Quand la pornographie quitte l’espace kitsch du fantasme atopique...
Si l’on en croit les quelques commentaires plus qu’enthousiastes de la quatrième de couverture et du dossier de presse, on tiendrait là entre les mains un ouvrage choc, à ne laisser passer sous aucun prétexte. On n’en dira pas autant, ce qui n’enlève rien au talent de l’auteur.
Car s’il est vrai que ces frasques d’un adolescent de Shaughnessy, près de Vancouver, amené à découvrir les arcanes de l’art pornographique, sont plaisantes à lire, il s’agit de ne pas se tromper de cible. Que "les codes traditionnels de la narration" soient ici joyeusement pris à partie - le récit en flash back alterne synopsis hot et interrogatoire policier - , c’est une chose ; qu’on estime qu’ils en soient "bouleversés" c’en est une autre !
De même, si l’on veut bien accorder que l’univers induit soit "remarquable" - on remarque de fait ce livre, la chose est entendue -, on n’ira pas jusqu’à dire qu’il est "inédit en littérature" ; car enfin les procédés narratifs sont légion où les informations (fussent-elles à caractère pornographique) concernant les protagonistes nous sont données par la bande. Que de blanc tournant dans les dialogues d’ailleurs, comme si l’éditeur tenait à tout prix à épaissir la sauce de peur qu’elle ne prenne pas...
Bref, si l’on veut explorer les états d’âme et les émois d’un collégien découvrant le sexe et les vertus de la caméra super-huit dans une bourgade calme pendant les seventies, ce livre est idéal, d’autant plus que l’habitus social du héros (joints + Lou Reed + sexualité free) est rendu avec beaucoup d’humour et de justesse tout en illustrant à merveille ce précepte : "Quand la pornographie [...] quitte l’espace kitsch [...] du fantasme atopique, pour entrer dans le monde réel, [... ] [elle] se met à commenter les vraies relations dans le monde. "
En revanche, si on n’éprouve guère d’attrait d’emblée pour une historiette où pullulent les Bobby, les Nettie, les Cindy et les Cheryl, où les tapettes et les lesbiennes passent leur temps à jouer au Big Brother rose, mieux vaut passer son chemin. Voilà, c’est dit.
frederic grolleau Michaël Turner, Le Poème pornographe (traduit par Christophe Claro), Gallimard, Folio, 2005, 499 p. - 8,50 €. Première édition : Au Diable Vauvert, 2003, 500 p. - 23,00 €.
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