en soulignant que lorsqu'une horloge émet un bruit caractéristique auquel nous sommes habitués, nous percevons finalement ce bruit ou en tout cas nous en prenons conscience qu'une fois qu'il aura disparu. Les habitudes modifient parfois selon Leibniz notre perception du réel, c'est-à-dire du monde qui nous entoure - ce qui suppose pour lui qu'il existe des perceptions non conscientes et que les actes physiques et psychologiques sont parfois dissociés.
Nietzsche, dans son ouvrage Par-delà Bien et Mal a lui aussi sous-entendu l'existence d'un manque conscient en expliquant que chaque individu n'est pas maître de sa pensée. Il prend ainsi l'exemple de personnes atteinte de troubles de la superstition, en disant que la pensée ne vient pas quand le sujet « je » le veut mais bien quand elle le veut, ce qui suppose que le sujet n'est pas responsable de toutes ses pensées. Freud reprend ainsi les thèses de Nietzsche et de Leibniz dans son ouvrage Une Difficulté de la psychanalyse publié en 1917 pour élaborer sa propre thèse autour de l'inconscient. Selon lui, les pulsions et désirs qu'un individu entretient sont l'essentiel de ce qui constitue le sujet. Elles peuvent se diviser en deux parties distinctes, « Eros » (les pulsions sexuelles) et « Thanatos » (les pulsions d'un ordre violent). Le « ça » où Es allemand théorisé par Freud - c'est-à-dire l'ensemble des désirs - , tente de se déguiser afin de pouvoir devenir de l'ordre du conscient en intégrant la conscience protégée elle-même par le « Uberich », ou « Surmoi ». Ce sont des désirs inconscients déguisés qui apparaissent ainsi sous la forme de symptômes que le psychanalyste pourra analyser pour en définir l'origine. Freud dira ainsi : « montrez-moi quelqu'un de normal et je le soigne ». Refoulant de ce fait la notion de normalité, il prouve l'existence de l'inconscient en écoutant les rêves de ces patients et leurs symptômes puisque nous avons dit que ces symptômes expliquaient l'origine des pulsions inconscientes d'un individu.
Il soutiendra, également dans Une Difficulté de la psychanalyse, : "qu'une chose se passe dans ton âme ou que tu en sois de plus averti, voilà qui n'est pas la même chose ». Il cherche à expliquer ainsi que ce n'est pas parce que nous ne voyons pas toutes les activités de notre esprit qu'elles n'en sont pas pour le moins existantes et que les rêves, par exemple, s'ils ne sont pas toujours retenus par notre mémoire, nous définissent cependant et présupposent l'existence de cet inconscient.
On retrouve l'importance des rêves dans notre esprit, et l'importance de l'inconscient dans le film de David Yates Harry Potter et l'ordre du Phénix lorsque le Prince des ténèbres tente de s'emparer de l'inconscient du héros - ce qu'on ressent à travers les rêves d'Harry. Celui-ci est en danger précisément parce que l'inconscient le définit et que, si l'ennui s'empare de celui-ci, il maîtrisera alors tout l'esprit du héros. « La théorie du cygne noir » avancée par Nassim Nicolas Taleb introduit également l'existence d'événements qu'on ne peut soupçonner et qui peuvent advenir dans nos rêves mais qui, s'ils adviennent, vraiment auront des conséquences importantes pour notre esprit. Les thèses de ces différents auteurs, de Nietzsche à Freud en passant par Lévi-Strauss dans son Anthropologie structurale qui définit la notion d' "inconscient collectif" donnant naissance aux mythes traditionnels, présupposent donc toutes l'existence plus ou moins assumée d'un inconscient. Celui-ci nous définirait et contiendrait nos rêves et nos pulsions, ce qui pourrait laisser penser que nous devons rêver pour exister.
Cependant, on pourrait soutenir au contraire que nous n'avons pas besoin de rêver pour exister ; précisément parce que seule la pensée nous définit.
Aussi, Descartes se charge d'avancer la thèse selon laquelle il faut douter de tout sauf de la raison qui permet de penser. Lui-même emprunte sa théorie à Platon qui, dans la République au livre VII, par « l'allégorie de la caverne » soutient qu'il faut s'échapper des préjugés de la société et que c'est seulement en nous élevant dialectiquement au-dessus de ceux-ci que nous pourrons nous définir véritablement. La chanteuse France Gall exprime concrètement cette volonté de sortir au-delà de la société dans "Allez, viens je t'emmène" en chantant les paroles : « viens, je t'emmène de l'autre côté du miroir » qui nous fion penser à l’homme s’élevant au-dessus de la caverne chez Platon pour voir la vérité.
Descartes reprend ainsi la thèse de Platon dans les Méditations métaphysiques publiées en 1641 en avançant que seule la conscience nous définit nous sujets pensons et que nous existons grâce à la pensée. Comme il le souligne par le fameux « cogito », « ego dubito ego sum » ou encore « je pense, j’existe ». Ainsi, lorsque nous rêvons, ce n'est pas notre pensée qui interagit avec notre esprit. D'après Descartes donc, on pourrait avancer que nous n'existons pas à travers les rêves ou que ceux-ci ne nous définissent pas. Si la conscience est la seule chose qui nous définit grâce à la pensée raisonnée selon Descartes, celui-ci affirme également que, notre corps peut potentiellement nous tromper - avec la théorie du "malin génie" selon laquelle tout peut nous tromper, même notre corps et que seule notre pensée n'est pas corrompue par la diffamation du monde et de la société. En ces sens, le film The House that Jack built de Lars von Trier permet d'exprimer cette pensée, notamment lorsque le protagoniste et anti-héros prononce : « Le paradis et l'enfer ne font qu'un, l'âme appartient au paradis et le corps à l'enfer ». On comprend donc que les rêves, par exemple, ne sont que des actes de notre corps alors que l'âme qui s'apparente à la conscience de Descartes, elle, est pensante et permet de nous élever dialectiquement vers le Ciel des Idées.
On pourra également avancer que le conscient est ce qui nous définit et que toute conscience (qui devient réflexive lorsque nous prenons conscience que nous sommes conscients) nous définit vraiment. Lorsque Adam et Ève mangent le fruit interdit et qu'ils en deviennent conscients, alors ils ont honte.
Il en est de même pour Caïn, leur fils, lorsque ayant tué son frère Abel il est poursuivi par Dieu et lorsqu’il en prend conscience : il est alors rongé par la honte. Cette même scène est peinte dans un tableau de François Chifflart, La Conscience, qui illustre le poème de Victor Hugo du même nom dans le recueil La légende des siècles, lequel narre de façon poétique la poursuite de Caïn par Dieu après le meurtre de son frère.
D’autres auteurs soutiennent également la thèse de Descartes comme Jean-Paul Sartre dans L’Existentialisme est un humanisme notamment ou encore Kant dans son Anthropologie du point de vue pragmatique qui pose que, lorsque l’homme prend conscience de lui-même et qu’il se définit, il s’élève en cela au-dessus de l’animal par son statut de « personne ». Ainsi, le « je » est pour lui le meilleur moyen de se définir et d’être conscience puisque, comme il l’explique, un enfant lorsqu’il apprend à parler n’utilise d’abord pas la première personne mais dès lors qu’il commence à s’en servir, il est considéré comme pleinement humain car ayant pris conscience de sa propre personne. Jean-Paul Sartre, lui, va encore plus loin dans son raisonnement en affirmant que nous avons besoin des autres pour exister. Ainsi dans L’Existentialisme est un humanisme il dira : « Par le « je pense », contrairement a la philosophie de Descartes, contrairement a la philosophie de Kant, nous nous atteignons nous-mêmes en face de l’autre, et l’autre est aussi certain pour nous que nous-mêmes ».
On comprend donc que Sartre avance une thèse similaire à celle de Descartes. Il dira même en parlant du « cogito » : « « je pense donc je suis », c’est la vérité absolue de la conscience s’atteignant elle-même ». Cependant, Sartre semble aller encore plus loin en énonçant que ce qui nous définit, ce sont les autres - soit une forme d’altérité. Nous sommes donc selon lui définis par ce qui nous entoure et il dira à ce sujet dans L’Existentialisme est un humanisme: « L’homme se rend compte qu’il ne peut rien sauf si les autres le reconnaissent comme tel ». Il pense de surcroît, dans le même ouvrage, que ce qui nous définit aussi, c’est notre propre existence puisqu’elle est située avant même de nous définir. C’est alors qu’il écrira : « Qu'est-ce que signifie ici que l’existence précède l’essence ? Cela signifie que l’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde et qu’il se définit après ». L’essence étant définie par Sartre comme « l’ensemble des recettes et des qualités qui permettent de produire et de définir un objet », on comprend que c’est l’existence de l’homme et son expérience qui lui permet de se connaître et se définir réellement.
De Descartes à Kant en passant par Sartre ou John Locke qui donnera une dimension temporelle a la conscience dans ses Essais sur l’entendement humain (réfutés par Leibniz plus tard en 1704), on comprend qu’il n’est pas besoin de rêver pour se définir ni pour exister puisque nous pouvons être définis par les autres ou par notre existence comme le soutient Sartre. L'on pourrait donc alors se demander s’il vaut mieux ne pas rêver.
Nous allons donc enfin soutenir qu’il faut ne pas rêver.
En effet, on rappelle que le rêve est lié a l’inconscient et que si cette notion conserve de nombreux adeptes, elle n’en n’a pas moins été réfutée par bon nombre de philosophes, qui trouvent notamment que la thèse de Freud, n’est rien moins qu’exagérée et déplacée. Karl Popper tout d’abord, dans son ouvrage Conjectures et réfutations, s’intéresse à la notion de « théorie scientifique ». Il soutient que pour valider toute théorie scientifique, quelle qu’elle soit, il faut d’abord qu’elle soit réfutée. Elle requiert également d’être mise en doute, testée pour que l’on puisse la valider in fine. Cependant, Popper affirme que, d’un point de vue scientifique, la thèse avancée par Freud dans Une Difficulté de la psychanalyse notamment ne peut s’apparenter à une thèse scientifique puisque ni son auteur ni elle n’acceptent qu’elle puisse potentiellement être invalidée, c’est-à-dire qu’elle soit testée en vue d’être acceptée en tant que preuve scientifique. Karl Popper, par ce simple fait, ne reconnaît donc pas la psychanalyse comme une science véritable - ce qui sous-entend qu’il s’oppose également à la théorie de l’inconscient.
Par ailleurs, le fait que Freud se soit inspiré du mythe d’Œdipe pour forger cette théorie peut faire croître les réticences à l’égard de celle-ci puisque le psychanalyste soutient que tout homme est attiré par sa mère et qu’il est en revanche distant de son père, vu comme un obstacle à la concrétisation de son attirance pour sa mère. Ainsi, Œdipe sera amené à tuer son père puis épouser sa mère Jocaste comme le peint par ailleurs Ingres dans sa toile Œdipe expliquant l’énigme du Sphinx.
D’autres auteurs tentent également de réfuter la thèse de Freud, nous amenant à penser qu’il n’y aurait pas d’inconscient et que donc il faudrait mieux ne pas rêver. Alain, par exemple, dans son livre Eléments de Philosophie contrecarre ouvertement la théorie de Freud comme nous le montre la phrase : « Le Freudisme, si fameux, est un art d’attribuer à l’homme les expressions d’un animal redoutable, d’après des signes tout à fait ordinaire ». Avec une pointe d’ironie, il montre par là sa position sur la psychanalyse qui n’est pour lui qu’une simple manière de compliquer la vie de tout individu, exprimant une multitude de choses compliquées pour des phénomènes banals et habituels. Alain soutient également que « l’inconscient est un effet de contraste dans la conscience », s’appuyant sur le fait que la théorie freudienne de l’inconscient est parfaitement contradictoire et qu’on ne peut à la fois supposer l’existence d’une conscience et d’un inconscient.
Le film Le portrait de Dorian Gray, par Albert Lewin, adapté de l’ouvrage d’Oscar Wilde du même nom, vient également compliquer la thèse de Freud puisque, même si le film met en évidence les pulsions du personnage principal, on nous révèle cependant que celles-ci semblent paradoxalement tout à fait "conscientes" et qu’elles ne sont à l’origine d’aucun symptôme physique sur le personnage comme aurait pu l’avancer tout psychanalyste.
Jean Paul Sartre vient enfin achever le travail d’Alain, réfutant lui aussi la théorie de l’inconscient en disant : « la conscience est ce qu’elle n’est pas car elle n’est pas ce qu’elle est » dans L’Etre et le Néant. Il soutient donc que la conscience suffit à se contredire elle-même, qu’elle se suffit à elle-même. Selon lui, on comprend que tout ce qui ne rentre pas dans la conscience est en fait cependant englobé par cette même notion puisque celle-ci est omniprésente. Ainsi, nous voyons que de nombreux auteurs, de Sartre à Popper en passant par Alain, réfutent la théorie de l’inconscient de Freud, ce qui nous laisse à penser effectivement que, pour éviter cette théorie freudienne qui semble douteuse, il vaudrait mieux ne pas rêver, le rêve étant une forme d’inconscient.
Ainsi, nous avons balayé les différentes formes de pensées quant à la question de savoir s’il fallait rêver ou non. Si l’on s’accorde, comme Freud et Leibniz avant lui, sur le fait qu’il existe nécessairement un inconscient dont nous n’apercevons pas les tenants et aboutissants mais qui nous définit, alors il faut rêver pour exister. Il faut rêver précisément parce que nous n’existons pas sans l’inconscient. Mais, au contraire, on peut soutenir, comme Descartes ou Kant et Platon avant eux, que c’est la conscience engendrant la pensée qui nous définit entièrement et que nous n’existons que parce que nous pensons.
Nous pouvons aussi penser être définis par les autres et grâce à notre existence comme Sartre. Ainsi, pour tous ceux-là, il n’est pas indispensable de rêver pour se définir. Nous pouvons enfin, en suivant les réfutations de Popper ou Alain, choisir qu’il faut à tout prix ne pas rêver pour se dérober à la théorie douteuse de l’inconscient, et parce que la conscience se suffit à elle-même. Ce sont autant d’avis divergents qui ont tous leurs arguments à faire valoir mais qui ne pourront cependant pas enlever que les rêves existent bel et bien, même si on choisit de croire qu’ils puissent ou non nous définir.
Copie 2 : Proposition de traitement par Mlle L.-R. Thomas, T, lycée naval de Brest, Bac blanc février 2024.
L’inconscient est une instance psychique, extérieure et indépendante de notre conscience. Cet inconscient nous détermine à notre insu, et représente d’après un grand philosophe : Freud, la majorité de notre intérieur. Cet inconscient est déterminé par trois instances omniprésentes : le ça, le moi et le surmoi. Le moi représente notre conscience actuelle, notre activité d’esprit, celui-ci est enfermé entre le ça et le surmoi. Le surmoi quant à lui est une partie de notre inconscient que l’on peut associer à la Loi du Père, c’est lui qui nous dicte les contraintes morales, admises par la société, mais aussi nous indique une autorité parentale : ce que nous avons appris, c’est celui qui permet d’encadrer le ça. Le ça est une partie sombre de notre être qui enferme les désirs pulsionnel à caractère sexuel par exemple. Je peux donc prendre conscience de ce que je suis seulement quand j’accepte que je ne suis pas seulement ce que je crois, être : une conscience, accepter que je ne suis pas une conscience, c’est accepter d’être une inconscience.
L’inconscience se révèle à la conscience par l’intermédiaire des rêves, des lapsus… Rêver, c’est finalement un état inconscient qui caractérise des désirs refoulé, des envies profondes que je n’ai pu laisser transparaître à ma conscience. Rêver, c’est aussi s’imaginer, se représenter sous une autre forme. Les avis restent divergent quant à l’interprétation du rêve. Descartes notamment, affirme que rêver n’existe pas mais le fait de rêver, oui.
Ces différents débats autour de cette existence d’une conscience autre que la mienne, et qui s’exprime pourtant, nous amènent à nous interroger sur la provenance de ce rêve. « Faut-il rêver ? ». Suis-je contraint de laisser exprimer ma conscience ? Peut-on s’empêcher de rêver ? Avons-nous le choix de nos rêves ? Ne faut-il pas ne pas rêver ? Puis, enfin, ne faut-il pas être au lieu de rêver ?
Dans un premier temps, nous verrons que rêver n’est pas une obligation, qu’il ne faut pas rêver, et que rêver n’est pas admis pour tous. Puis, dans une deuxième partie nous expliciterons que nous devons rêver, que nous devons nous confronter à nos rêves pour nous connaître vraiment.
À la question « faut-il rêver ? » la réponse est non.
Il ne faut pas rêver car le verbe falloir indique une idée de devoir. Le devoir est un synonyme du terme obligation. Par exemple je dois respecter l’autre, il faut que je respecte l’autre, j’ai l’obligation de respecter l’autre. donc, lorsque je dis : faut-il rêver ?, je dis : dois-je rêver ? suis-je obligé de rêver ? : Non. Un devoir va de pair avec une liberté : je suis libre de danser dans la rue, mais je dois respecter les personnes autour de moi. Nous sommes en fait définis par les libertés, mais aussi par des devoirs dans notre société. La liberté s’apparente à un choix mais ai-je le choix de rêver ? Le rêve fait partie, selon Freud, notre inconscient, donc admettre que le rêve existe, c’est admettre que l’inconscient existe, ce à quoi Sartre répond : « parler de l’inconscient, c’est refuser notre liberté et faire preuve de mauvaise foi ». Selon lui, l’inconscience n’est qu’une entreprise de mensonges qui permet à l’homme de se réfugier. Or, dans le Discours de la méthode Descartes, par sa théorie : « je pense donc je suis» nous permet d’affirmer que je rêve donc je suis. Et si je suis, je ne peux pas ne pas être, je ne peux donc pas exprimer des désirs inconscients au sens freudien, je ne peux pas penser à quelque chose qui n’existe pas, puisque cela n’existe pas, je ne peux donc pas rêver.
Mais pourtant quand je me réveille le matin, je me souviens avoir rêvé. Le rêve et la réalité sont aussi à mettre en lien. La réalité désigne le monde extérieur, constitué des autres, des lois, des normes, c’est une instance actuelle dans laquelle je me trouve. Le rêve selon Descartes, ce n’est pas réel, cela n’existe pas, cela ne fait pas partie de mon instance actuelle car je ne suis pas maître de mes rêves. Je n’ai pas de pouvoir sur mes rêves, je ne les contrôle pas, je ne suis pas auteur, mais bien acteur de ceux-ci.
Admettre que je rêve, et que ce rêve relève de l’inconscient signifie que je cède à mes pulsions et à mes désirs, puisque le rêve est un refoulement de ceux-ci, c’est un accès direct à notre inconscient. Je suis donc influencé par mes rêves ; or cette influence peut être néfaste, puisque je peux confondre le rêve et la réalité, ainsi, joindre mes pulsions, non filtrées, et mon moi. Ma conscience permet de dire que le rêve influe sur nos actions, sans contrôle, car je ne suis pas maître de ceux-ci. Le rêve apparaît donc comme étant un voile sur la réalité. Ainsi, si on avait le choix entre rêver, ne pas rêver, il faudrait choisir entre se soumettre à ses pulsions ou respecter le maître de sa maison. A contrario de ce que Freud affirme : « le mot n’est pas maître de sa propre maison. »
Freud, créateur de l’inconscient, définit comment analyser cette inconscient.
C’est par la psychanalyse que Freud expliquera les rêves, les troubles, les lapsus ainsi que les actes manqués. La psychanalyse, c’est l’analyse de notre psyché, notre intérieur. Cette psychanalyse permet notamment l’interprétation de nos rêves. Pourquoi faudrait-il rêver ? Le rêve relevant de notre inconscient est perçu par Freud comme étant « la voix royale de la connaissance de l’inconscient. ». Freud va en effet utiliser l’hypnose, la Talking cure pour trouver une explication rationnelle à ce qui ne l’est pas : le rêve. La connaissance requiert du savoir, il y a derrière cette connaissance de la recherche, des expériences, pour pouvoir s’affranchir de la vérité, de ce qui résiste donc au doute cartésien.
Dans le film Zelig de Woody Allen, la docteur Fletcher va remonter dans l'inconscient de son patient: Zelig afin d’ expliquer pourquoi il agit comme étant un homme caméléon. Elle usera la méthode de l’hypnose comme Freud dans ses débuts, afin de trouver une explication rationnelle à un comportement irrationnel : le patient était en effet battu dans sa jeunesse.
Afin d’ expliquer les rêves de ses passions, Freud va développer le remède par la parole. Par exemple, il explique avoir soigné un enfant qui rêvait de P et qui en avait développé une peur. Pour déconstruire cette peur, Freud doit trouver la source de ce rêve. Ce rêve symbolise l’inconscient et lorsqu’on l’analyse, on peut finalement prendre conscience de ce dont nous avons honte, puisque le rêve exprime des pensées, qui ne correspond pas aux normes de la société. Mais ces pensées, au lieu de s’exprimer par des actions, s’échappent sous forme de pensées inconnues, de notre conscience, les rêves. Il faut donc rêver dans un but de connaissance de soi. Puisque si je suis capable d’accéder à mon inconscient, je suis capable de m’en libérer et de devenir autre chose et que d’après Spinoza : « prendre conscience que nous sommes déterminés, c’est déjà s’affranchir de notre déterminisme », c’est-à-dire que je suis capable d’accorder à mon intérieur, à mes pulsions, mes désirs les plus sombres.
Que se passe-t-il si je ne rêve pas ? Si j’enlève les rêves, est-ce que je cesse d’être inconscient ? Le rêve est une partie intégrante du ça que Freud nomme principe du plaisir. Je retire les pulsions qui ne se contrôlent pas, je retire des désirs les plus ancrés en moi. J’interromps donc l’équilibre de notre inconscient entre le principe du plaisir, la Loi du Père et moi-même. C’est-à-dire que je laisse le moi et le surmoi. En l’absence du ça , le moi devient névrosé, j’agis seulement en fonction de normes. Le rêve permet aussi une compréhension du monde. Dans nos rêves, nous n’avons aucune limite définie, nous n’agissons donc pas selon des normes ou selon des a priori, nous sommes libres, mais pas libres de notre surmoi, puisqu’il vient déguiser la vérité, comme pour le patient de Freud qui rêve de poires, qui se révèlent finalement être la poitrine de la femme de ménage. Ainsi, l’enfant peut identifier sa peur et en prendre conscience pour ne plus avoir peur.
Bergson dit que « le rêve révèle la nature, infinitive et créative de la conscience ». Il faut aussi rêver de façon consciente. Le rêve peut être assimilé à un souhait qui nous permet de nous sentir bien dans la société ou de nous donner un objectif : « je rêve de devenir médecin ». Il est aussi associé à un désir profond.
Pour conclure, la question « faut-il rêver ? » n’admet pas de réponse exacte. Nous n’avons pas le choix de rêver, mais nous avons le choix et la possibilité de donner aux rêves une interprétation au sens psychique. Et si je peux prendre conscience que ce dont je rêve influence nettement ma vie au quotidien, c’est alors que j’accepte que je ne suis pas seulement ce que je connais, mais que j’ai la possibilité de devenir autre chose.
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