Subtil mélange d’humour, d’enquête policière et de réflexion historique, McAuley nous offre un voyage à ne pas manquer
A l’occasion de la visite du Pape et du peintre Raphaël, dignes représentants d’une Rome rivale et jalouse en ce début de XVIe siècle, des meurtres incompréhensibles et mystérieux viennent perturber les réjouissances organisées par la ville de Florence et orchestrées par Vinci, le Grand Ingénieur. Le jeune peintre apprenti Pasquale va rapidement se trouver embarqué malgré lui dans cette ambiance trouble et fascinante des complots de palais, du pouvoir et même de la magie noire aux côtés d’un chroniqueur politique transformé pour l’occasion en enquêteur rusé, et répondant au nom de ...Machiavel !
Toute l’audace de ce roman de Paul J. McAuley prend sa source dans ce pari incroyable : à quoi ressemblerait cette Renaissance italienne si Léonard de Vinci, ingénieur visionnaire et artiste génial, s’était entièrement détourné de l’art pour ne se consacrer qu’à l’invention et la réalisation de ces machines entrevues dans ses carnets ? De cette simple option, McAuley nous présente un autre monde possible où Florence devient un personnage à part entière et où l’esthétique de la Renaissance prend les couleurs sombres de la révolution industrielle. L’idée est originale, séduisante, parfois impertinente dans ses choix, comme ce Machiavel déchu, alcoolique et cynique, devenu un simple chroniqueur à La Gazette de Florence , et dont " la soif n’admet aucune générosité ".
On plonge avec un vif plaisir dans cet ensemble coloré et dynamique dont les rebondissements continus nous entraînent dans les bas-fonds de Florence au coeur des palais fortifiés où " La guerre n’est que la concurrence commerciale poussée à l’extrème ". Mais le meurtre de l’assistant de Raphaël, puis de Raphaël lui-même, vont très rapidement menacer les relations entre les deux villes rivales, sur fond de conflit savonaroliste et de guerre avec l’Espagne. Quel rôle joue alors l’intriguant Salai, le giton de Vinci ? Et que vient faire l’étrange Gustiniani, aux pratiques on ne peut plus obscures ? L’enjeu est-il commercial, politique ou les inventions de Vinci sont-elles au coeur de ces complots, comme peut le laisser supposer l’affirmation de Salai : " Nous allons tous vous éclipser en capturant la vraie lumière du monde " ?
L’intrigue se déploie dans un décor riche de pigments, d’artifices et de machines incroyables, le tout teinté d’une réflexion captivante sur le rapport de l’art et de la technique, sur le Progrès. L’auteur s’amuse visiblement avec cette histoire et ces personnages célèbres qu’il malmène. Cette liberté impertinente donne à ce roman une atmosphère unique et fascinante, entre histoire, fiction et grandes réflexions contemporaines. Par ce subtil mélange d’humour, d’enquête policière et de réflexion historique, McAuley nous propose un voyage à ne surtout pas manquer.
frederic grolleau Paul J. McAuley, Les conjurés de Florence, Gallimard "Folio-SF", 2004, 495 p. - 7,30 €. Première édition : Denoël, 1998, 367 p.
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