Amours modernes & enquête chez les peintres de la Renaissance florentine.
Sous le couvercle des passions
Ce n’est ni la doucereuse première de couverture, un détail du Portrait de jeune homme au chapeau de Bronzino, ni le court texte de la quatrième qui m’ont donné envie de lire cet aérien roman, mêlé à la pile de ceux que j’avais reçus au cours du dernier juillet caniculaire. Les mains diaphanes et allongées détourées par Bronzino - un roman à elles toutes seules ! - non plus que le titre assez engageant du texte de Metin Arditi ne furent donc les raisons de la sélection dudit ouvrage à la veille de mes vacances.
L’argus de presse, en fait, se révéla décisif (c’est loin d’être souvent le cas...), qui insistait notamment sur un mystérieux "couvercle" ici traqué par un professeur d’histoire de l’art à la retraite devenu expert pour les salles de ventes, Guido Gianotti, suite à la demande d’estimation de la part d’une cliente, Anne-Catherine Hughes, femme bourgeoise d’une quarantaine d’années vivant loin des frasques de son mari et résolue à vendre un tableau ancien que ce dernier lui a laissé (en mauvais souvenir).
Quoi ?, vous récrierez-vous, tout ce foin pour un couvercle ? Et quel rapport, d’abord, entre un vil couvercle à fonction pragmatique et une œuvre d’art de la Renaissance italienne ? Justement, tout est dans le couvercle, qui participe surtout d’une dimension esthétique en ce sens qu’il désigne une peinture sur bois apprêtée, destinée à "protéger, cacher ou révéler un tableau précieux" (dixit l’argus de presse).
Il n’en faut pas moins pour stimuler de suite l’imagination et Metin Arditi ne s’en prive pas, lui qui va jouer des ressorts de ce paravent chatoyant - une fine main d’homme en train d’écrire une énigmatique fomule empruntée à Machiavel - pour mettre en abyme à la fois la relation amoureuse nouée entre les deux protagonistes et la fuite en avant du sieur Gianotti, laquelle débouchera in fine sur le véritable "imprévisible" à l’œuvre. En filigrane.
Par-delà l’opposition de classe sociale entre l’immigré italien de la deuxième génération et la mondaine, par-delà les émois d’un septuagénaire inquiet de sa sexualité défaite, c’est l’amour naissant de deux êtres fragilisés par leur passé que s’emploie à dépeindre, tout en légèreté et en art de la nuance, le romancier dans une histoire qui sait également faire la part belle à une enquête menée dans l’univers des grands peintres de la Renaissance florentine.
Jusqu’à aboutir, via l’étude de l’intriguant tableau en question et de sa genèse, tant au mystère de Bronzino qu’au secret, vital, de Guido. Tous deux reliés par la même question, picturale aussi bien que littéraire : comment donner le change ?
Jamais Metin Arditi ne s’appesantit dans ses évocations de l’art et de la romance. D’une plume élégante et discrète, il invite son lecteur à transcender les apparences et à ne pas se contenter de la triste réalité. Je lui en suis reconnaissant et ne puis, sur ces entrefaites, m’empêcher de dé-livrer cet aimable constat : après tout, comment un tel roman dédié aux arcanes de la séduction pourrait-il être autre que séduisant ? Autrement dit, pour renvoyer à l’étymologie du mot, autre qu’une invitation à sortir des chemins (se-ducere) par trop balisés - prévisibles - de la passion ?
frederic grolleau
Metin Arditi, L’imprévisible, Actes Sud coll. "Un endroit où aller", août 2006, 209 p. - 18,00 €. | ||
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