« Se glisser dans Médée - l’infanticide amoureuse - comme dans un rêve musical pour raconter l’exil : intérieur, géographique ». Jean-René Lemoine, accompagné du musicien Romain Kronenberg, incarne la figure de Médée. À travers son corps et sa voix, Médée la Barbare, la magicienne, fascine autant qu'elle scandalise et déploie ce qu'il y a en nous de plus trouble et de plus universellement intime : l'insatiable quête d'amour, la solitude face au monde, l'indicible du lien filial.
Texte et mise en scène Jean-René Lemoine
extraits
« Étendue jour et nuit dans la caravelle, prête pour le voyage,
intacte, glacée, archaïquement belle – mais au fond de mon
cœur je ne suis plus qu’un flot de sang – rewind, rewind,
please, Jason. J’ai repris le bâton, le sceptre, la mappemonde.
Le dernier exil sera le retour à la terre natale que je croyais
avoir pour toujours – oblitérée. Je reviens vers ceux que j’ai
assassinés, mon frère, mon père et ma maman, pour coucher
ma dépouille sur leurs corps disloqués et dans la pourriture
me réconcilier avec eux. Dès que j’aurai posé le pied sur le rivage, mes salomés noires encore à la main, à peine débarquée de
la caravelle au terme du sidérant voyage, le sel remplira mes
fissures, l’âge s’abattra d’un coup sur mon visage, détruisant
l’œuvre du chirurgien, et je serai fanée, pourrie, délivrée du
fardeau de plaire, et mes paupières fardées, à jamais cousues
par les larmes, se refermeront pieusement. »
« Jason, ne fais pas confiance à mon père! Jason, ne fais pas
confiance à monpère. Mon père tue tous les étrangers qui abordent son pays. Mon père tue tous les étrangers. Je sais ce qu’il
t’a dit au cours de ces trois nuits. Que tu devras affronter les
taureaux, puis le dragon, et si tu les terrasses, tu pourras équitablement emporter la toison d’or. Jason, les taureaux sont
invincibles! Et si tu les terrasses, mon père te tuera parce qu’il
tue tous les étrangers. Écoute. Écoute-moi. Je t’offre tout, le
sceptre, la mappemonde. Je te donnerai les onguents pour te
protéger des brûlures des taureaux, je te rends invincible, j’endormirai le dragon par mes charmes, je ferai ouvrir le temple
où l’on conserve la toison. Tout m’a été dicté pendant ces trois
de nuits de sommeil, on ne peut pas se dérober à ce qui s’écrit
dans les rêves. C’est ainsi. Ferme les yeux, Jason, fais-moi confiance, déshabille-toi que j’enduise ton corps de mes onguents,
laisse-moi faire, laisse-moi prendre ta main, la guider vers le
combat, je tiens le glaive, frappe, frappe,Jason, tranche,étrangle,
décapite, tue! Tu vois le sang qui coule de ma bouche ? N’aie
pas peur, plonge le couteau, assassine, je suis la main qui guide,
je suis ton ombre, mais jure-moi, Jason, jure-moi que dès que
tu te seras emparé de cette toison d’or qui te redonnera le pouvoir
et l’argent, tu me raviras loin d’ici et tu me prendras pour
épouse,car tu as fait de moi l’apatride, l’impie,car je n’ai d’autre
terre maintenant que ton corps, tu me le jures que tu m’aimeras
jusqu’à la mort! Jure-le. Jure-le!
In golden letters
Words, words, words
Dans toute promesse, il y a déjà sa trahison. »
Extraits de la musique du spectacle Médée poème enragé de Jean-René Lemoine (2014) – a reçu le soutien du Fonds SACD musique de scène :
Théâtre National de Bretagne
octobre 2020
AVEC
JEAN-RENÉ LEMOINE
ROMAIN KRONENBERG
Texte et mise en scène
JEAN-RENÉ LEMOINE
Création musicale et sonore
ROMAIN KRONENBERG
Collaboration artistique
DAMIEN MANIVEL
Dispositif scénique
CHRISTOPHE OUVRARD
Lumière
DOMINIQUE BRUGUIÈRE
Costumes
BOUCHRA JARRAR
Maquillage
MARIELLE LOUBET
Assistanat à la mise en scène
ZELDA SOUSSAN
Construction décor
ATELIERS DE LA MC93
Production : MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis ; Pio & Co – Sandrine Dumas.
Médée poème enragé de Jean-René Lemoine est publié aux Solitaires Intempestifs (2013).
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