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Ardoise

Publié le 4 Septembre 2010, 10:38am

Catégories : #ESSAIS

En matière de littérature, la véritable aristocratie se gagne.

 

On sait toujours comment cela se passe avec Djian : l’homme est direct au risque d’être bourru, avare de compliments, ce qui ne facilite pas le travail consistant ici à rendre hommage à ses maîtres en littérature. Il y a pourtant dans ce bref ouvrage comme un vent du large, salutaire, qui vient balayer pléthore de miasmes : c’est que le projet consiste moins à honorer Salinger, Céline, Cendrars, Kerouac, Melville, Hemingway, Miller, Faulkner, Brautigan et Carver qu’à rendre compte de ce que siginfie écrire pour un auteur ...souvent décrié.
Evidemment, les tenants du classicisme ne pardonneront pas à l’auteur de Vers chez les blancs d’asséner que Breat Easton Ellis peut être élevé au même rang que Balzac dans le pays des gens de lettres ; que Nabokov n’est guère « tripant », ou que la pornographie et la sexualité sont la seule vérité du monde dont témoignera jamais le roman (cf. le chapitré dédié à Henry Miller). Peut-être comprendront-ils davantage la formule d’après laquelle on devient écrivain le jour où on ne parvient plus à écrire . Ce, n’en déplaise aux auteurs contemporains, pour la plupart ramenés à l’image d’ une armée de notaires défilant sous un ciel d’automne pourri. C’est dit. 

 

Encore faut-il lire ici entre les lignes de cette autobiographie par les livres (des autres !) et profiter de cette réédition en poche chez 10/18 pour puiser à cette source de jouvence livresque et d’humilité afin de se tourner vers ces auteurs d’Outre-Atlantique qui ne sont pas toujours aussi estimés qu’ils le devraient (l’on songe en particulier au cas de Carver). Certes donc, on n’apprendra rien de décisif en si peu de pages sur ces écrivains hénaurmes ; pas plus on se s’arrêtera sur cette surprenante citation attribuée à Tolstoi : La vie est une tartine de merde qu’on est obligé de manger lentement  ; on accédera toutefois par une autre porte dérobée à l’univers si particulier et si musical de Djian. Ce qui fait que l’on retrouve céans, en version plus contractée et elliptique, l’incandescence créatrice qui traversait le Philippe Djian revisité, rencontre avec Catherine Flohic (Coll. Les singuliers Littérature, Les Flohic éditeurs, 2000).
En effet, si pouvoir rassembler toutes les exépriences d’un homme en une seule phrase définit correctement le « style »de l’écrivain tout du long de cette « ardoise », alors n’en doutons plus : Djian, l’heureux homme, a un style qui lui appartient en propre, générateur d’influences mulitples sur autrui, un style soit à la fois une musique et une manière de regarder les choses , bref un point de vue sur le monde, que nul ne peut copier. C’est pourquoi à chaque fois il sait nous emporter avec ses mots-valises, nous autres lecteurs-voyageurs immobiles, tant son projet tend à se confondre avec une éthique de l’écriture.

 

Et pour les plus chagrins : essayez un peu de résumer à chaque fois en leur consacrant 10 pages quelle est la dizaine de romanciers vous ayant bouleversé dans votre lointaine jeunesse et on en reparlera. Car c’est le mot de la fin, éh oui : en matière de littérature, la véritable aristocratie se gagne.

   
 

frederic grolleau

 

Philippe Djian, Ardoise, 10/18, août 2010, 120 p. - 6,50 euros.
1ère édition : Julliard, 2002

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