Ou comment raconter les premières fois cinématographiques...
Rien de tel qu’une idée simple pour qu’on ait finalement sous les yeux un produit intéressant. Les projets qui tournent autour du "Thé des écrivains" mettent souvent en valeur la notion de convivialité, de chaleur humaine et d’art de vivre, et le lancement de cette nouvelle collection - où tout ceux qui appartiennent au monde du cinéma s’expriment sur les premières sensations induites chez eux par le 7e art - ne dépare pas à ce credo. (En utopiste indécrottable j’ai longtemps rêvé de déguster un thé à pointes blanches en regardant un classique dans le merveilleux antre parisien de La Pagode, comme quoi ... Evidemment, dès qu’on parle de la saveur, la subjectivité du goût n’est pas loin (c’est le risque, ce qui donne toute sa saveur à la saveur si j’ose dire).
Mais de gustu non disputandum proclament les puristes ! C’est pourquoi chacun jugera de manière différente l’intérêt et la portée de ces courts textes, précédés d’une photo d’enfance de l’auteur, et d’une brève présentation. Acteurs, producteurs, cinéastes, musiciens, monteurs, décorateurs, critiques : il faut de tout, homme ou femme, pour qu’existe la magie de la toile. Cette première " première fois " (le principe va être reconduit avec d’ autres intervenants) illustre ainsi à merveille la diversité, l’espoir, la violence, le bonheur qui sont la marque indélébile de ceux qui se confient ici. Fusion du plaisir d’écrire et du " désir de cinéma " révélés par ce tonique opus, chaque séquence s’offre au regard, singulière et atypique. Fragile et discutable. Parmi de nombreuses pépites et d’autres récits plus contrefaits - le prix à payer souvent quand on touche à la mémoire - je retiens la focalisation de Patrice Leconte sur l’Esquimau de l’entracte plutôt que sur le film en soi, l’honnêteté d’Ovidie évoquant les terribles conditions du tournage de son hardeuse Orgie en noir, la hargne salutaire de Yann Dedet (par ailleurs amoureux des seins hors cadre de la princesse barbare Borlaï) contre l’icône sortie/toilettes interdisant les vrais nuits de cinéma. Voilà un monteur qui parle comme personne de la vie de la pellicule, et qu’on lirait bien davantage !
Last but not the least, je m’en voudrais d’oublier dans ce palmarès dont j’assume l’arbitraire l’envol de Ilan Duran Cohen, qui pointe avec juste raison le douteux puisque consumériste primat des bonus sur les oeuvres elles-mêmes en cette époque devenue dvdvore (parce qu’il faut bien, semble-t-il s’exciter pour quelque chose). Et pour finir par une note à la fois gaie et parfumée, et nonobstant fort réaliste, je vous conseille un détour par ces latrines U.S ou David Lanzmann rencontre assez inopinément Dustin Hoffmann : ça le fait, y a pas à dire ! Allez, avec ou sans scones, vous reprendrez bien un peu de thé ?
Collectif, Une première fois - Tome 1, Le thé des écrivains, coll. "Des nouvelles du cinéma", 2003, 213 p. - 15,00 €. |
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