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L'Utilitarisme

Publié le 2 Mai 2019, 11:00am

Catégories : #Philo (Notions)

L'Utilitarisme

 

L'utilitarisme est une doctrine éthique qui prescrit d'agir (ou ne pas agir) de façon à maximiser le bien-être du plus grand nombre des êtres sensibles. Elle est l'idée que la valeur morale d'une action est déterminée seulement par sa contribution à l'utilité générale. Elle est par conséquent une forme de conséquentialisme, ce qui veut dire que la valeur morale d'une action est déterminée par la totalité de ses conséquences.

Explication
L'utilitarisme est une forme de conséquentialisme : il évalue une action (ou une règle) seulement selon ses conséquences, ce qui le distingue surtout de nombreuses morales de type déontologiques, comme le kantisme, pour lesquelles la morale doit être évaluée indépendamment de ses conséquences. On parle d'utilitarisme des prédilections pour désigner une variante qui prescrit de maximiser à la place la quantité de prédilections satisfaites. On peut toujours appeler utilitaristes d'autres doctrines cherchant la maximisation d'autres conséquences, tant que celles-ci restent étroitement liées au bien-être général des êtres sensibles (l'humanité pour certains, l'humanité et les animaux (ou certains animaux) pour d'autres).

On peut résumer le cœur de la doctrine utilitariste par la phrase : Agis toujours de façon à ce qu'il en résulte la plus grande quantité de bonheur (principe du bonheur maximum). Il s'agit par conséquent d'une morale eudémoniste, mais qui, à l'opposé de l'égoïsme, insiste sur le fait qu'il faut considérer le bien-être de tous et non le bien-être du seul agent acteur.

L'utilitarisme est par conséquent un conséquentialisme eudémoniste.

Cependant cette définition minimale du principe d'utilité ne doit pas masquer les nombreuses différences existantes entre les dispositifs utilitaristes : utilitarisme hédoniste, utilitarisme indirect, utilitarisme de l'acte contre utilitarisme des prédilections, etc.

Ce sont avant tout Jeremy Bentham (1748-1832) et John Stuart Mill (1806-1873) qui ont donné une forme systématique au principe d'utilité et ont entrepris de l'appliquer à des questions concrètes — dispositif politique, législation, justice, politique économique (où il a fait florès, non sans subir de lourdes déformations), liberté sexuelle, émancipation des femmes, etc.. Bentham expose le concept central d'utilité dans le premier chapitre de son Introduction to the Principles of Morals and Legislation dont la première édition date de 1789, de la manière suivante :

Par principe d'utilité, on entend le principe selon lequel toute action, quelle qu'elle soit, doit être acceptée ou désavouée selon sa tendance à augmenter ou à diminuer le bonheur des parties affectées par l'action. [... ] On sert à désigner par utilité la tendance de quelque chose à génèrer bien-être, avantages, joie, biens ou bonheur.

Il convient par conséquent de ne pas diminuer le concept d'utilité à son sens courant de moyen en vue d'une fin immédiate donnée.

L'Utilité utilitariste
La notion d'utilité n'a pas chez les utilitaristes le sens qu'on lui attribue fréquemment. Ce qui est «utile» sert à désigner ce qui contribue à maximiser le bien-être d'une population. C'est en ce sens spécifique qu'on peut parler du calcul de l'utilité d'un acte, ou qu'on peut comparer les utilités de différentes actions ou règles. La pensée utilitariste consiste par conséquent à peser le pour et le contre d'une décision et comparer cette dernière aux avantages et désavantages de la décision inverse.

Histoire
Quoiqu'on puisse en voir des prémices dans l'antiquité, l'utilitarisme n'est réellement mis en place qu'à la fin du XVIIIe siècle. Le père de cette philosophie est alors Jeremy Bentham, qui s'inspire surtout de Hume et Helvétius. Bentham propose une première forme d'utilitarisme, plus tard caractérisée d'utilitarisme hédoniste. Sa théorie est le point de départ des nombreuses versions de l'utilitarisme qui se développeront au XIXe et au XXe siècle. C'est cependant avec l'apport de John Stuart Mill que l'utilitarisme devient une philosophie véritablement élaborée.

Bentham
C'est Jeremy Bentham qui introduisit le terme en 1781 et qui tira de ce principe les implications théoriques et pratiques les plus abouties. Le principe éthique à partir duquel il jugeait les comportements individuels ou publics était l'utilité sociale. Pour reprendre la formule bien connue, «le plus grand bonheur du plus grand nombre».

Le postulat de départ de sa théorie utilitariste est que le bien éthique forme une réalité constatable et démontrable. On peut le définir à partir des seules motivations élémentaires de la nature humaine : son penchant «naturel» à rechercher le bonheur, c'est-à-dire un maximum de plaisir et un minimum de souffrance. Ce principe est formulé ainsi par Bentham «La nature a positionné l'humanité sous l'empire de deux maîtres, la peine et le plaisir. C'est à eux seuls qu'il appartient de nous indiquer ce que nous devons faire comme de déterminer ce que nous ferons. D'un côté, le critère du bien et du mal, de l'autre, la chaîne des causes et des effets sont attachés à leur trône.» (Principes de la morale et de la législation, 1789).

L'utilitarisme benthamien, comme nombre de ses suivants, prétendait règler des problèmes sociaux particulièrement anciens :

Quels principes guident les comportements des individus ?
Quelles sont les tâches du gouvernement ?
Comment les intérêts individuels peuvent-ils être conciliés entre eux ?
Comment les intérêts individuels s'accordent-ils avec ceux de la communauté ?
Le principe de l'antagonisme du plaisir et de la peine répond ainsi à la totalité de cette problématique. Bentham affirme qu'il ne peut y avoir de conflit entre l'intérêt de l'individu et celui de la communauté, car si l'un et l'autre fondent leur action sur l'«utilité», leurs intérêts seront semblables. Cette démarche joue sur l'ensemble des plans de la vie sociétale : religieux, économique, éducatif, dans l'administration, dans la justice mais aussi dans les relations internationales. 

John Stuart Mill
Fils de James Mill, filleul et disciple de Bentham, John Stuart Mill est le successeur immédiat de l'utilitarisme benthamien. Il s'en écarte cependant en développant un utilitarisme indirect.

À l'endroit où Bentham identifie welfare et plaisir, Mill définit le welfare comme bonheur. Ce faisant il s'écarte de l'utilitarisme hédoniste et propose un utilitarisme indirect. Le plaisir n'y est plus la fin de la moralité, il ne joue un rôle qu'indirectement, étant donné qu'il contribue au bonheur (du plus grand nombre).

On doit aussi à Mill la reconnaissance de la dimension qualitative des plaisirs. Au contraire de Bentham, qui ne hiérarchise pas les plaisirs et s'intéresse seulement à la quantité de ceux-ci, John Stuart Mill défend une différence de qualité entre les plaisirs. On peut ainsi préférer une quantité moindre d'un plaisir qui plus est grande qualité à une quantité supérieure d'un plaisir de qualité plus médiocre.

La pensée moderne
A la suite des fondateurs (Bentham, John Stuart Mill), de nombreux philosophes, le plus souvent anglo-saxons, ont développé et enrichi la pensée utilitariste : Henry Sidgwick, Richard Hare, Peter Singer parmi énormément d'autres.

Perspective morale et politique
Caractéristiques générales
L'utilitarisme se conçoit comme un critère général de moralité pouvant et devant être appliqué tant aux actions individuelles qu'aux décisions politiques, tant dans le domaine économique que dans les domaines sociaux ou judiciaires.

Principes fondamentaux
Cinq principes fondamentaux sont communs à l'ensemble des versions de l'utilitarisme :

Principe de bien-être (the Greatest Happiness Principle en anglais) . 
Le bien est défini comme étant le bien-être. C'est-à-dire que l'objectif recherché dans toute action morale est constitué par le welfare, le bien-être (physique, moral, intellectuel).
Conséquentialisme. 
Les conséquences d'une action sont l'unique base servant à juger de la moralité de l'action. 
L'utilitarisme ne s'intéresse pas à des agents moraux mais à des actions : les qualités morales de l'agent n'interviennent pas dans le calcul de la moralité d'une action. Il est par conséquent indifférent que l'agent soit généreux, intéressé, ou sadique, ce sont les conséquences de l'acte qui sont morales. Il y a une dissociation de la cause (l'agent) et des conséquences de l'acte. 
L'utilitarisme ne s'intéresse pas non plus au type d'acte : dans des circonstances différentes, un même acte peut être moral ou immoral selon que ses conséquences sont bonnes ou mauvaises.

Principe d'agrégation. 
Ce qui est pris en compte dans le calcul est le solde net (de bien-être, en l'occurrence) de l'ensemble des individus affectés par l'action, indépendamment de la distribution de ce solde. Ce qui compte c'est la quantité globale de bien-être produit, quelle que soit la répartition de cette quantité. Il est par conséquent envisageable de sacrifier une minorité, dont le bien-être sera diminué, afin d'augmenter le bien-être général. Cette possibilité de sacrifice est fondée sur l'idée de compensation : le malheur des uns est compensé par le bien-être des autres. S'il est surcompensé, l'action est jugée moralement bonne. L'aspect dit sacrificiel fait partie des plus critiqués par les adversaires de l'utilitarisme.
Principe de maximisation. 
L'utilitarisme demande de maximiser le bien-être général. Maximiser le bien-être n'est pas facultatif, c'est un devoir.

Impartialité et universalisme. 
Les plaisirs et souffrances ont la même importance, quel que soit l'individu qu'ils affectent. Le bien-être de chacun a le même poids dans le calcul du bien-être général. 
Ce principe est compatible avec la possibilité de sacrifice : ce principe affirme uniquement que l'ensemble des individus valent tout autant dans le calcul. Il n'y a ni privilégié ni lésé a priori : le bonheur d'un roi ou d'un simple citoyen sont pris en compte de la même manière. 
L'aspect universaliste consiste en ce que l'évaluation du bien-être vaut indépendamment des cultures et des particularismes régionaux. Comme l'universalisme de Kant, l'utilitarisme prétend définir une morale valant universellement.

Le calcul utilitariste
L'un des traits important de l'utilitarisme est son rationalisme. La moralité d'un acte est calculée, elle n'est pas déterminée en se fondant sur des principes ayant une valeur intrinsèque. Ce calcul prend en compte les conséquences de l'acte sur le bien-être du plus grand nombre. Il suppose par conséquent la possibilité de calculer les conséquences d'un acte, et d'évaluer son impact sur le bien-être des individus.

On remarquera que l'utilitarisme inclut dans son calcul non seulement les agents moraux mais également les patients moraux : l'ensemble des êtres capables d'éprouver du plaisir et de la peine, c'est-à-dire doués de sensibilité. Les animaux sont par conséquent légitimement inclus dans le calcul de la moralité. Le philosophe utilitariste Peter Singer se souviendra de cet aspect dans son opposition au spécisme.

Causes et conséquences d'une action
L'utilitarisme a été au cours de l'histoire une théorie morale particulièrement émancipatrice. Ce fait est surtout lié à la dissociation de la cause et de la conséquence d'un acte dans l'évaluation de la moralité de ce dernier. Les qualités de l'agent moral ne sont pas prises en compte. L'utilitarisme ne s'inscrit par conséquent pas dans une perspective peaufiniste ; pour «être moral» il suffit d'effectuer des actions ayant de bonnes conséquences, il n'est pas indispensable de posséder de caractéristique personnelle spécifique ou de suivre un modèle de vie spécifique.

source :  http://www.histophilo.com/utilitarisme.php

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