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La conscience dans "The House that Jack built" (Lars von Trier, 2018)

Publié le 12 Janvier 2024, 19:10pm

Catégories : #Ateliers audiovisuels

La conscience dans "The House that Jack built" (Lars von Trier, 2018)

Consigne :

A partir de l'extrait 1 ci-dessous, analysez la séquence et problématisez-la en lien avec le cours sur la conscience.

 

trailer (2mn36)

synopsis
États-Unis, années 70.
Nous suivons le très brillant Jack à travers cinq incidents et découvrons les meurtres qui vont marquer son parcours de tueur en série. L'histoire est vécue du point de vue de Jack. Il considère chaque meurtre comme une œuvre d'art en soi. Alors que l'ultime et inévitable intervention de la police ne cesse de se rapprocher (ce qui exaspère Jack et lui met la pression) il décide - contrairement à toute logique - de prendre de plus en plus de risques. Tout au long du film, nous découvrons les descriptions de Jack sur sa situation personnelle, ses problèmes et ses pensées à travers sa conversation avec un inconnu, Verge. Un mélange grotesque de sophismes, d’apitoiement presque enfantin sur soi et d'explications détaillées sur les manœuvres dangereuses et difficiles de Jack

extrait vidéo 1 du film (2mn38)

"Didn't you plan the destruction of your own literary work?"

 

Analyse de séquence (44mn16) :
extrait 1 : le cric (à partir de 21mn49 - durée jusqu'à 25mn02
analyse jusqu'à 34mn30

extrait 2 : 34mn30-- 35mn49
analyse jusqu'à 38mn58

extrait 3 : la minutie de Jack au bureau - 38mn58 à 40mn54

 

Proposition de traitement par les élèves Lucas Barré, Shanna Durand, Agathe Graviou, Jean-Noël Venjean, Paul-Louis Pistre & Arthur Corduan, lycée naval de Brest, décembre 2023.

L’extrait analysé est une scène de pré-meurtre tiré du film The House that Jack built un film réalisé par Lars Von Trier. Au début de l’extrait, Jack, le protagoniste psychopathe et meurtrier du film, est en train de conduire seul à bord de son fourgon rouge au milieu d’une forêt enneigée. Alors que personne ne semblait être sur la route, une femme souriante apparaît au milieu de la route. Elle oblige Jack à se stopper parce qu’elle a crevé le pneu de son véhicule et a cassé le cric en essayant de remplacer son pneu.  Ainsi elle demande à Jack s’il pouvait lui apporter de l’aide, Jack dit à la femme qu’il connait une personne du nom de « Sonny » qui pourrait résoudre son problème. La femme insouciante monte à bord du véhicule et la scène de pré-meurtre s’arrête au moment où la femme claque la porte de la voiture prête à démarrer. Pour analyser l’extrait, nous nous demanderons en quoi la scénarisation de cette scène de pré-meurtre met en exacerbe les pulsions grandissantes de Jack ? Après avoir abordé la partie visuelle de l’extrait, nous verrons l’analyse auditive de ce dernier, avant de montrer son aspect philosophique.
 

Au début de l’extrait nous pouvons voir Jack conduisant à bord de son pick-up. L’image est sombre, son côté droit du visage l’est également, cette ambiance est loin d’être chaleureuse et nous rappelle dès le premier instant le statut de tueur de Jack. Dans cette même scène, il est important d’ observer le rétroviseur de ce pick up qui, petit à petit, devient l’élément sur lequel le focus se concentre. Dans ce rétroviseur, il est impossible de voir la route qui se situe derrière la voiture, une sorte de mise en garde sur le fait qu’aucun retour en arrière n’est possible, les événements qui suivent ne peuvent que se dérouler, il est trop tard. Cette mise en garde est accentuée avec le deuxième plan. Celui-ci représente le dos du pick up rouge, avec la forêt qui se situe en face et une voiture blanche arrêtée sur la bas côté avec une femme au bord de la route. Ce plan représente l’ensemble de la scène avec un point de vue filmé par l’arrière. Encore une fois, nous ne pouvons que regarder de l’avant de cette voiture mais pas en arrière, on comprend que cette femme jouera alors un rôle essentiel à cet extrait.  Au plan suivant, un dialogue entre les deux personnages s’installe. Nous remarquons un certain contraste entre l’énergie dégagée par la femme et celle dégagée par Jack. La femme est blonde vêtue de vêtements blancs très clairs, est exposée à la lumière du jour. Tandis que Jack, toujours dans son pick up, est entouré par l’obscurité de sa voiture. Comme dis précédemment, c’est toujours son côté droit du visage qui est dans l’ombre, mais son côté gauche lui, est éclairé par la lumière du jour. Le fait que cette partie de son visage soit montré ainsi, enlève une certaine prudence que l’on peut porter vis à vis de Jack. Les plans qui suivent, nous donnent un sentiment d’improvisation dans la manière dont le réalisateur a décidé de tourner l’extrait. Toutefois, rien n’est laissé au hasard. 

On pourrait croire que la scène est filmée avec un caméscope, avec les plans mais aussi la façon dont les zooms sont effectués. Cela fait aussi penser à une « sitcom ». Les éléments et les personnages sont introduits avec des zooms ce qui leur donne de l’importance. Cela donne aussi un sentiment d’insécurité à la scène, nous avons l’impression que les personnages sont espionnés, comme si la deuxième personnalité de Jack, était un chasseur, guettant sa proie.

Le rythme des cuts est aussi très important puisqu’il y en a beaucoup durant cette scène; le rythme de ceux ci s’accélère au fur et à mesure du déroulement de la scène, cela installe une certaine tension

Nous pouvons faire un lien avec 1917 de Sam Mendes puisque pendant la scène le bruit du moteur est en fond, mais quand il se coupe nous remarquons qu’il n’y a plus de bruit comme lorsque Scoffield court sur le front au début il est surpris par les bombes, puis finit par en faire abstraction. Avec cette scène nous faisons de même, notre perception est donc trompée car nous ne remarquons pas forcément le bruit du moteur mais nous notifions son absence. De plus, le zoom dans cette scène peut être vu comme un élément prémonitoire, puisque nous avons premièrement le zoom sur la femme et sa voiture, ce qui annonce qu’il va se passer quelque chose avec ces éléments. Ensuite il y a le zoom sur le crique qui annonce que cet objet va être utilisé par la suite. Cela nous donne des indices sur la suite du déroulement de la scène.
Tous ces indices sont aussi perceptibles dans les couleurs. La couleur principal ici est le rouge. Le rouge a pour signification le plus souvent la passion, l’amour, mais aussi le sang et la violence. Lorsque l’on parle de prémonition, celle-ci passe aussi par la couleur rouge du pick up et du cric. Ces deux éléments représentent un avertissement, comme pour donner un signe à la femme de se stopper, d’arrêter d’insister avec Jack. Ce rouge on le retrouve quotidiennement avec les panneaux ou feux de signalisation qui nous entourent, qui sont un moyen de nous prévenir d’un potentiel danger.

Enfin nous voyons seulement Jack de profil, l’un à la lumière, l’autre dans l’obscurité de l’intérieur de sa camionnette, nous pouvons lier cela à la citation de Jean Jacques Rousseau dans Rêverie d’un promeneur solitaire, 4eme rêve qui est : « Parfois pour cacher le côté difforme, je me peignais de profil » pour Jack ce « côté difforme » est sa deuxième personnalité, il l’a gardé donc dans l’obscurité de son pickup . Quant à la femme on l’a voit de face et toujours à la lumière comme si elle se livrait directement à Jack sans rien lui cacher. Cependant le seul profil que jack montre à la femme est celui qui se trouve à la lumière, c’est donc la partie de lui qu’il souhaite « montrer au grand jour », une sorte d’idéal. Quant à son profil dans l’obscurité cela peut représenter l’alter égo de Jack c'est-à-dire le côté sombre de sa personnalité. La femme ne verra le profil sombre de Jack qu’au moment d’entrer dans le pickup, moment où elle découvrira le « vrai visage » de celui-ci et ne percevra plus le « profil lumineux ».

Ce jeu sur le profil a la lumière et l’autre à l'obscurité peut donc montrer le dédoublement de la personnalité de Jack : l’une bonne (celle qu’il montre à la lumière) et l’autre sombre (celle qu’il garde dans l’obscurité). La partie visuelle et les procédés cinématographiques sont  donc très importants dans cette scène puisqu’ils nous permettent d’approfondir notre connaissance des deux personnages simplement en les regardant, le jeu avec les couleurs est aussi clé puisqu’il permet de véhiculer des messages.
 

En ce qui concerne la partie audio, nous l’étudierons en deux temps. Le premier temps consiste à exposer les éléments audios de l’extrait du début jusqu’à la fin de celui-ci, le second temps consiste à analyser philosophiquement ces éléments.

Au début de l’extrait, nous voyons Jack dans sa voiture rouge et nous entendons le moteur de celle-ci accélérer. Petit à petit, le régime augmente, la voiture prend de la vitesse et Jack est comme perdu dans ses pensées. Il s’arrête après avoir vu une femme sur le bord de la route qui semble avoir un problème avec sa voiture. C’est alors qu’on entend Jack couper le moteur en tournant ses clés,  ainsi le bruit de celui-ci cesse. La discussion commence alors entre Jack et la femme. La femme a plutôt une voix mélodieuse, mielleuse, calme, même si cette dernière est assez pressée et impatiente suite au problème de sa voiture. Jack, lui, est froid. Il est sec, dit peu de mots et développe peu ses réponses comme s’il était désintéressé face à cette situation. Le ton de sa voix est faible, et, de plus, il semble ennuyé. Tout au long de l’extrait on entend beaucoup de bruits métalliques et nous percevons les sons devenir de plus en plus fort, crescendo. C’est comme une montée en puissance. Pour finir cet extrait, nous entendons deux bruits métalliques consécutifs. Le premier est le claquement de porte et le deuxième est le cric qu’a déposé la femme dans la voiture de celui-ci.

Nous allons maintenant analyser les éléments exposés ci-dessus, au début de l’extrait, la scène nous paraît plutôt banale, c’est juste un homme qui conduit et rien de plus. Cependant, en s’y attardant un peu plus nous remarquons que la voiture accélère, le régime moteur augmente, le bruit de celui-ci devient de plus en plus fort, crescendo. On remarque alors que Jack est perdu dans ses pensées, il est comme inconscient dans le moment présent. Il ne prend même plus attention aux bruits environnants, c’est devenu une habitude qu’il n’y porte plus attention. Leibniz, dans ses nouveaux essais sur l'entendement humain, appelle cela : les perceptions insensibles. Des perceptions dont nous avons conscience qu’elles sont présentes mais nous n’y portons plus attention, nous finissons par ne plus avoir conscience qu’elles existent. Ainsi, la perception portée à quelque chose dépend de notre attention que nous portons à celle-ci. Dans cette scène, Jack se laisse bercer par le bruit du moteur et de la monotonie de ce bruit et de son environnement. Il est comme endormi. Il en oublie tout ce qu’il se passe autour de lui. 

De plus, le principe d’être étranger , étranger de soi, étranger de la scène est indiqué chez Sartre par “l’Existentialisme” du latin ex-sistere ( soi-sortir). Dans son œuvre L'existentialisme est un humanisme, Sartre nous déclare “Ce n’est pas l’essence qui précède l’existence, c’est l’existence qui précède l’essence”. De par cette citation, cet auteur veut nous transmettre qu’un homme né pas humain mais au contraire le devient et quand un homme est, il n’est pas en devenir. Enfin d’après Sartre, être conscient de soi, serait ne pas être. Dans cette scène, nous pouvons voir Jack qui pense, il est donc étranger à la scène et sera, lorsque la scène commence, c’est-à-dire quand le moteur s’arrête pour écouter la femme.

C’est exactement comme dans une des scènes du film 1917 de Sam Mendes lorsque le soldat qui doit porter un message à un officier doit s’exposer à la vue de l’ennemi. Cela se fait pendant un assaut. Le sergent ne pense qu’à une chose, délivrer le message, à tel point qu’il en vient à oublier ce qu’il se passe autour de lui. Ses camarades partent à l’assaut, et lui, ne les voit pas. Des obus explosent proches de lui, et, il ne les entend pas. Il va même tomber après avoir heurté un de ses camarades. Il n’a plus conscience de ce qu’il se passe. Il est obnubilé. A l’image de Jack dans sa voiture qui est obnubilé par la monotonie de son environnement audio et visuel à un tel niveau qu’un excès de folie surgit et le pousse inconsciemment à accélérer. C’est comme s’il y avait une montée des pulsions qui se manifeste en lui.

Il revient finalement à lui en ayant vu une femme qui s’est mis au milieu de la route. Cette soudaine apparition a permis de le réveiller. Pour mieux imaginer l’instant, prenons l’exemple de la corde. Pour couper une corde épaisse nous avons besoin d’un tranchoir avec un bon tranchant. Si le tranchant est de piètre qualité alors la corde ne rompt pas. De même pour le réveil après une nuit de sommeil. Pour être réveillé, il nous faut un bruit fort qui nous permet de ne plus être dans l’état d’endormissement. Or si le bruit n’est pas assez fort, nous ne pouvons pas être réveillés. Dans ce début d’extrait, rien ne pouvait réveiller Jack, rien ne pouvait trancher la corde, jusqu’à l’apparition de cette femme qui fut donc le bon tranchoir pour rompre cette corde et le bon bruit pour le réveiller.

Pour rappel, pendant cette discussion nous entendons des bruits métalliques produits par la dame qui touche le cric. Nous entendons aussi à la fin la porte de la voiture de Jack qui est claquée par cette dernière, puis, elle vient déposer l’outil brutalement entre les deux assises. Le spectateur peut alors imaginer le pire pour la femme. Elle, qui voulait juste obtenir de l’aide pour sa voiture et la réparation de son cric, voilà que celle-ci va se faire tuer par l’objet métallique. Ainsi, en prenant du recul le claquement de la porte signifie le clap de fin de l’existence de la dame. Puis, le cric déposé brutalement signifie que c’est bien avec celui-ci qu’elle sera tuée. C’est une scène plutôt comique que réalise Lars Von Trier car Jack tue une personne avec un « jack » (cric en anglais). A noter également que les bruits viennent crescendo de plus en plus vite et de plus en plus fort. Le moment fatidique, le moment fatal, se rapproche, et le spectateur doit se préparer à un éventuel meurtre imminant.
 

Pour ce qui est de l’analyse philosophique de cette scène, on va commencer par parler de la femme; On pourrait comparer cette femme assez soignée qui essaye de séduire Jack au garçon de café; Cette femme serait plus comme le garçon de café, à se cacher derrière son apparence pour cacher le reste aux autres, alors que au contraire, la coquette de Sartre essaie de faire passer son esprit, sa personnalité avant son corp devant l’homme avec qui elle est  en rendez-vous, à l’opposez, on à la femme en face de Jack qui essaye de séduire Jack avec une voix mielleuse, une tenue propre, un ton joyeux et séduisant et un visage bien arrangé grâce au maquillage . En parlant de maquillage, on peut penser que ce maquillage symbolise un masque derrière lequel elle se cache pour séduire Jack, à notre époque, le maquillage est quelque chose de très présent dans nos sociétés  et selon Charles Baudelaire dans L’éloge du maquillage, ce serait un masque qu’enfileraient les femmes pour recouvrir leurs réels intentions et pour paraître parfaite. Ainsi, La femme se cacherait derrière son maquillage pour paraître parfaite devant Jack et le séduire pour qu’il lui vienne en aide . 

Cette femme peut dans cette scène être considérée comme le “bouc émissaire” des pulsions meurtrières de Jack car pour la relier à la définition même du bouc émissaire, elle est une personne innocente, qui ne fait rien de mal mais contre qui par un hasard total, Jack va s’acharner pour soulager ses pulsions meurtrières . 

Quant à Jack, on peut lui le relier à la définition de psychopathe, un psychopathe est une personne associable et impulsive, ici, Jack correspond parfaitement à cette définition, il est très froid avec la femme et on sent ses pulsions qui montent ce qui va l’amener à une impulsivité meurtrière par la suite . 

Au début de la scène, la caméra filme de profil le visage de Jack durant quelques secondes. Lévinas dit dans Humanisme de votre homme  : « Le visage est le support éthique de l’homme ». Ainsi le visage est la partie corporelle de Jack capable de dénuder ses émotions, or Jack n’en exprime aucune et donne l’impression d’être froid et mystérieux à la fois. La seule chose que nous pouvons identifier chez Jack, c’est son regard immobile qui semble être figée dans le temps. En réalité, Jack est inconscient, du latin « inconscientia », c’est à dire que Jack est dans un état mental où il n’a pas de regard critique sur le monde qui l’entoure tout en continuant d’avancer. Une situation qui peut-être dangereuse et que l’on peut comparer au film 1917 de Sam Mendes où un soldat, pourtant localisé sur le front d’un champ de bataille durant la première guerre mondiale, s’élance dangereusement dans une direction perpendiculaire à celle de ses camarades qui vont se battre au front. Le regard du soldat est figé sur son objectif, comme s’il était inconscient du monde qu’il entoure puisqu’il continue de courir vers cet objectif alors que des obus tombent à proximité de lui et qu’il heurte à multiple reprises quelques de ses camarades. 

En plus d’être inconscient comme ce soldat, plus Jack accélère avec sa voiture, plus l'arrière-plan devient flou. Étant donné que la vision de Jack fixe constamment la route du regard, on peut considérer que l’effet de flou représente graduellement l’entrée de Jack dans un état d’inconscience absolue où les petites perceptions telles que le bruit du moteur ou les arbres qui l'entourent ne seraient plus perçues.

Ensuite, nous pouvons observer lors des premières secondes de l’extrait, les couleurs de la voiture de Jack qui influencent les émotions du spectateur face à cette scène de pré-meurtre. La couleur sombre qui se dégage de l’intérieur de la voiture peut tout de suite plonger le spectateur dans une atmosphère sordide en plus du bruit du moteur qui ne fait qu’accélérer au fur et à mesure du temps. Cette couleur sombre peut montrer le côté mystérieux du personnage principal . Or la couleur rouge de la voiture, et surtout du cric avec lequel la femme va se faire tuer en montant dans la voiture, constitue l’allégorie d’un désir ardent de tuer. Le rouge peut aussi être associé à la catharsis d’Aristote dans La Poétique, c’est à dire la purgation passionnelle des sentiments de Jack dans le contexte précédant. 

Ainsi, en accélérant la vitesse de la voiture, Jack entre pas à pas  dans un état mentale où ses propres pulsions deviennent maître de lui. 

 

Pour conclure, on remarque tout au long de l’extrait, tout est arrangés de sorte à ce que la tension monte, avec les bruits qui s’intensifient et les cuts et les zooms qui sont de plus en plus fréquents . Cette montée en puissance de la tension grâce à la scénarisation peut nous faire penser à plusieurs choses, tout d’abord, cette tension grandissante peut permettre d’ introduire la scène de meurtre qui suit mais aussi à représenter les pulsions meurtrière de Jack qui sont de plus en plus grandes et qui vont justement amenées à cette scène de meurtre . Cette scène nous montre donc bien l'importance de la mise de en scène et du montage dans la qualité d’un film car sans cette scénarisation qui permet de faire monter la tension, la scène de meurtre ne serait pas aussi prenante pour le public.

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Proposition de traitement par le groupe de Lubin Garino, T3 (maxime dizard, raphael-ange perchoc, alexis berthou, elara hernot, victor vimbert, margaux alarçon, eugénie llavori, lubin garino), lycée naval de Brest, décembre 2023.

 

Cette séquence est centrale dans le film, elle marque ici le vrai visage du personnage Jack à travers son calme et sa folie. De par la tournure cacophonique que la pensée de Jack prend, c'est tout une atmosphère intrinsèque aux protagonistes qui se met en place. C'est le désordre qui fait la beauté de cette séquence. de  Nous analyserons comment elle peut être décrite philosophiquement, à travers de nombreux moyens, dont la folie de Jack.

Nous verrons cela en quatre temps : dans un premier lieu, nous aborderons la partie du montage, du cadrage et des effets mis en place par la production afin d'approfondir ce cadre pesant. Par la suite, nous analyserons tout l'aspect audio de la scène puis son visuel, et nous terminerons par l'essence même de cette analyse, c'est-à-dire toute la philosophique de la scène.

L'audiovisuel est directement représentatif du style de Lars Von Trier. On observe un style brouillon, par un cadre flou et semblable à une improvisation tandis que cela est calculé avec précision et travaillé. En effet, lors de ce 1er meurtre, on remarque un grand nombre de cuts, de jeux de lumières et de recadrages. Nous pouvons avoir l'impression d'être directement impliqués dans la scène à travers le mouvement de la caméra et de sa position vis-à-vis des deux protagonistes. Le ton sombre de la scène montre lui aussi toute son atmosphère sinistre. Concernant le montage, les plans sont longs et des zooms sont faits afin de représenter et d'accentuer les émotions véhiculées par les personnages. Chaque plan est représenté par une alternance entre une caméra axée sur l'Homme puis sur la femme. Et enfin la longue transition d'alternance entre flou et clair à la fin prévient du meurtre de Jack et de ce qu'il va en découler. S'ajoute aussi à cela le zoom flou sur le cric qui peut être qualifié comme une forme de spoiler du crime, ce qui s'ajoute à ce contraste entre lumière et obscurité. Nous avons aussi l'impression que la caméra cherche le regard de l'acteur principal à travers ses nombreux procédés. Ce sont en effet des techniques qui paraissent simples mais elles sont utilisées à merveille par le réalisateur afin de traduire la complexité de la scène.

Auditivement, l'extrait est également caractérisé de par ses nombreux sons. En effet, le premier son que nous percevons est l'accélération de la voiture de Jack pouvant être interprétée par une certaine folie chez ce personnage. L'accélération peut donc introduire la scène suivante, doùil fait preuve d'inhumanité et de démence. les sons qui suivent sont les grondements de la voiture, accentuant ce mauvais présage, des sons d'outils mécaniques, faisant référence au futur crime de cette femme et des voix, la voix de Jack mais également la voix de cette femme. Le ton de la voix de la femme témoigne d'un besoin urgent ; elle cherche de l'aide, elle semble épuisée, essoufflée et désespérée par ce qu'elle essaie éperdument de faire, c'est-à-dire, réparer sa voiture. De plus, le ton de la voix de Jack dans la discussion est monotone et traduit une forme de froideur avec, dans ses phrases, de nombreuses pauses, aucune présence d'émotion, du suspense et surtout un grand calme.
La femme pose beaucoup de questions, la discussion est basée sur celles-ci ; l'homme se contente de lui répondre. Il est certes important de retranscrire les sons présents dans l'extrait, mais il est également important de soulever ce qu'on n'entend pas dans la scène. En effet, les seuls sons que nous entendons durant la discussion sont leurs voix, il n'y a aucun son perturbateur ou du moins, aucun son ambiant, ce qui démontre aux spectateurs que ces personnages sont isolés, qu'ils sont seuls et que cette scène ne se passe uniquement qu'entre Jack et cette femme. Mais aussi, les derniers sons de l'extrait lorsque la femme entre dans la voiture, sont agressifs. Lorsque la femme entre dans la voiture en jetant le cric et en claquant la porte, elle fait preuve d'agressivité, ce qui peut réveiller l'esprit de folie que possède Jack et donc introduire son futur crime.

Visuellement, cette idée est reprise, le problème de cadre et le focus montrent l'intérieur de la camionnette plutôt sombre. De plus, on ne voit presque pas le visage de l'homme. Et le paysage blanc et enneigé qui défile est en contraste avec l'atmosphère noire. La femme semble joyeuse, ce qui montre l'alternance des émotions entre elle et lui. Son visage est neutre, et n'affiche aucune émotion. De plus, la femme est seule sur la route, personne n'est autour et elle ne paraît pas inquiète. La couleur rouge intervient énormément à l'intérieur, comme à l'extérieur du véhicule. Ce qui annonce une scène sanglante. On insiste bien sur le fait que la voiture et le cric soient de couleur rouge, couleur du sang qui va ensuite couler du corps de cette femme. Enfin, quant à la position de cette femme seule au milieu d'une petite route enneigée, sans réseau et contacts, on ne sait pas ce qui pourrait lui advenir et si, quand bien même il viendrait à lui arriver quelque chose, quelqu'un serait en capacité de pouvoir intervenir ou en témoigner. Certainement, le rôle de l'audio et du visuel de la scène est central à la compréhension de la scène et permet au téléspectateur de s'y confronter dans sa totalité.
 

Concernant la partie philosophique, la réponse à la problématique initialement annoncée se subdivisera en trois parties, la première constitue l'ambiguïté du personnage à travers sa psychopathie et son silence : ainsi il sera abordé la conscience de Jack à travers son existence interne propre à son personnage, puis, en fin de compte, cela se terminera par l'ironie tragique et dramatique ainsi que de la théâtralisation des deux protagonistes.

Au premier regard, la folie de Jack s'observe à travers le silence, son attitude sérieuse et psychopathe. C est par le silence qu'une cacophonie de la pensée se crée pour le spectateur - car le spectateur se perd dans la tonalité calme et reposante mais à la fois stressante. En effet, l'intelligence du personnage est remarquable dans le langage mais plus particulièrement dans le "non dit". C'est le désordre interne qui conduit à la beauté de la scène. On observe ce désordre par la présence abondante du rouge précédemment évoquée et la personnification du cric par la parleo représentant Jack, par la phrase : "Jack is broken." Par hypothèse, le rouge représente métaphoriquement le sang et la préméditation du meurtre, tandis que la phrase prononcée désigne le cric et à la fois lui-même : c'est une forme d'introspection.
On notera aussi la forme cathartique de la situation, selon Aristote. Jack constitue son propre spectacle en devenant étranger à lui-même par l'exposition de ses sentiments.

Il est clair, dans un second temps, que nous remarquons une forme d'existentialisme sartrien: "être conscient de soi, c'est ne pas être". De par son étymologie, "être" a pour sens : demeurer le même en permanence. Cependant, Jack n'est pas le même, donc est-il ou n'est-il pas ? Exister provient du latin ex-sistere, ec représente tout ce qui est hors de soi et sistere, sortir. Peut-être ainsi que lorsque Jack sort hors de soi de par son air calme et réservé en apparence, il devient soi-même ? Et par contraposition, le comportement de la femme peut se rapporter à la coquette de Sartre (elle sait ce qu'elle veut dès l'instant qu'elle lui parle mais elle utilise une forme d'hypocrisie afin de subvenir à son besoin).

Cette thèse peut être approfondie en raccord avec des pensées et écrits de Montaigne (penseur, écrivain et grand militant pour les droits de l'homme du 16ème siècle). Selon lui, pour un individu donné, le danger est toujours plus grand lorsqu'il est vu de loin. Qu'est-ce que cela signifie ? Il existe deux types de dangers, (objet de conscience et le danger (vécu). On observe l'ironie tragique et la théâtralisation de la scène de par les deux rôles antithétiques que les deux personnages jouent. Enfin, la femme ne perçoit que le danger vécu car elle ne perçoit pas la menace et ne dispose d'aucune forme de conscience pouvant l'avertir. Le danger réel étant bien évidemment dans cette scène l'attitude à venir de Jack.
 

Finalement, à travers cette oeuvre de Lars Von Trier et de cette scène parlante,  entre calme et folie, on observe tout le génie du réalisateur grâce au montage, à l'audio, au visuel et à cette approche philosophique. Nous pouvons mettre cette scène en relation avec le film American Psycho de 2000 de la réalisatrice Mary Harron, lorsque le personnage principal "Patrick Bateman" (à la double personnalité jouée) se confronte à Paul Allen avant de l'assassiner.
 


 

 

 

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