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Blake et Mortimer tomes 16 et 17

Publié le 16 Juillet 2012, 18:27pm

Catégories : #BD

Sente et Juillard prouvent qu’ils savent être efficaces, mais il leur reste encore à nous faire rêver...

 

Attachez vos ceintures, car ce quatrième essai pour redonner vie aux deux célèbres héros de E.P Jacobs propose un scénario très dense où maint flash back contraint le lecteur à un minimum de gymnastique intellectuelle. Car cette fois-ci Yves Sente choisit de nous plonger dans la jeunesse de Blake et Mortimer, astuce qui lui permet au passage de relier entre eux de nombreux personnages et albums des aventures précédentes du scientifique écossais et du militaire anglais, toujours en lutte pour sauver la planète.

 

Trois temps trois mouvements pour cette pénultième péripétie, "La Menace universelle". Un court prologue se déroulant aux Indes en 1958, un flash back aux Indes, mais en 1922, où l’on assiste à la première rencontre de Blake et Mortimer. Enfin, retour au temps de l’action du récit, soit Bruxelles, en 1958 pour l’Exposition Universelle qui va être l’objet d’un complot international - avec l’inévitable Olrik, by jove ! - à coups de phénomènes électromagnétiques se déchaînant mystérieusement contre les pavillons des diverses délégations (avec en parallèle quelques écarts vers l’Antarctique, le "sixième continent", où se déroulera en bonne partie et selon toute vraisemblance la seconde partie de ces aventures).

 

Dans l’ensemble, la reprise est plutôt bien sentie (je n’ose faire un jeu de mots sur le nom du scénariste...) car l’ambiance fantastique de Jacobs est fidèle au rendez-vous. L’amour de Mortimer pour une belle Indienne fille de l’empereur Açoka est au coeur du récit puisque c’est la vengeance atemporelle de ce père mortifié rendant Mortimer responsable de la mort de sa fille qui provoque les catastrophes survenant en 58 à Bruxelles. Mais surtout cette pudique approche de la libido du (futur) professeur est une grande nouveauté en soi dans la série, les émois sensuel ou sexuels des deux héros n’ayant apparemment jamais accaparé leur créateur.
Il y a là quasi geste sacrilège, et l’audace mérite d’être saluée car elle est commise au nom d’une volonté de combler les lacunes et les blancs d’une oeuvre produite en pointillés où demeurent de nombreuses zones d’ombre. De plus en plus à l’aise, Sente se risque à quelques jokes (l’ancêtre du téléphone portable, par exemple : ce contre quoi se recrieront les fans puristes tandis que d’autres trouveront peut-être la chose amusante) et réduit dans le même temps une bonne part des récitatifs chers à Jacobs, même si cette tendance "lourde" revient dans la dernière partie de l’histoire.

 

Les trois parties de l’album sont certes assez inégales, les amourettes de Mortimer un peu trop fleur bleue et la dernière séquence par trop expéditive. On n’adhère guère au demeurant à la "menace" électrique lancée par un mouvement terroriste tiers-mondiste de pays non-alignés (c’est un peu long, sorry) dont le chef, un Empereur indien revenu de la mort après plus de 2000 ans (eh oui !), a choisi de frapper les pays occidentaux. Cela étant, les cauchemars récurrents de Mortimer sur fond de politique internationale des années cinquante sont assez crédibles et on se laisse embarquer sans mauvaise grâce dans ce foisonnant récit, qui est aussi un voyage-hommage au coeur des exploits de Blake et Mortimer.

 

On regrettera simplement que, à l’appui du dessin de Juillard qui a gagné en efficacité malgré quelques embardées expéditives dans la seconde moitié de l’histoire, moins soignée, la colorisation laisse à désirer, surtout lorsqu’il s’agit de rendre la veine graphique expressionniste dont Jacobs usait sans compter : c’est un fait que les personnages à la peau sombre, le pauvre Nasir réchappé du Secret de l’Espadon en particulier, ne sont guère flattés dans cet album. Mais la vengeance est un plat qui se mange froid. Comme Açoka, nous avons tout notre temps avant de voir ce qu’il adviendra de nos deux héros dans "Le Duel des esprits" à venir.

 

De quoi lire et relire cet opus à satiété.

 


On retrouve donc dans ce second et dernier tome des "Sarcophages du 6e continent" l’empereur éternel de l’Inde, Açoka, qui poursuit son plan diabolique pour se venger des nations occidentales orgueilleuses. C’est depuis l’Antarctique où il a décidé d’édifier sa base secrète qu’il envoie en effet sur les ondes l’esprit d’un cobaye - l’éternel Olrik ! - afin de paralyser ou détruire tous les dispositifs et engins utilisant le fil électrique ou les mouvements d’ondes électromagnétiques. C’est donc sur la calotte glaciaire des pôles que se jouera l’avenir d’une humanité (déjà) écartelée entres les intérêts politiques et économiques des grandes nations...

 

Mettre en pièces l’exposition universelle de Bruxelles grâce à la maîtrise d’un réseau connotant une sorte de réalité virtuelle était l’excellente idée du premier volet du diptyque, mais la suite est un peu plus décevante - même si les descriptifs de machines jacobsiennes en diable (tel l’incroyable "subglacior" ou sous-marin antiglace) viennent pimenter le scénario classique qui se déroule sous nos yeux. Outre les personnages qui restent un peu sur le carreau (Olrik ne fait-il pas qu’un chouia de figuration somme toute ?), le concept même d’un esprit humain qui voyage dans le réseau électrique est trop fabuleux pour être ainsi cantonné selon nous au seul décorum des exactions high tech avant l’heure du méchant. La plupart des pistes alléchantes proposées au départ ne sont ainsi pas creusées ici (quid de la vie amoureuse de Mortimer en définitive ?), signe qu’elles le seront peut-être dans d’autres albums à venir (on peut le souhaiter en tout cas).

 

Malgré des invraisemblances de-ci de-là, ce titre se lit avec plaisir, voire avec intérêt ; on n’y sent pas toutefois le souffle qui agitait "La Menace universelle", sans doute parce que le ressort SF convoqué dans ces pages paraît trop anachronique et qu’il est difficile d’oublier que ces aventures polaires des deux old fellows ont été composés... en 2004. C’est là tout le pari de faire revivre l’esprit Jacobs, à mi-chemin du récit illustré et de la bande dessinée, sans tomber dans la compilation référentielle. Sente au scénario et Juillard au dessin prouvent qu’ils savent être efficaces (il y a bien abondances de détails, de longs descriptifs et le graphisme est fort soigné), mais il leur reste encore, en dignes épigones du Maître, à nous faire rêver.
 

   
 

frederic grolleau

 

 

Yves Sente, André Juillard, Blake et Mortimer,
-  tome 16 : " Les Sarcophages du sixième continent (un ex-libris offert), vol. 1, Blake et Mortimer, 2003, 56 p. - 12, 60 euros
-  tome 17 : " Les Sarcophages du sixième continent (un ex-libris offert), vol. 2, Blake et Mortimer, 2004, 56 p. - 12, 60 euros

 
     

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