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HLP : Parole du pouvoir et pouvoir de la parole dans "Le Discours d'un Roi" (T. Hooper, 2010) (exposé)

Publié le 18 Janvier 2025, 10:11am

Catégories : #HLP (Humanités Lettres Philo)

HLP : Parole du pouvoir et pouvoir de la parole dans "Le Discours d'un Roi" (T. Hooper, 2010) (exposé)

Proposition de traitement par les élèves A. P. & E. L., 1ère HLP, lycée naval de Brest, janvier 2025.

Le film Le Discours d'un Roi, réalisé par Tom Hooper en 2010, porte une réflexion philosophique profonde sur des thématiques universelles telles que la royauté, la communication, et l' acceptation de soi.

Un grand changement pour la royauté
Le contexte historique du film, marqué par l'arrivée de la radio dans les années 1920, souligne un tournant dans l’exercice du pouvoir. La parole devient alors centrale dans la fonction de roi, permettant au souverain de s'adresser directement à son peuple. A la différence d'avant où le monarque pouvait simplement paraître en public pour tenir son rôle. Cette avancée technologique qui devrait être un avantage pour le roi est en réalité un poids en plus pour le duc d’York en raison de son défaut d'élocution.

Un accès différencié à la parole
La parole, qu’est-ce que c’est ? Une extériorisation de soi par le langage signifiant, par une expression construite et symbolique. engagement de soi, conviction. Selon les linguistes, la parole est un échange. Elle suppose un émetteur, qui envoie un signal au récepteur, avec un système de référence compréhensible aux deux parties. Pour atteindre la vérité, il faut un signifiant (support oral, écrit du sens) et un signifié (ce qui est visé). Parler = (physique anatomique) la capacité phonétique (phoné = le son). Quand le signifiant oral est défectueux (bègue, muet), cela ne signifie pas que la personne n’a pas d'intériorité, mais que l’extériorisation de soi est plus difficile.
En cela, l’accès à la parole est différent pour chacun. Cas du duc d’York : bègue. Son bégaiement n’est pas en lui, sa capacité phonétique est présente (on le voit lorsque, casque livré, il chante) Son bégaiement est effectivement apparu vers 5-6 ans. Il était maltraité par sa nourrice, gaucher avec une rééducation douloureuse et marquante. On peut supposer que son handicap résulte de ce stress familial, vis-à-vis de la pression de son père, qui impressionne volontairement ses fils dans le but de lui faire peur, et de la charge royale qui lui incombe - il est dans une peur constante.

Le rapport royal et la société
Être roi est une charge, un travail, obligatoire pour celui qui en hérite (à la différence des présidents). Une étiquette entoure sa personnalité : titres, révérences… ce qui instaure une distance avec son peuple ; est-t-elle nécessaire ? Le roi doit représenter la nation, la souder, la diriger, rassembler les peuples. c’est un pouvoir hiérarchique. mais ce pouvoir sans parole est altéré. il est incompris et jugé. L’aspect le plus important dans sa royauté, c’est le rapport avec les droits et les devoirs, vis-à-vis de la parole.
Nous serions tous d'accord pour dire que la parole est un droit, un droit fondamental, inscrit dans les lois, avec la liberté d’expression par exemple. Georges VI le dit lui même, plusieurs fois : “j’ai le droit de parler, moi aussi j’ai une voix”, en criant qui plus est. Seulement, pour un roi, est-ce que la parole, au lieu d’être un droit, ne serait pas un devoir, une obligation ? Est-ce que ce film ne montre pas que la parole est un pilier fondamental d’un gouvernement?

Ici, le duc d’York a conscience de cette dimension d’obligation de la parole, et c’est pourquoi il travaille si dur, il revendique son droit, pour accomplir en réalité un devoir. Il est presque risible de penser aux pays où la parole est proscrite quand certains dans d’autres en ont l’obligation comme ici…

Le mensonge pour le pouvoir
Le film questionne le fondement du pouvoir royal en relevant le lien entre le droit divin et le soutien du peuple. Traditionnellement, la monarchie est associée au droit divin, une autorité conférée par Dieu, mais le duc d’York illustre une autre nécessité pour le pouvoir : celle de l'adhésion populaire. Pour maintenir cette légitimité, le roi doit parfois masquer ses faiblesses ou manipuler le peuple. Cette idée est appuyée par l'expression "Singez-les !" lorsque le roi parle du peuple à son fils. Cela pose la question philosophique : le pouvoir peut-il exister sans la confiance du peuple ?

Le prince Albert, malgré son handicap, doit prouver qu'il est capable de rassembler et de représenter son peuple. La capacité du langage à convaincre et persuader est elle aussi mise en valeur. L’exemple d’Hitler montre bien que la rhétorique peut être un outil puissant pour rallier les foules, mais elle peut aussi être détournée à des fins malveillantes. Dans le cas du prince Albert, la rhétorique devient un instrument pour surmonter son bégaiement et affirmer son rôle.

La portée des paroles, dans la vulgarité
Lorsque le duc D'York parle à l’orthophoniste, à un moment, il s’emporte et il lui dit des paroles qui l'atteignent. L’orthophoniste se vexe. Nous pouvons nous demander si le gros mot, la vulgarité, parce qu’il est interdit, est alors plaisant à dire. Est-ce qu’on peut tout dire ? Peut-on parler grossièrement ? Cette manière peut traduire une peur, une révolte, une passion. Il faut autant mesurer et maîtriser la puissance de la parole et le poids des mots, que savoir les utiliser.
Ici, le roi n’a pas l’habitude de parler de façon aussi fluide, et il s’est laissé emporter. On peut mettre cela en lien la philosophie de John Austin dans Quand dire c’est faire : dans la parole nous ne cherchons pas toujours à constater un état de fait, mais visons à accomplir quelque chose.

Lexique :
Bégaiement : Trouble de la parole d'origine nerveuse et psychologique, se manifestant par une mauvaise articulation des sons, la répétition saccadée d'une même syllabe et des hésitations dans la phonation.

Orthophoniste : ortho=droit phoné=son

Devoir : impératif de conscience, considéré dans sa généralité, qui impose à l'homme − sans l'y contraindre nécessairement − d'accomplir ce qui est prescrit en vertu d'une obligation de caractère religieux, moral ou légal.

Droit : Ensemble de règles qui sont considérées comme devant régir les relations humaines, qui sont fondées sur les idées de défense de l'individu et de justice, et qui font l'objet de lois et règlements. En ce sens, le mot s'emploie au singulier : le droit.
Par extension hors du domaine juridique : Influence, autorité morale (juste, vrai, exact).

Extraits et vidéos pertinents :

B-A https://m.youtube.com/watch?v=6bYSTuUA23g
Fin : https://m.youtube.com/watch?v=k5zfMrzCRmI

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