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Hegel, "12 years a slave" & "La Phénoménologie de l’Esprit "

Publié le 29 Février 2016, 15:40pm

Catégories : #Philo (textes - corrigés)

Hegel, "12 years a slave" &  "La Phénoménologie de l’Esprit "

 Commentaire de texte de Hegel - proposition de traitement par Totti Bérénice, lycée Albert Ier, Monaco,  TES3, février 2016

 

Hegel, philosophe du IXXème siècle, a expliqué dans l’une de ses thèses que « toute conscience a besoin de celle d’autrui » qui valide par reconnaissance, la connaissance que l’on a de soi- même. Autrement dit, je n’ai conscience de moi comme sujet que par et face à un autre sujet. Mais de quelle façon ?
Ici, dans ce texte de la Phénoménologie de l’Esprit, Hegel démontre sa thèse en mettant en avant le thème du maître et de l’esclave. Le maître, au sens premier du terme, est l’être qui possède le pouvoir sur autrui, c’est-à-dire un être doté de conscience, autre que lui. Ici autrui représente l’esclave pour le maître et inversement. L’esclave est quant à lui sous domination de son maître si l’on s’attache à sa définition.

Le problème qui se pose alors est donc le suivant : lequel entre l’esclave et le maître peut être considéré comme un sujet autonome ? Le rapport de domination peut-il se renverser, afin de se retrouver dans l’accomplissement du monde humain, l’égalité ?
Dans une première partie, l’auteur parle des conditions générales qui différencient le maître de l’esclave. Dans une seconde partie, le philosophe montre que c’est le maître qui a une domination sur son esclave. Puis dans une troisième partie, Hegel prouve que cette situation s’inverse et que l’esclave n’est pas forcément celui que l’on croit.

 

 

Dès la première phrase du texte, Hegel annonce comme maître « la conscience qui est pour soi » l1. En effet, cela montre qu’être maître se décide et dépend de notre propre pensée de soi. Est maître celui qui le pense. Cela fait donc directement le lien avec le cogito de Descartes « je pense donc je suis » dans les Méditations Métaphysiques.  Si je pense que je suis maître, je le suis alors. Ce n’est plus « le concept de cette conscience » l 1, c’est-à-dire sa définition à proprement dit. Par exemple, chacun peut se sentir « maître »l 1 même s’il ne possède pas forcément un « pouvoir » ou de hautes fonctions, tout est une question de confiance en soi et d’état d’esprit. De plus, Hegel, explique qu’être « maître » l 1 se prouve aussi par « la médiation d’une autre conscience »l 3, c’est-à-dire par la reconnaissance d’autrui « pour soi seulement par l’intermédiaire d’un autre » l 9. Il parle également de « choséité en général » l 5, qui fait intervenir une « chose » et non un autre être comme autrui.

En effet, l’esclave noir d’une plantation, comme par exemple Solomon Northup dans 12 ans d’esclavage (12 years a slave) travaille la terre qui peut être considérée comme « choséité » l 5 puisque c’est une chose matérielle. Donc la terre travaillée pour le maître ainsi que l’esclave reconnaissent tout deux LE « maître » l 1 en tant que tel. Ce qui explique la phrase  : « le maître se rapporte à ces deux moments, à une chose comme telle, l’objet du désir, et à une conscience à laquelle la choséité est l’essentiel » l 6, ici c’est la terre. Solomon Northup travaille la terre pour être nourri et surtout rester en vie. Il a été embrigadé de force, c’était un grand musicien aux Etats-Unis qui s’est retrouvé à travailler la terre d’un maître blanc, sous peine d’être exécuté à coups de fouets.

Plus généralement , deux hommes entretiennent des relations tendues, il y a donc un conflit et l’un deux va accepter de prendre des risques et va devenir maître. Il n’y a pas de liberté que par l’acte même de libération. En effet, celui qui ne veut pas risquer sa vie risque fort la servitude. Il y a donc bien une domination d’un « maître » sur un « esclave ». Mais l’esclave n’est pas tout le temps ce lui que l’on croit et inversement. Ce qui lie ces deux êtres cependant, est la « chose » l 6, appellée aussi « objet de désir" l 6. Cette chose étant indispensable autant pour l’un que pour l’autre, elle est considérée comme « médiation » l 8.

N’est-ce pas finalement cette chose qui fait du maître l’être dominant sur l’esclave ? De plus, le maître à proprement dit, domine son esclave puisque c’est lui qui lui ordonne des ordres et non le contraire. C’est l’esclave qui possède une « chaine » l 11, dont il ne peut « s’abstraire dans le combat » l 12, c’est-à-dire dans le conflit qui les oppose. On voit là que l’esclave possède déjà un désavantage sur son dominant puisqu’il est déjà privé de ses pleins mouvements.

 

Puis, Hegel explique que l’esclave « se montrera dépendant » l 12, ce qui prouve sa soumission par rapport à son maître » : le maître est la puissance qui domine cet être » l 13. Le maître considère son esclave comme une « chose négative » l 15, ce qui montre que l’objet, la « choséité » que l’esclave accomplit pour son maître est considérée « chose » comme l’esclave. En effet, celui-ci n’a aucune valeur pour son maître, voire est moins important que la « chose » l 16 qu’il accomplit pour son maître (travail de la terre). Ce qui montre que l’esclave est dépendant du maître, même s’il est en permanence dévalorisé, pour vivre. Sans le maître, l’esclave peut par exemple se retrouver sans aucune nourriture. Il est donc dit que l’esclave « est tenté de nier » et de « supprimer » l 19 cette chose.

Mais il sait que sans elle, c’est-à-dire le fruit de son travail, il n’aurait pas la reconnaissance de son maître et serait livré à lui – même dans d’atroces conditions. A l’inverse, l’homme sans l’esclave n’est rien, puisqu’il a besoin de lui pour assouvir ses besoins ? N’est-ce pas alors plutôt le maître qui est dépendant de l’esclave ? En effet, le mot « inversement » l 20, montre un détournement de situation. L’esclave est l’être qui transformant la nature, accède à l’objet de son côté actif. Le maitre, qui pour sa part ne travaille pas mais fait réaliser, vit immédiatement dans la « jouissance »l 21 de l’objet. (il ne connait que son aspect passif).
Il apparait donc que l’esclave, travaillant à « transformer » l 19 le monde humain, se transforme lui-même et revendique son autonomie au monde naturel dans sa transformation humaine du monde. A l’inverse, le maître se rend étranger à son monde qu’il ne reconnait plus dans la reconnaissance qu’en fait l’esclave. En effet, celui-ci, en s’appuyant sur son travail, peut renverser ce rapport de domination pour se retrouver dans l’accomplissement du monde humain, l’égalité. C’est son esclave qui travaille, qui s’accomplit. Ainsi, le maître devient dépendant du travail de son esclave, il devient l’esclave de son esclave car c’est en travaillant qu’on atteint la liberté.

En effet, Hegel démontre bien qu’une fois maître, l’individu devient passif, inactif. « il abandonne le côté de l’indépendance de la chose à l’esclave qui l’élabore » l 24.Un problème se pose tout de même, celui de l’égalité car Hegel a prouvé que chacun à sa manière domine l’autre mais que tout deux sont « dépendants » l 23 à la « chose » l 23.Il y a donc bien une domination mais celle-ci semble ni être dûe à celle de l’esclave sur son maître ni à celle du maître sur son esclave. Si l’on « synthétise » l 4 bien cette thèse, c’est la chose ou choséité qui est dominatrice. En effet, elle domine autant l’esclave que le maître.
Une question se pose alors : pouvons nous être dominés par une chose non consciente, matérielle ? Avons-nous forcément besoin d’une conscience pour dominer ?

 

 

En conclusion, nous avons pu constater que chacun cherche à obtenir de l’autre l’assurance qu’il représente en quelque sorte en absolu de liberté, une personne singulière et autonome. Or c’est bien d’une autre conscience que je peux obtenir l’estime, l’admiration et par conséquent la reconnaissance de mon statut de sujet. Mais, comme ce processus est réciproque, cela tourne en « lutte à mort » des consciences, c’est-à-dire jusqu’au défi des lois, de la vie, de l’autorité. Chacun voulant prouver à l’autre qu’il est sujet autonome et libre de toute contrainte. Les notions de « maître » et « d’esclave » n’ont donc plus forcément de sens ou au contraire ont le même sens. Il s’agit du sens d’être dominé par une domination inattendue, celle de la chose, de l’objet du désir et de jouissance ; celle-ci représente finalement leur raison de vivre et Hegel a prouvé qu’autant le maître que l’esclave est dépendant de cette chose.
Si l’on va plus loin dans cette réflexion, est-ce que nous dépendons alors de toutes les choses matérielles qui nous entourent ? Qu’en est-il alors des réseaux sociaux qui sont pourtant des « choses » immatérielles et dont les hommes semblent fortement dépendre ?

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