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Ridicule

Publié le 16 Juillet 2012, 19:41pm

Catégories : #DVD

la vraie morale est que l’avenir de l’homme dépendétroitement de la médiatisation de ses entreprises

 

L’histoire
1780. Face à la misère des paysans de ses terres de la Dombe, infestées de moustiques porteurs de paludisme et totalement insalubres, le baron Grégoire Ponceludon de Malavoy (Charles Berling), ingénieur de formation, tente de convaincre les ministres de Louis XVI d’assécher les marais de sa province enfiévrée.
Le jeune noble entend faire financer un complexe ouvrage hydraulique pour remédier aux inondations récurrentes et part naïvement à Versailles pour plaider sa cause auprès du roi. Mais rien n’est plus difficile, sur place, que d’atteindre le roi. Pour ce faire, il devra d’abord être (re)connu dans les salons de l’orgueilleuse Comtesse de Blayac, véritable antichambre du pouvoir, où seul le "bel esprit" (l’art de savoir se moquer des autres avec élégance et sens de la répartie) obtient gain de cause quand le moindre soupçon de "ridicule" brise les projets pour toujours.

 

Se moquer de la morale
Réalisé à partir d’un scénario de Rémi Waterhouse inspiré des écrits de la Comtesse de Boigne, Ridicule a été un succès unanime (nominé aux Oscars, le film a été salué par la critique internationale et a décroché deux césars - Meilleur film et meilleur réalisateur) : non que cette célébration soit due seulement à l’impeccable reconstitution de la France des années 1780 - même si les décors et costumes ont été récompensés par deux Césars - car c’est surtout le plaisir des comédiens à jouer avec les mots du scénariste qui l’emporte.

 

 

 

Leconte insiste en effet à l’envi, par le truchement d’une savoureuse galerie de portraits, sur la confrontation entre les "caractères" aux prises et met en exergue la fracture sociale de cette époque entre la noblesse versaillaise et le reste du peuple. En faisant des mots d’esprit le jeu d’apparences, de faux-semblants qui se donnent comme les clefs de la réussite et de la reconnaissance, Ridicule permet d’illustrer par le sucré-salé de la tragi-comédie la relativité de toute morale et la faiblesse de sentiments authentiques devant les permanentes luttes intestines de pouvoir qui améneront bientôt la Révolution française.

 

 

Ainsi, lorsque Grégoire Ponceludon prend goût aux joutes verbales de la cour, notamment dans son opposition à l’Abbé de Vilecourt (Bernard Giraudeau), c’est toute une conception, frivole, des courtisans qui est mise en avant comme explication causale du marasme (et du mécontentement) de la nation.

 

 

La France dans tous ses états
Et l’on aurait bien tort de ne voir là que fatuité rhétorique, billevesées et autres fadaises emperruquées, tant le propos du réalisateur est des plus modernes dans la mesure où il ne fait jamais qu’anticiper sur le décalage entre la France d’en haut et celle d’en bas qui, en 1780, n’est guère différent de ce qu’on connaît de nos jours. Le principal personnage n’est autre, semble-t-il, dissimulé sous le loup de la querelle entre religion et libertinage, que la classe politique, brocardée ici pour une gabegie et des foucades n’annonçant somme toute que la pantalonnade actuelle du fait politique dans les sociétés contemporaines.

 

 

Dans une cour où la fortune d’un homme et sa réputation peuvent se faire ou se défaire sur la force d’une simple remarque, la vraie morale est que l’avenir de l’homme dépend (toujours) étroitement de la médiatisation de ses entreprises : le plus grand des rois n’est-il pas celui qui en ce sens sait, avant l’heure, "gérer" son image de marque ?

 

 

Pour toutes ces raisons, en dépit de l’absence d’un commentaire audio du réalisateur (cerise sur le gâteau dont nous sommes nonobstant privés). Ridicule et le sel amer de l’esprit qu’il distille (puisqu’on y verra aussi bien un pamphlet qu’ une satire sociale), vaut désormais comme un classique du cinéma français et invite chacun, magnifiques bonus à l’appui dans une version DVD techniquement parfaite, à se plonger avec délectation dans la réalité historique de cette époque pré-révolutionnaire de la France.
Signalons, outre le savoureux supplément : "L’histoire de Ridicule" (52 mn) revenant sur la genèse du film (à travers les interviews du réalisateur Patrice Leconte et sa peur de faire un "film d’époque", des scénaristes Rémi Waterhouse, Michel Fessler et Eric Vicaut), l’image remastérisée qui propose un excellent piqué, assorti d’une colorisation qui fait mouche à chaque fois offrant une remarquable palette des personnages et des décors dans lesquels ils se fondent - ou dont ils se détachent parfois. Les teintes naturelles disposent dans cette édition, ce n’était pas le cas de la précédente chez Polygram, de couleurs parfaitement saturées. La compression frise cette fois la perfection accusant une très belle fluidité.
Le Dolby Digital 5.1 ou DTS 5.1. permet également, du point de vue du mixage du son, de valoriser comme il se doit la musique, souvent aussi importante - dans le contexte de l’époque - que les dialogues entre les protagonistes. Cela même si les canaux Surround ne sont pas toujours exploités autant qu’ils auraient pu l’être, en particulier dans les nombreuses scènes de "salons".

 

Bref, Universal touche au sans-faute sacré et produit là un in-dis-pen-sa-ble !

   
 

frederic grolleau

Ridicule - édition collector 2 DVD Réalisateur : Patrice Leconte Avec : Charles Berling, Fanny Ardant, Judith Godreche, Jean Rochefort, Bernard Giraudeau, Jacque Mathou • Date de parution : 12 avril 2005 • Éditeur : Universal Pictures Son : Français 5.1 5.1 Bandes Annonces : les deux bandes annonces du film Boitier Amaray Prix : 22,00 €.

Bonus (durée 75 min) : "L’histoire de Ridicule" : making of (52’) "Ridicule et l’histoire" : entretien avec un spécialiste du XVIIIe siècle et de la cour de Louis XVI (15’) "Les costumes" : interview de Christian Gasc (10’) Photos "Studio" : photos commentées par Patrice Leconte (5’)

 

 
     

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