Un homme mystérieux traque des démons répandus dans une cité baroque.
La traque est rendue compliquée par le fait qu’à Venisalle, l’habitus vestimentaire est celui d’un carnaval vénitien permanent : chacun ici porte des masques et des capes afin de dissimuler ses péchés par trop « ostensibles » sinon à ses congénères. Malgré le "confessional" géant créé pour satisfaire les plaisirs et les vices de tous les citoyens, cathartique lieu - utopique, diabolique ? - d’expurgation du mal, une redoutable Inquisition, sous le contrôle du Ministère, surveille les habitants afin de vérifier, tortures et sévices à l’appui, la « pureté » de tous... C’est alors qu’intervient sur cette scène de théâtre tout en clair-obscur magnifiquement servie par un noir et blanc haloré, parfois confus, notre homme masque, nommé « le marquis » par ses ennemis tératologiques, l’ancien prêtre et soldat Vol de Galle, à qui un masque spécifique - digne des superhéros des comics US où l’auteur excelle depuis longtemps - permet la vision de ces créatures invisibles aux autres (mais anges ou démons ?, on ne sait au juste dans quelle catégorie les ranger) et responsables des tous les crimes de l’humanité. Il les chasse et les exécute avec une épée et des pistolets hors normes, tout en étant considéré par l’Inquisition comme le responsable du désordre qui règne en ville, une sorte de tueur en série qui frappe sans foi ni loi.
Tout cela dans le cadre très réaliste d’une ville aux volumes fastueux et à l’architecture baroqueuse - terrifiante et le grotesque à l’instar des monstres qui s’y tapissent - qui ploie sous la neige comme le pécheur sous le poids de ses propres tourments, concourt à installer un climat oppressant à couper le souffle. Ce à quoi contribue également un garphisme brut, voulu sans douceurs ni fioritures excessives, l’excés étant réservé en ces pages aux pulsions destructrices (celles-là même que connaît Vol de Galle puisque, aussi bien et en fonction d’ un précepte des plus machiavéliques, il doit lui-même se livrer au Mal pour réaliser le Bien) . Non seulement le propos est original, non seulement la facture de l’ouvrage aux Humanoïdes Associés, qui y ont mis tout leur savoir-faire, est remarquable de qualité, mais en plus le lecteur peut trouver à la fin du volume de nombreux croquis préparatoires commentés par l’auteur.
![]() | ||
frederic grolleau Guy Davis (scénario et dessin), Le Marquis, Les Humanoïdes Associés, couleurs : N&B, 2005.
| ||
![]() |
Visitez le beau site de Guy Davis
Commenter cet article