On devient son pire ennemi en voulant comprendre une vérité qui n’existe pas
L’histoire
A la suite du décès brutal de sa femme dans le parking d’un centre commercial, Harry Cain a des visions étranges qui le hantent jour et nuit. Il décide de résoudre lui-même le mystère qui entoure le meurtre présumé de sa femme.
Fantasme noir
Pour une histoire qui tient en 3 lignes, on peut dire que Nicolas Winding Refn - d’après, il est vrai, le scénario de Hubert Selby Junior (scénariste de Requiem for a dream) - a su concocter un film aussi surprenant que déconcertant, mais qui charme par le sens du cinéma (entendez de la retenue) du jeune réalisateur et par sa volonté de ne pas enfoncer toutes les portes ouvertes. Sur le thème archi-classique de la disparition de l’être aimé et de la vengeance, Inside job (dont on préfère au demeurant le titre d’origine Fear X, plus « parlant », c’est à dire plus énigmatique) propose sur un rythme des plus lents et floconneux une descente dans la névrose d’un John Turturro au sommet de son art.
Si l’horreur n’est pas au rendez-vous, le frisson se fait plus d’une fois sentir et Nicolas Winding Refn, auteur de Pusher et Bleeder, distille au compte-gouttes une atmosphère étrange où un paumé, déformé par son sens de l’observation, reconstitue patiement le puzzle des derniers moments de la vie de son épouse. La recherche de la vérité qui s’en suit passera par la perte d’identité du protagoniste, et de tous ses repères. Il faut se laisser aller ici au sens du détail qui infuse toutes les séquences ici pour apprécier toute la finesse du propos, toujours borderline entre deux extrêmes tout comme entre le maniérisme formel et l’onirisme poétique.
Mort sous X
C’est alors qu’on retrouve la terreur qu’on pressentait, latente depuis le départ : plus il remonte dans le passé plus Harry Cain sabre son propre avenir et perd pied dans la réalité ambiante pour s’abolir dans un monde anormal où tout est distorsions et courbures infinies. Le huis clos anticonventionnel que filme Winding Refn - avec au passage moult renvois cinéphiliques lynchiens qui ne toucheront pas toujours le profane - tient à la fois du délire mental et de la paranoïa, ce faisant il promet au spectateur de bons moments d’adrénaline et d’angoisse.
On ne sait plus trop finalement ce qui a bien pu se passer (s’il s’est seulement passé quelque chose) ni au juste après quel(s) fantôme(s) court le vigile atterré, lequel paraît davantage le jouet de forces qui le dépassent - à commencer par le regard d’autrui - que mû par son libre arbitre. Mais ce n’est pas grave...
Peu de temps avant sa mort Hubert Selby Junior résumait Fear X en affrmant que, souvent « on devient son pire ennemi en voulant comprendre une vérité qui n’existe pas ».Tout est dit.
Une fois n’est pas coutume, les éditions Montparnasse Vidéo ont tiré la bonne pioche avec ce titre. On regrette juste dans ces conditions de ne pas disposer de véritables bonus...
frederic grolleau
INSIDE JOB (Fear X) Scénario co-écrit par Nicolas Winding REFN et Hubert SELBY Jr. Produit par Henrik DANSTRUP Musique originale de Brian ENO Direction de la photo par Larry J. Smith Avec John Turturro, Deborah Unger, Stephen McIntyre, James Remar, William Allen Young Durée : 1h31 Editeur : Montparnasse video Zone 2 - PAL - 16/9ème compatible 4/3 - Format / 2.35 Compléments Making of - 25mn : financement du film (3 mois de recherche de fonds pour 28 jours seulement de tournage), interviews de John Turturro, du réalisateur Nicolas Winding Refn, de Hubert Selby Jr. Bande-annonce du film Prix : 20,00 €.
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