Proposition de traitement par Mr Evan Kokot, T2, lycée naval de Brest, Bac blanc février 2024.
"En quoi l’Homme est-il la seule créature qui refuse d’être ce qu’elle est ?"
L'Homme a longtemps voulu savoir qui il était vraiment, pourquoi il l'est, pourquoi le monde est ainsi. Mais, en essayant de se définir, l'homme rencontre des difficultés à accéder à (et accepter) ce qu'il est vraiment. Cette difficulté à pouvoir accéder à son for intérieur se manifeste par diverses raisons, dont certaines n'ont pas d'explications rationnelles. L'Homme, où l'être humain, est l'espèce la plus développée notamment en termes d’intelligence, de réflexion, mais c'est aussi l'espèce la plus dangereuse, la plus fourbe, sur Terre.
« En quoi [alors] l'homme est-il la seule créature qui refuse d'être ce qu'elle est ? » mais aussi, qu'est-ce qui différencie l'Homme des autres espèces ? Pourquoi l'homme peut-il refuser d'admettre ce qu'il est ? Qui sommes-nous réellement ? Pourquoi l'homme est-il une espèce différente des autres ?
Cette problématique doit impliquer des raisons diverses, avec le terme « en quoi ». Le terme « seule » montre la notion d'unicité, que l'Homme est bien l’unique et qu'il n'y en a pas d'autres. Le verbe « refuser« montre, lui, que l’on n’admet pas une certaine propriété, que l'on tient pour faux certaines de nos caractéristiques dans un but plus ou moins concret.
Tout d'abord, ce qui différencie l'homme de la créature, c'est le fait d'avoir une conscience réflexive mais, de plus, l'homme peut tenter d'accéder à son for intérieur et admettre ou non ce qu'il est vraiment. Enfin, l'homme est un être qui peut sortir de sa propre définition, de ce qui le définit et refuser d'être ce qu'il est.
Pour commencer, il existe de multiples différences entre l'homme et les autres créatures existantes. L'homme est capable de réfléchir et de juger, d'avoir un regard critique sur un sujet, un thème, une situation quelconque.
Premièrement, il y a des choses que l'on tient pour vraies, comme le fait que les animaux existent. Mais est-ce que leur existence peut les amener à réfléchir et à avoir des capacités de réflexion semblables à l’Homme ? Les animaux et les autres êtres ont la possibilité de réfléchir, mais en un degré différent de l'Homme. Ils ont par exemple la capacité de savoir quel animal ils doivent fuir pour survivre et lequel ils doivent manger. Mais, pour la plupart, ils n'ont pas la notion de l'identité de soi-même. Il n'y a pas de chien qui se dit : « Qui suis-je vraiment ? », il préfère courir après une balle, jouer. Ces exemples montrent l'incapacité des autres créatures, en particulier des animaux, à se poser des questions sur leur véritable identité. Dans Fictions de Borges, l'auteur nous dit que la chose qui nous différencie, Hommes, des autres espèces est le fait que nous sommes sujets à nous-mêmes et dotés d'une conscience. Si l'on considère l'hypothèse que les animaux puissent avoir une vision critique du monde qui les entoure et de leur existence, ils auraient donc eu une évolution telle celle de l'homme ; or, c'est absurde puisque cela n'est jamais arrivé. Par exemple, si l'on considère l'expression « La loi de la jungle », cela exprime et montre que les animaux ont plus une priorité de survivre que de se poser des questions sur leur propre existence et le but de celle-ci.
De plus, l'homme a cette capacité de penser car il est sujet à lui-même et à une conscience réflexive sur les éléments qui l'entourent, son existence. Selon Descartes, il y aurait un Dieu bienveillant et un autre trompeur. Ce dernier serait le symbole du "malin génie" qui nous trompe et rend notre perception et nos sens faux. Par exemple, lorsque l'on plonge une rame dans l'eau, celle-ci apparaît difforme. Descartes en conclut que nous devons donc douter de nos sens et de tout ce qui nous entoure. Pour Descartes, les seules choses qui sont sûres sont : on pense, on doute, on existe. Dans les Méditations Métaphysiques, Descartes dit : « cogito, ergo sum », ce qui traduit du latin veut dire "je pense donc je suis". Il introduit donc une caractéristique de l'Homme, celle de pouvoir penser, d'avoir conscience. L'Homme est donc un être qui a conscience et qui peut critiquer ce qu'il perçoit, ce qui n'est pas le cas des autres êtres.
De surcroît, refuser d'être ce que l'on est peut-être un défaut dans le sens où notre identité est fondamentalement inchangeable. Par exemple, certains considèrent ne pas être ce qu'ils sont réellement en changeant d'identité, ce qui contredit les principes fondamentaux et montre que l'homme n'est pas parfait. Considérer que l'on ne peut pas avoir d'identité est absurde puisque l'homme est défini avec certaines propriétés et ne pas les accepter est insensé. Ce pourquoi l'Homme pourrait potentiellement refuser d'être ce qu'il est, c'est que le niveau différencie des autres créatures qui n'ont pas cette option ancrée en eux. L'Homme a donc une capacité de réflexion et de pouvoir avoir un regard critique, contrairement aux autres êtres.
Ensuite, l'Homme est un être capable de comprendre ce qu'il est mais qui peut aussi refuser d'admettre son identité, notamment lors de l'incompréhension d'actes qui ont de l'influence sur notre pensée.
Premièrement, on peut considérer une certaine hypothèse de l'inconscient chez l'homme, à l'intérieur du moi. L'inconscient est, par définition, en opposition à la conscience. Mais, selon Freud, ce inconscient présent en nous pourrait expliquer certains actes, certaines pensées. Pour justifier l'existence de cet inconscient, il dit, dans Une Difficulté de la Psychanalyse : « Qu’une chose se passe dans ton âme, ou que tu en sois de plus averti, voilà qui n'est pas la même chose. ». Il met en évidence ici que certaines choses s'exécutent dans notre esprit et nous ne sommes pas forcément conscients de cela.
Pour revenir sur le fait que l'Homme refuse d'être ce qu'il est, c'est sûrement la cause de l'inconscient, si l'on valide l'hypothèse de son existence. Dans sa Topique de 1920, la seconde, Freud montre que nous sommes composés de trois grandes instances psychiques : le « ça » (« es »), le « moi » et le « surmoi ». Le « ça » représente les pulsions, les désirs, les pensées incompréhensibles. Le « surmoi » représente notre éducation, ce que nous avons et devons faire et ne pas faire. Il joue le rôle de censure. Le « moi » est l’intermédiaire. Il doit répondre aux pulsions du « ça » tout en restant socialement correct. Et justement, c'est du fait que l'Homme a cette volonté de s'adapter socialement, de suivre les règles imposées par la société qu'il refuse d'être pleinement ce qu'il est réellement. L'Homme est donc dans l'obligation, dans un certaine mesure, de ne pas accepter d'être ce qu'il est pour plaire, pour correspondre aux nombreuses attentes sociales.
Ensuite, cette unicité de l'Homme est marquée par le fait que les autres créatures peuvent accepter ou non ce qu'elles sont. En effet, comment une créature, autre que l’Homme, pourrait-elle refuser sa propre identité alors qu'elle n'a pas pleinement conscience de cette dernière ? L'Homme a en lui une partie inconsciente, si l'on valide la thèse de Freud, mais cet inconscient est ce qui explique les "actes manqués" de la conscience. Or, les animaux n'ont pas cette même conscience, cette faculté bien précise de penser, donc par définition, n’ont pas d'inconscient. Ce que l'on entend par l'expression « C’est un animal », lorsque l'on parle de quelqu'un, est qu'il a perdu certaines définitions sociétales de l'homme - comme la conscience de quelque chose, aussi cela grave soit-il. Les autres êtres n'ont pas cette capacité à faire une introspection et comprendre ce qu'ils sont pour être ce qu'ils ne sont pas. Par exemple, certains animaux ont une capacité de réflexion développée comme le dauphin qui peut se reconnaître dans un miroir, mais pouvoir comprendre à quoi il ressemble ne peut pas l'amener à s’introspecter pour entreprendre de connaître son for intérieur, son identité profonde. L'Homme a donc en lui une certaine chose qui pourrait être une raison suffisante pour refuser sa propre définition, contrairement aux autres êtres qui n'ont pas cette capacité.
Pour finir, l'Homme est la seule créature à refuser d'être ce qu'elle est, mais aussi capable de faire croire ce qu'elle n'est pas pour des raisons variées.
Premièrement, Jean-Paul Sartre dira, dans L'existentialisme est un humanisme : « Un Homme n'est que la somme de ses actes », ce qui définit l'Homme comme une simple série d'actions de faits accomplis lors de sa vie. Mais si l'on suppose que l'Homme est bien défini par ses actions, ce qu'il fait, est-ce que ces actions sont bel et bien révélatrices de l'identité propre d'un Homme ? En effet, faire croire est quelque chose que l'on peut facilement faire. Mais pourquoi faire croire ? On peut considérer que si l'on fait croire, si on laisse penser quelque chose à quelqu'un alors que l'on sait que cela ne relève pas de la vérité, c'est que l'on refuse de laisser établir cette vérité, que l'on refuse de la transmettre. Et comme l'Homme est ce qu'il fait, selon Sartre, alors refuser la vérité - notamment de la transmettre -, c'est par définition refuser d'être ce que l'on est.
Par exemple, mon grand-père me disait : « La politique, ce sont bien souvent des menteurs contre des menteurs ». Il entendait par la que l’on peut facilement mentir, rien que pour quelques gains de voix aux élections. Les hommes politiques, et l’Homme en général, ne seraient-ils donc pas tous des menteurs, qui cachent et refusent la vérité telle qu’elle est ? Heureusement que non, dans une certaine mesure. Mais on a tous déjà menti, donc peut-on considérer que l’on a tous déjà refuser d’être ce que l’on est ? C'est bien cela qui nous différencie des autres êtres, nos actions en tant qu’Homme.
Ensuite, les autres êtres n'ont pas cette capacité à dissimuler la vérité autant que l'être humain. En effet, on peut définir par exemple une souris par son apparence physique, telles que sa couleur, sa queue, mais aussi ce que l'on appelle le caractère de l'animal, c'est-à-dire la manière dont elle raisonne, ce qu'elle fait, son habitat, mais le caractère de l'animal est limité notamment pa, comme vu précédemment, la conscience réflexive, l'inconscient. Ces êtres autres que l'Homme n'ont pas cette capacité, ce pouvoir de s’interroger, de refuser sa propre définition. L'Homme est suffisamment intelligent pour le faire, sans pour autant que cela soit un but « intelligent », réfléchi. Pourquoi un être, autre que l'Homme, aurait-il besoin de sortir de sa propre définition du soi, de refuser certaines propriétés ? Et comment ? S'ils en avaient la capacité, pourquoi ne l'ont-ils pas fait ? Ces questions montrent bel et bien l'unicité de cette capacité développée par l'homme mais pas chez les autres êtres. L’Homme a donc capacité à refuser ce qu’il est en sortant de sa propre définition, notamment lorsqu’il dissimule la vérité.
Pour conclure, l’Homme est un être doué d’une intelligence hors normes et surtout d’une conscience autre que les autres créatures. Cette conscience lui permet de prendre d’abord conscience de ce qu’il est, sans quoi il ne pourrait pas refuser ce qu’il est. Cette conscience différencie l’Homme des autres espèces. De multiples raisons expliquent pourquoi l'Homme peut refuser d'admettre ce qu'il est, mais ces raisons n'ont parfois pas de sens. L'homme est capable de multiples choses, comme des actions bonnes ou mauvaises, ce qui le différencie les autres espèces. Mais si l'Homme est capable de refuser ce qu'il est, de refuser ce qui le définit, alors ce refus ferait bel et bien partie de cette définition et alors rentrerait en contradiction avec ce qu'il est réellement. Peut-on donc seulement définir l'Homme ?
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