Joshua Brolin, c’est sûr, dépoussière quelques clichés du genre et a de beaux jours (éditoriaux) devant lui
Lire Maxime Chattam peut se révéler parfois éprouvant, c’est aussi souvent l’occasion d’un grand plaisir : que dire alors lorsqu’on le lit à l’envers ? Il est un fait que c’est en bousculant l’ordre élémentaire de la chronologie que nous aurons lu cette trilogie parue en Poche, en enchaînant le dernier tome puis le premier. Mais qu’importe, l’auteur l’a suffisamment indiqué, chacun peu découvrir L’âme du mal, In Tenebris et Maléfices dans le désordre, puisque, si les personnages sont récurrents, les scenarii sont indépendants les uns des autres et ne se contaminent en rien. Dont acte.
Cela étant dit, comme nous sommes à l’heure du bilan, cette lecture anachronique aura eu l’avantage de nous confronter à l’évolution d’un jeune auteur, devenu depuis des plus confirmés. Et de nous permettre d’apprécier la rigueur, l’inventivité et la cohérence de ce so frenchy maître du suspense décrivant si bien les tares, voire les tarés, de l’Amérique.
Le néophyte qui ouvre ce premier volet de la trilogie y trouve une histoire qui se dévore de la première à la dernière page, met ses pas dans ceux d’un jeune inspecteur, Brolin, formé au profilage par le FBI et traquant dans l’Oregon le Bourreau de Portland qui coupe les bras de ses victimes et leur laisse un mystérieux signe cabalistique à l’acide sur le front, ... un tueur en série apparemment revenu d’outre-tombe !
Voilà qui semble bien mince mais, sur ce cannevas, Chattam tisse sa toile en expert - raison pour laquelle on n’en dira pas plus ici sur le récit. Disons, pour ceux qui aiment les références comparatives, qu’on navigue entre Patricia Cornwell et Thomas Harris, L’Âme du mal témoignant de la volonté un peu trop « pédagogique » d’un romancier à gros potentiel mais qui doute encore de lui. Cela nous vaut donc maintes descriptions de procédures policières et de prélèvements de médecine légale (que d’autopsies, my god !) qui à la longue tendent à indisposer, une documentation qui sera beaucoup mieux utilisée dans les deux autres opus. Brolin en tout cas pénétre l’esprit des psychopathes comme personne et le jeune romancier célèbre avec maestria l’imagination criminelle...
Quoi qu’il en soit, s’il n’évite pas certains poncifs, Chattam s’y entend pendant 75 chapitres pour perdre le lecteur entre fausses pistes et rebondissements. Il sait doser un insoutenable suspense (âmes sensibles s’abstenir) qui provoque à chaque fois la lecture d’un chapitre supplémentaire. Le début du roman était assez surprenant, la fin l’est encore plus, l’ensemble est (déjà) efficace et bien écrit : Joshua Brolin, c’est sûr, dépoussière quelques clichés du genre et a de beaux jours (éditoriaux) devant lui.
frederic grolleau
Maxime Chattam, L’Ame du mal , Pocket, 2004,-514 p. - 6,50 € | ||
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