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Philip Le Roy, Le Dernier Testament"

Publié le 16 Juillet 2012, 19:03pm

Catégories : #ROMANS

Philip Le Roy, Le Dernier Testament"

La révélation du secret ésotérique des caves du Vatican, ça vous tente ?

Le jour où j’ai été bluffé par un blockbuster éditorial

Cela fait belle lurette que les romanciers de tout poil s’aventurent sur les terres de la théologie, du mysticisme et de l’espionnite suraiguë afin de proposer aux lecteurs un cocktail d’action et de réaction, de géopolitique et de métaphysique plus ou moins frelatée.
Cela peut aboutir soit à un mauvais jus de fruit façon Da Vinci Code, réservés aux happy hours de France Loisirs, soit à un élixir tel ce Dernier Testament, thriller qui décoiffe commis par un auteur pas encore trop connu chez une maison d’édition qui l’est beaucoup.

Tout commence en Alaska, à Fairbanks, avec le massacre d’une équipe de scientifiques oeuvrant à la réanimation de corps morts dans un labo-bunker : même les trois rats des scientifiques sont méthodiquement abattus, et l’on compte parmi les victimes, outre un homme déjà décédé mais re-tué (c’est le coeur de l’intrigue !), l’agent du FBI Clyde Bowman, ami du profiler free lance Nathan Love, le héros, agent très spécial du FBI à ses heures, en retraite ascétique depuis le meurtre sauvage de sa femme Melany par un serial killer Sly Berg.
S’ensuit une impitoyable traque planétaire du groupuscule criminel ayant perpétré ce forfait (à laquelle vont s’ajouter pléthore d’assassinats divers et variés), de l’Alaska aux Philippines, de Nice à Rome, en passant notamment par le cercle arctique.

Secondé par l’agent esquimaude Kate Nootak, Love (de mère japonaise et de père navajo) applique tout au fil de son enquête dévastatrice la "Voie du milieu", soit les préceptes du za-zen et du code samouraï (la "Voie de la Tactique" propre à ces guerriers), du bushido et des combats fulgurants, qui lui permettent une emprise sur un monde "normal" et illusoire qui lui échappe en grande partie.
Nathan affiche autant de faiblesse que de vaillance , ce qui le rend attachant... et troublant lorsque le profiler met en avant sa capacité empahtique à s’identifier totalement à un psychopathe, jusqu’à perdre sa volonté propre. Car comme le précise le Shodoka : Il ne faut ni courir après la Vérité ni s’en échapper.

On songe plus d’une fois, face au déploiement de la force de Love, à Hugo Cornélius Toorop, le protagoniste de Babylon Babies. Mais s’il s’agit de fournir des références, c’est surtout du côté du cinéma que Le Roy puise visiblement son imaginaire et ses scènes d’action, menées de manière tonitruante, avec une grande efficacité, à la Fargo ou à la Dragon Rouge : la dernière fois que je suis ainsi resté scotché sur mon fauteuil en ouvrant un roman volumineux, c’était en découvrant Jean-Christophe Grangé avec Les rivières pourpres.
Tout comme lui, Le Roy accumule une documentation serrée et minutieuse, distillant toutes ses informations dans un thriller qui mêle FBI et Vatican, sociétés secrètes et sectes apocalyptiques, bourreaux d’enfants et mafia russe afin de faire la lumière sur l’énigmatique "projet Lazare" mobilisant les dérives de chacun, l’insondable question étant de savoir ce qu’il y a après la mort.

Le Dernier Testament explore avec brio ce qu’il en est d’un monde où la spiritualité fout le camp sans qu’aucun point de compression ne soit possible pour ralentir l’entropie. Tout cela, sur fond de musique rock, fatigue son homme toutefois et il est vrai que, parvenu à la moitié du roman, on est surpris d’être relancé dans de nouvelles directions.
Si Love agace parfois avec sa méditation et ses citations d’haïkus, son mixte de bouddhisme et d’arts martiaux à la ninja, si les fixations de Le Roy déconcertent (l’hymne à la sodomie et une nette tendance à privilégier le mot "ensuqué" plus souvent qu’à son tour), si certaines péripéties dépassent le seuil de la vraisemblance (en particulier, le "réveil" de l’incassable Nathan après qu’il s’est fait défoncer le crâne au pied-de-biche sur la plage de Nice), si donc l’on frise au prétexte de melting pot romanesque le pot-pourri sémiologique, il n’en reste pas moins - c’est la marque des grands thrillers : on n’est pas dans l’arnaque du Da Vinci Code, je le répète - qu’on est happé par ce roman vertigineux, dont le suspense ne faiblit jamais, et qu’on refuse de le lâcher tant qu’on n’est pas allé au bout de ce qu’il annonce.
Soit la révélation du secret ésotérique des caves du Vatican.

Entre humour, sexe et ultraviolence, Le Dernier Testament ou le jour où j’ai été bluffé par un blockbuster éditorial.

 

frederic grolleau

Philip Le Roy, Le Dernier Testament , Au Diable Vauvert, 2005, 692 p. - 23,00 €

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