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Pascale Gautier, Trois grains de beauté

Publié le 16 Juillet 2012, 19:40pm

Catégories : #ROMANS

L’amour, las, a bien parfois des frontières infrangibles...

 

Récemment primé par la SGDL, Trois grains de beauté fait partie de ces livres inracontables faute d’en réduire l’esprit. Non pas qu’il n’y ait pas d’histoire objective, mais c’est un fait que ce qui importe dans ce roman tient surtout au style même de l’auteure. Comme il est toujours hasardeux cependant de construire sur le vide, voici donc les linéaments du récit qui emporte sans coup férir le lecteur au pays des songes et de l’imaginaire.

 

Léon et Hippolyte sont les deux frères survivants de la famille Duc, laquelle a la fâcheuse habitude de voir, depuis des lustres, ses descendants mâles mourir en bas âge. Léon et Hippolyte échappent donc à ce destin (dix de leurs fréres ayant déjà péri !) pour grandir aux confins du pic de Bure dans le village du Biasson où une poignée de familles, les Duc, les Luc, les Cuq et les Ruc, s’observent et se cherchent querelle - sur le modèle des fameux O’Hara et O’Timmin dans "Les Rivaux de Painful Gulch" chez Lucky Luke - depuis la nuit des temps.
Mais vient l’heure de l’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne en 1914, qui coïncide avec la mort du père, Isidore, qui leur lègue pour toute fortune son amour immodéré des chevaux un brin bizarroïdes et son rêve d’un manoir ayant appartenu au père du père de leur père à tous.
Tous deux, pourtant frères ennemis, traverseront les enfers de la guerre des tranchées, l’un perdant un bras et s’en retournant dans le giron maternel, l’autre émigrant aux États-Unis pour devenir cow-boy et tomber amoureux d’une riche héritière. Puis sonnera le glas de leurs retrouvailles.

 

Trois grains de beauté vaut, on l’a dit, par le talent hors pair de conteuse de Pascale Gautier, qui s’amuse ici à mettre en scène, au travers du conte de la tradition orale et de la répétition proverbiale, les bonheurs et les malheurs - donc les travers - d’une famile pauvre mais orgueilleuse évoluant au début du siècle, "dans un pays magique et oublié"... et que ce roman semble comme inscrire au fer rouge de la postérité littéraire dans nos consciences si volontiers oublieuses des autres, des ancêtres et des pionniers.
Élus par le père ou la mère les frères ennemis ne connaîtront la paix que dans le rêve (est-ce la morale de l’histoire ?) et l’auteure n’a pas son pareil pour nous y transporter, dans ces rêves comme dans cette contrée de nulle part où de douces observations anachroniques, mêlées au fond humoristique de la chronique officielle, viennent nous rappeler - dans un univers post-romantique où l’amour est semblable, pour le meilleur et pour le pire, à "de la lave de volcan à la crème de marrons" - que l’amour, las, a bien parfois des frontières infrangibles.

   
 

frederic grolleau

 

 Pascale Gautier, Trois grains de beauté, Joëlle Losfeld, 2004, 146 p. - 12,50 €.

 
     

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