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Michael Crichton, La Proie

Publié le 15 Juillet 2012, 13:11pm

Catégories : #ROMANS

Un bijou de techno-thriller, où biologie, nanotechnologie et informatique se mêlent pour l’horreur et le pire.

Michael Crichton aime bien les virus. C’est en 1969 qu’il a publié La Variété Andromède (histoire d’un virus mortel venu de l’espace), premier best-seller d’une longue série comportant, entre autres, Sphère, Jurassic Park, Harcèlement, Le Monde perdu et Prisonniers du temps... La Proie revient sur ce filon romanesque, sur ces premières amours d’auteur, à partir d’un scénario très, très original. Car cette fois-ci le virus n’est pas (qu’) organique, il est le fruit de l’inventivité scientifique humaine ayant mis au point dans un laboratoire du Nevada des nanoparticules douées de la faculté prédatrice, et dont "la proie" n’est autre que l’humanité elle-même.

Si on est d’abord un peu sceptique devant l’objet livresque, une première de couverture au papier gaufré tout en relief avec d’indigestes couleurs, très french touch hulkienne (on préfère de loin la couverture de Harper Collins plus sobre), il suffit de lire les 50 premières pages pour se trouver pris au piège d’un suspense orchestré de main de maître. Le héros, Jack Forman, est un chercheur en informatique au chômage, qui passe son temps à couver ses trois gamins et à soupçonner sa femme, Julia, d’avoir une relation avec un autre homme. Mais peu à peu ce sont les activités de Julia chez Xymos, une société high tech fer de lance de la Silicon Valley, qui prennent le devant de la scène. Pour laisser bientôt place au vrai personnage central du roman : un essaim de nanoparticules, soit des robots infiniment petits mis au service de la recherche militaire par Xymos au gré d’un logiciel prédateur-proie (Predprey) que Forman a conçu quelques années au préalable.

Surpris par le comportement incohérent de sa femme, qui l’inquiète de plus en plus, Jack réussit à se faire recruter comme consultant pour quelques jours dans la société de sa femme. C’est dans l’usine de fabrication des nanoparticules, un véritable bunker pressurisé basé dans le Nevada qu’il découvrira le danger qui menace l’humanité entière. "C’est une chose de lâcher une population d’agents virtuels dans la mémoire d’un ordinateur pour résoudre un problème mais tout autre chose de mettre de vrais agents en liberté dans le monde réel." Sec et soutenu d’un bout à l’autre, La proie ne désemplit pas de rebondissements et de scènes d’actions musclées. Crichton écrit directos en technicolor et arrache tout sur son passage. Car cette lutte d’un scientifique contre un prédateur infiniment petit - écriture remarquablement documentée sur les "programmes informatiques distribués" calquant leurs séquences sur les fonctions naturelles de certain insectes et animaux (fourmis, abeilles, lions...) -, cette lutte est un bijou de techno-thriller, où biologie, nanotechnologie et informatique se mêlent pour l’horreur et le pire.

Michael Crichton reprend et sublime les thèses pessimistes d’un Jean-Michel Truong (Le successeur de pierre, Totalement inhumaine) pour livrer sur fond de pré-apocalypse new age une fable sur l’imprudence humaine qu’on lira aussi bien comme un cours de vulgarisation sur les nanotechnologies de demain que comme une illustration dark, au croisement de références sous-jacentes tels que Invasion of the body snatchers, Alien, The Hidden et Matrix, du leitmotiv martelé par Jack Forman : "les choses ne se passent jamais comme on les imagine".

NB - Lire un entretien avec Michel Crichton (en anglais) sur le site officiel de Prey chez Harper Collins.

   
 

Michael Crichton, La Proie, Robert Laffont, Best-sellers, 2003, 385 p. - 22,00 €.

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