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Laure Watrin &Thomas Legrand, "La République bobo"

Publié le 15 Juin 2015, 13:35pm

Catégories : #ESSAIS

Allô maman, bobos...

Issu d'une contraction entre "bourgeois" et "bohème" due au journaliste du New York Times David Brook en 2000, le vocable bobo est désormais sur toutes les bouches et de tous les combats. Il est même devenu la cible facile sinon l'ambulance sur laquelle sont prêts à tirer tous ceux qui veulent rallier le populaire à leur cause en dénonçant à cor et à cris l'embourgeoisement « culturel » qu'il semble incarner de manière souvent caricaturale.
Il était donc autant nécessaire qu'heureux que les journalistes Thomas Legrand et Laure Watrin, « bobos assumés » comme ils l'avouent eux-mêmes d'entrée, décident de prendre sa défense. C'est, partant, l'objet de ce tonique opus à la jolie couverture cartonnée que de tenter – non sans difficulté conceptuelle parfois – de clarifier un terme en proie à moult contradictions et que boude ouvertement la sociologie.Tout en essaimant leur propos d'une kyrielle de définitions proposées en apartés graphiques dans le texte – trouvaille éditoriale qui permet, outre au lecteur de respirer ponctuellement, à la lettre de rejoindre l'esprit de l'essai – , les deux journalistes font flêche de tout bois, s'appuyant sur des supports aussi divers que précis (entretiens, articles, livres etc.) pour proposer une réflexion souvent auto-critique et teintée d'une bonne dose de dérision, ce qui ne gâche rien.

En guise de bilan de cet anti “bobobashing” , l'on ressort édifié car la distinction mise en avant par Laure Watrin et Thomas Legrand amène à bien distinguer, au sein de cette catégorie social fort hétérogène, les "gentrifieurs" installés dans des quartiers dont ils auraient chassé au gré de la courbe de l'immobilier les classes populaires et les "mixeurs" vivant dans des quartiers à la mixité sociale maintenue envers et contre tout.
Sans aller pour autant avec les (trop?) enthousiastes auteurs jusqu'à voir dans la boboïtude, soit une certaine conception du monde et de ses valeurs à mi-chemin de « l'individualisme positif » et de la solidarité bien-pensante , le signe ou le nouveau repère d' "une république moderne", reconnaissons, par delà les multiples contradictions (politiques, économiques, écologiques, esthétiques) qui caractérisent les bobos, qu'ils paraissent surtout, sans cracher sur la mondialisation et loin de se réduire à ces « velléitaires individualistes et superficiels » totalement déconnectés de la réalité qu'on nous dépeints à longueur de tribunes et de meetings, créateurs de « liens sociaux de proximité ». Fédérateurs donc – fût-ce à leur propre insu – du philosophique euzein, cet art du “vivre ensemble” loué par les Grecs avant que société et politique ne s'exposent au fil de l'histoire à maintes vicissitudes.

frederic grolleau

Laure Watrin &Thomas Legrand, La République bobo, Le Livre de Poche, 2015, 320 p. - 7,30 €.

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