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Maurice G. Dantec, Périphériques, essais et nouvelles

Publié le 15 Juillet 2012, 13:00pm

Catégories : #ESSAIS

Périphériques nous parle d’un temps où Dantec cherchait encore à plaire à ses lecteurs au lieu de les dérouter à tout prix

 

Je l’ai déjà écrit ailleurs, cette compilation made in dantecland de quatre nouvelles, sept articles, un discours, une conférence et une longue interview apporte un éclairage conséquent sur des zones d’ombres liées au grand oeuvre de Maurice G. Dantec. Si le lectorat peut se repaître jusqu’à plus soif du discuté Villa Vortex paru ces derniers temps chez Gallimard dans La Noire, pavé disjoncté (encore qu’il conviendrait plutôt d’écrire : sur la dis-jonction) qui fait couler beaucoup d’encre, le mieux est de se plonger dans ce cocktail pour le moins disparate et explosif des prises de positions de notre auteur.

 

Pour la simple et bonne raison qu’avant de lancer son quatrième opus enflammé (et de l’avis de certains fort indigeste à force de mélange détonnant), destiné à prendre à rebrousse-poil ses propes fidèles et à tester les limites de leur tolérance, le Dantec qu’on découvre ici, fait de briques et de broc, s’affirme comme un nouvelliste épatant (ll faut lire à tout prix "Là où tombent les anges", texte paru à l’origine dans Le Monde en septembre 1995), qui rôde encore sa machine de guerre et n’a pas entamé la courbe suicidaire qui semble désormais être son objectif : Périphériques nous parle d’un temps où le romancier cherchait encore à plaire à ses lecteurs au lieu de les dérouter à tout prix... De nombreux articles qu’on découvre ici rétrospectivement dessinent assez clairement le cheval de bataille que Dantec n’a cessé d’enfourcher ensuite : redonner son lustre à la SF décriée ici-bas, lui rendre son honneur perdu dans la littérature de l’Imaginaire (le bougre y réussit assez bien), lancer le mot d’ordre du renouveau d’une écriture " mutante " au sein du roman noir à même de fracasser les ultimes tabous de l’intelligentsia culturelle française.

 

Dans le reste Dantec se pose en " saboteur métaphysique ", en " poète philosophe " et en agent " toxique " de la société nécrosée, il a bien raison. On retrouve donc là en jachère les principaux éléments qui depuis ont alimenté les deux tomes du fameux Journal polémique de l’auteur, mais c’est surtout dans le long et fascinant entretien avec Richard Comballot (" Ecrire nous rend de plus en plus cinglés ") que le personnage Dantec se révèle , avec son enthousiasme et sa morgue. Sa hargne et sa gourme. Et là, il faut reconnaître que Dantec balance tout ce qu’il peut, sans rien cacher de sa profonde insatisfaction quant au fonctionnement de notre société. Ca a un petit côté " tous pourris " pas si déplaisant, pas si faux que ça. Ce qui semblera plus pernicieux à beaucoup, ce sont - déjà - les tournures ampoulées à la limite (souvent) de l’hermétisme ésotérique par lesquelles Dantec noie le poi(s)son de sa révolte, en concoctant un sabir neuro-philosophico-policier qui ne laisse pas d’étonner. Voire de charmer car nul ne peut contester que sa grande force, malgré qu’on en ait, est d’avoir inventer un genre là où rien d’identifiable n’existait.

 

Ces courts essais et ces toniques nouvelles valent donc la peine d’être engrangés car ils sont le signe, le sédiment, du mode de penser dantequien, moins éclaté et plus fractal qu’il n’y paraît. La trace tangible de l’élaboration d’un système, au sens premier de ce qui " tient ensemble ", qui ne se découvrira tel qu’après coup. Aussi bien le titre générique de l’ouvrage est-il mal choisi (à l’instar de l’introduction de Joël Houssin assez imbitable pour amener au propos, disons-le) puisqu’à rebours de périphériques centripètes c’est au centre en surfusion, au cœur du réacteur littéraro-conceptuel qu’on a affaire ici. Car chaque maillon est déjà promesse de chaîne, pardon de dé-chaînement (du) futur.

   
 

Maurice G. Dantec, Périphériques, essais et nouvelles, Flammarion, 2003, 283 p. - 19,00 €.

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