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L'Or du Rhin, tomes 1 & 2

Publié le 13 Octobre 2015, 09:43am

Catégories : #BD

L'Or du Rhin, tomes 1 & 2

Là où l'Histoire passe, le dessin trépasse

Dès le tome 1 : « L'homme au masque de cuir », L’Or du Rhin est apparu comme une ambitieuse série historique et ésotérique. Utilisant la contrée alsacienne comme dénominateur commun, le scénariste Roger Seiter a en effet prévu une série 6 tomes indépendants les uns des autres, tous unis autour du combat séculaire entre deux mystérieuses confréries (l'une celtique, l'autre germanique) entre le 1er et le XIXème siècle afin de faire main basse sur le mythique « or du rhin » qui proviendrait d'un trésor gallo-romain (58 avant J.-C.) caché ou perdu en Alsace.
Le 1er tome d’exposition met en lumière la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, juste après la guerre de Cent Ans, et souligne un schisme méconnu de l’Eglise catholique, né en Bohême : le mouvement réformateur hussiste (du nom de son fondateur Jan Hus) qui sera sévèrement réprimé. Nous sommes en 1444 et Walther Lurco, le héros de l’histoire, tente de remplir une mission jadis confiée par son maître. Sa quête va le mener à un coffre rempli de pièces d’or antiques et qui devait servir de soutien financier à un mouvement qui, dès le milieu du XVème siècle, annonce les réformes protestantes et l’exigence d’une plus grande justice sociale.
Ce « thriller » historique à travers les âges s'inscrit dans une veine proche du Da Vinci Code et propose, pour la plus grande curiosité du lecteur, un portait magistralement documenté des mœurs de la période post-médiévale.

Historien de formation, Seiter développe en effet une réflexion stimulante, entre histoire, fiction et ésotérisme, sur ce légendaire trésor datant de l’Antiquité, composé d’or, de bijoux et de manuscrits précieux provenant de la grande bibliothèque d’Alexandrie - et qui n'a de commun que l'homonymie avec l'opéra en 4 actes L’Or du Rhin, de Richard Wagner. Dans chaque album se trouve ainsi un cahier annexe didactique de plusieurs pages (sur les mouvement hussite dans le tome 1, sur les invasions barbares et Attila dans le tome 2) mais il nous semble, au vu de la complexité et de la richesse de ces notes historiques que sa place devrait plutôt se situer à chaque fois en début qu'en fin de volume.

« La flèche et le glaive » nous propulse en arrière dans le temps, en l'année 451 après J.-C., alors que l'armée d'Attila est au sommet de sa gloire. Une troupe de Huns, accompagnée de Goths, d'Alains et de Burgondes, menée par le chef Rugila, fait route vers la cité d'Argentoratum. Il semble alors que seul « L’Or du Rhin », le trésor d’Arioviste entreposé dans un caveau secret de la ville et conservé depuis longtemps par une "société secrète", peut sauver la cité en lui permettant de stipendier des mercenaires francs pour son secours.
Suite au premier tome d'exposition, la "légende" de l'Or du Rhin se précise ici tandis que nous découvrons les protagonistes des deux camps en présence sur le point de se livrer bataille de même que la vie des peuples nomades germaniques. Là aussi le suspense et l'aventure sont au rendez-vous, le mixte d’Histoire et d’ésotérisme fonctionnant parfaitement.

Un seul regret alors quant à cette saga, mais il est de taille : l'idéal aurait été d'un point de vue éditorial, pour essaimer ainsi la trame, le fond du récit au fil des siècles, que la forme, le graphisme demeure identique, offrant ainsi un repère au lecteur autre que le seul exotisme alsacien dans lequel baigne à propos  L'Or du Rhin. Mais il n'en est rien, le dessinateur du  premier tome, Vincent Wagner, laissant place dans le suivant à Daniel Grzeszkiewicz, alias Gedeon. Or, les techniques qu'ils emploient sont aux antipodes l'une de l'autre et, à vrai dire, ne servent pas le scénario de la plus esthétique des façons : le trait de Wagner, en crayonnés minimalistes, est souvent abrupt, comme non fini (les couleurs choisies manquant de chaleur) alors que Gedeon propose un trait épouvantablement grossier rigidifiant de facto tous les personnages, auréolé de couleurs fadasses avec des silhouettes détourées du plus mauvais effet : on n'a guère envie de rentrer dans cette mauvaise peinture appliquée par larges couches et c'est dommage car l'histoire est de qualité.
Il serait de bon ton d'observer que, s'il est très bien que la bande dessinée s'intellectualise et conquiert un nouveau public en frayant la voie de la vulgarisation historique (fût-ce teintée de fiction), son socle reste tout de même le dessin, qui doit emporter l'adhésion du lecteur. Contrat qui, à nos yeux, n'est pas rempli ici.

frederic grolleau

L'Or du Rhin, Les Editions du Long Bec :
- Roger Seiter &Vincent Wagner, tome 1 : « L'homme au masque de cuir », juin 2014

 Roger Seiter, François Hoff & Gédéon, tome 2 :« La flèche et le glaive », septembre 2015 - 14,75 €.

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