Costner filme la fin d’une époque où l’homme est valorisé par le peu qu’il possède
L’histoire
Dernier reflet des valeurs de solitude et de solidarité du mythique Grand Ouest sur le déclin, quatre hommes, Boss Spearman, Charley Waite, Mose Harrison et Button, convoient du bétail jusqu’à la cité d’Harmonville où le tyran local, Denton Baxter, s’en prend à eux, battant et emprisonnant sns raison un des membres du groupe afin de confirmer l’étendue de son emprise sur tous les habitants. En rupture avec la vie sédentaire et un passé inconfortable, les quatre cowboys vont devoir défendre par la violence leur liberté contre le puissant éleveur qu’est Baxter et le shérif corrompu, tous deux opposés à leur mode de vie. Or, malgré la sauvegrie de ces temps, "un homme ne peut dire à un autre où il doit et ne doit pas aller dans ce pays" : telle sera la cause du combat, impitoyable, qui va suivre.
Des barbelés sur la prairie
Si le scenario - tiré du roman de Lauran Paine, The Open range Men - ne paraît pas des plus extraordinaires au premier abord, Open Range (« A ciel ouvert », titre qui l’éloigne a priori du crépusculaire Impitoyable entre chien et loup de Eastwood) séduit incontestablement par le rythme que lui insuffle Kevin Costner, un rythme paradoxalement tout en lenteurs jusqu’aux trois quarts du film, empli d’échanges et de dialogues, avant de laisser place dans un final ultraviolent au seul Verbe qui vaille encore en ces temps modernes sur le point de naître : le déluge de feu des revolvers. Qu’on est loin alors de douceur esthétique de Danse avec les loups : ici, le combat, tout en plans larges, des deux clans qui clôt le film, mettant en ruines une partie de la cité (la ville s’affirmait de fait le vrai danger, pire que la bestialité, pour nos itinérants, forcés de lui faire un sort) délivre une véritable héctatombe. (Une montée du conflit qui alterne également, tourmente des tourmentes, avec la rencontre entre Charley et Sue Barlow, femme superbe et cordiale qui amène le cow-boy à revoir tous ses principes et à cicatriser les blessures du passé - sans doute le point par où pèche le film, par manque de crédibilité).
Malgré l’amas des corps et les sifflements des balles tous azimuts, l’issue du combat est pourtant, loin d’être certaine, car le « bavardage » qui précéde et nous révèle l’intimité de chaque personnage ne permet pas de se faire une juste idée de qui vaincra et qui sera vaincu. La justice en effet - c’est bien d’elle dont il est question tout au long de ce sombre western - ne saurait être que purement linguistique, pas plus qu’elle ne se résume au droit ultime du plus fort. Mixte de ces deux notions, elle se manifeste quand le verbe s’arme pour faire valoir ses prérogatives. Ce qui ne rendra pas pour autant meilleure la vie des ces hommes qui mettent honneur et loyauté avant les interêts economiques et le spectre du pouvoir... symbolisés face aux nomades par le processus de privatisation, de parcellisation de l’espace ouvert signalant la disparition de l’ open range... même si les véritables clôtures renvoient surtout à l’état d’esprit des grands propriétaires terriens.
A l’ouest d’éden
Le spectateur déguste là un temps qui n’en finit pas de finir, le temps d’une derniere salve. L’honnêteté qui disparaît en ces contrées refait surface une dernière fois grâce à une poignée d’hommes bourrus refusant de s’en laisser compter, mais l’heure du bilan - dont Baxter n’est que le funeste signe annonciateur - est proche. Bientôt, les précieuses paroles ne seront plus d’aucun recours, ni le silence ni les confessions qui en sont l’écrin. Seuls prévaudront le conformisme et l’étiquette sociale. Fin d’ une époque où l’homme est valorisé par le peu qu’il possède (un cheval, un colt, un chien, des amis fidèles pour l’essentiel). C’est cette société-là, d’où elle vient, sur quels vestiges oubliés elle se fonde, dont témoignent les trois films westerns par lesquels Costner délivre, nons sans cohérence, sur quatorze années de distance, sa vision de l’Amérique et de ses mythes, enchassée dans une magnifique nature rehaussée par une photographie impeccable dans chaque film.
Ni héroïques ni manichéens, les hommes de cet Ouest sauvage filmés par Costner ne sont que ce qu’ils sont : des individualistes en mal de civilisation qui devront tôt ou tard oublier Dame nature pour composer avec les conventions. Ainsi étaient les ma(r)ges d‘autrefois.
Du côté des bonus
A film grandiose revisitant la mythologie de l’Ouest il fallait un son et une image irréprochables, et de ce point de vue Open Range, malgré un packaging assez décevant, est un collector de haute volée. Très riches les trois pistes 5.1 (dont une en DTS) proposent une bande-son des plus efficaces, notamment lors des scènes d’affrontements où les canaux arrières sollicitent l’écoute de manière saisissante.
A cela s’ajoute une liste impressionnante de bonus qui viennent renforcer la cohérence du film. Tout d’abord grâce au disque 1 offrant de très détaillés commentaires de Costner, ne faisant qu’un avec son œuvre et rappelant mille et une anecdotes. Ensuite grâce au très solide et exhaustif making of du disque 2 (Beyond Open Range, vo, 65 mn 50, 8 chapitres) qui rend parfaitement compte de la complexité de la réalisation du film. On notera au passage que le Storyboarding Open Range (vo, 6 mn 37) qui mêle extraits du storyboard et images du film, renseigne sur la conception de chaque plan, apportant une dimension technique ou concrète assez stimulante.
Bref, une édition impeccable.
frederic grolleau
Open Range collector | ||
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