Est-il hérétique ? est-il catholique orthodoxe ?
Difficile de s’attaquer à un monstre sacré tel que Bosch, un des artistes les plus fasicnants de l’histoire de l’art occidental. Réputé pour ses scènes fantasmagoriques, où se rejoignent dans un étrange sabbat esthétique monstres bizarroïdes, représentations énigmatiques et méditations mystiques teintées d’ergot de seigle, Hieronymus van Aeken, dit Jérôme Bosch, ne cesse d’alimenter depuis son XVIe siècle flamand les controverses quant à ses convictions : est-il hérétique ? est-il catholique orthodoxe ? N’est-il pas plutôt un révolutionnaire drogué ou un représentant de la Confrérie de Notre-Dame, voire, pire encore, de la secte des “adamites” ?
Mais, aux côtés de Monique Verboomen, Roger Van Schoute, docteur en archéologie et histoire de l’art, professeur émérite de l’Université catholique de Louvain, professeur à l’Institut supérieur d’histoire de l’art et d’archéologie de Bruxelles, dispose d’atouts non négligeables pour relever ce beau défi herméneutique. C’est ainsi qu’une attention particulière est apportée au contexte religieux de l’époque, ce siècle de crise où les hommes paraissent douter de la théodicée comme du sens de leur libre arbitre face aux tentations qui sont légion.
Loin de l’orthodoxie de rigueur, les auteurs se plaisent alors dans un ouvrage agréable à parcourir, et qui tient bien en mains (enfin un beau livre qu’on n’est pas obligé de lire debout en manipulant les pages avec des gants blancs de peur de les casser !), à souligner les disciplines ésotériques telles l’astrologie, l’alchimie ou l’hermétisme symbolique où étincelle l’incomparable savoir-faire boschien en matière de méditation sur l’essence du mal. La thématique de Bosch est enracinée dans son temps, mais comme l’écrit Caterina Virdis Limentani : “Bosch situe ses créations fantasmagoriques dans un espace imaginaire - donc lyrique - irrationnel, mais qui domine la représentation elle-même.”(...) Bosch est bien un homme de la tradition et de la fidélité à l’Église, mais comme dans ses bulles de verre du Jardin des Délices, la tradition se fendille.
Et le lecteur de découvrir, magnifiques illustrations à l’appui, comment l’atypique didactisme de Bosch parvient à s’inspirer des paraboles bibliques elles-mêmes pour les transcender en les cryptant derechef à sa façon. Entre enfer et paradis. De ce point de vue, ce livre est pu-re-ment un indispensable !
frederic grolleau
Roger Van Schoute, Monique Verboomen, Jérôme Bosch, Renaissance du livre, 2001, 224 p. - 59,54 €. | ||
Commenter cet article