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Pierre Bordage, Les chemins de Damas

Publié le 16 Juillet 2012, 19:50pm

Catégories : #ROMANS

Le pitoyable spectacle en technicolor d’un futur aussi désenchanté qu’illusoire

 

Allah Bordage !

 

Il y avait eu L’Évangile du serpent puis L’Ange de l’abîme, et c’est en toute logique que Pierre Bordage met un terme, avec ces apocalyptiques Chemins de Damas, à ce qu’il convient de nommer désormais « La trilogie des prophéties ». Nul besoin toutefois, pour celui qui découvre aujourd’hui cet auteur et cet épais roman d’anticipation, de lire les deux premiers opus pour se pénétrer du dernier : chaque élément de la saga est conçu de façon autonome, on peut donc l’aborder dans un relatif désordre - même si un le rythme qui va crescendo et la noirceur de la plume de Bordage semblent de facto épouser la succession chronologique.

Et il fallait bien ce déploiement (dans le temps comme dans l’espace) pour exposer la vision de l’univers qui traverse les trois livre. Les deux premiers tomes ont ainsi campé le conflit destructeur et fratricide (50 millions de victimes) ayant opposé l’Orient et l’Occident, avec pour conséquence la dévastation pure et simple des valeurs européennes : à l’instar de la ville de Paris qui n’est que l’ombre de sa splendeur d’antan, la plupart des cités jadis resplendissantes sont devenues de gigantesques mouroirs industriels voués à la pauvreté, au chômage, aux épidémies et à tous les genres de violence. Partout règnent l’inégalité et les abus de pouvoir.
C’est sur ces ruines civilisationnelles-là que Jemma, ayant connu naguère un train de vie relativement favorisé, voit sa fille, Manon, disparaître, a priori enlevée comme tant d’autres enfants par un groupuscule au service des nouveaux prophètes de l’ordre moral, les fanatiques du Christ-Roi, cela afin de composer, dit-on, une mythique Armée des enfants sévissant en Orient du côté de Damas, sous la houlette totalitaire des fameux "Ousamas" pointés dans L’ange de l’abîme.

Sortie de sa dépression par Luc, journaliste investigateur atypique, Jemma va alors se lancer avec lui sur les traces de sa fille dans une dangereuse et mouvementée traversée de l’Europe ravagée. Le lecteur, tout en suivant ces deux protagonistes, pénètre également dans la psychè d’autres hommes et femmes en perdition, ce grâce à une galerie de portraits mise en scène haut la main par un Bordage plus inventif et pessimiste que jamais.
Entre fanatisme religieux et décadence politico-économique, Bordage imagine un "chemin de Damas" initiatique qui réserve bien des surprises pour les deux héros et offre le pitoyable spectacle en technicolor d’un futur aussi désenchanté qu’illusoire, où s’étripent encore Chrétiens et Musulmans, sous le bienveillant contrôle du pouvoir omnipotent des évangélistes propageant sur le vieux continent, depuis les Etats-Unis, la bonne parole. La « fin de l’histoire » de ce monde-ci, qui n’en finit pas de finir, il faut attendre les ultimes pages pour la connaître. Sans doute la trame et le sytle se relâchent-ils alors, l’auteur n’allant pas au bout de sa thématique récurrente, cette armée fantomatique de gosses livrés à eux-mêmes, mais BB (la Bombe Bordage) a déjà propagé son onde de choc jusqu’à nous : attention aux dégâts collatéraux !

   
 

frederic grolleau 

 

Pierre Bordage, Les chemins de Damas, Au Diable Vauvert, 2005, 496 p. - 23,00 €

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