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Marc Leyner, Mégalomachine

Publié le 16 Juillet 2012, 21:38pm

Catégories : #ROMANS

Le good trip de la littérature stéroïdée entre Fight Club et American Psycho

 

Si l’objectif avoué de l’auteur Mark Leyner est bel et bien de dynamiter le culte médiatique au travers d’une critique au vitriol des fausses icônes sécréteés par les mass media et les masses populaires en attente de nouveaux messies hype, Mégalomachine s’impose sans peine comme le livre du moment qu’il faut avoir lu avant la pénultième absorption d’un anabolisant fatal, trop fatal.
Cette fausse autobiographie d’un écrivain à succés, aux œuvres autant cultes qu’improbables, et qui met en avant jusqu’à l’écœurement la culture de toutes les drogues, le bodybuilding ascétique et les transformations corporelles déborde de formules chocs et de délires personnels élevés au rang de génie.

 

On est dans un futur proche, Mark Leyner se met en scène sous son propre nom comme une sorte de Dieu vivant. Lequel, au sommet de sa gloire immarcescible, vit retranché dans un QG ultraprotégé, là où il est à même, à longueur de journées postcomateuses et métatraumatisantes, de cultiver son ego électrique. N’est-il point autoproclamé meilleur écrivain de sa génération, harcelé par des millions de fans ? La folie guette tout autour tandis que l’aliénation règne en maîtresse insatiable à l’intérieur du héros, dans sa tête et dans son corps comme dans sa maison, désireux qu’il est qu’il n’y ait plus, enfin, de concurrence pour amoindrir son pouvoir et que la littérature de ce monde s’arrête aprés lui.

 

Régime à base d’œufs de tortues, fiole scellée qui contient l’haleine de Lincoln et qui promet, au bonhomme assez fou pour la renifler le trip du siècle, les trouvailles s’enchaînent sous la plume d’un Leyner déjanté qui, à coups de saynètes sans queue ni tête, cruelles et drôles à la fois, bouscule tous les tabous et produit un opus sous acide hénaurme à côté duquel Las Vegas Parano ressemble à une promenade de bonnes sœurs à Lourdes.

Nonobstant, si l’on veut souligner la complaisance narcissique et voyeuriste du romancier se projetant lui-même, moins comme un double borgésien que comme un avatar fameux/fumeux qui vaut au titre d’incontrôlable boursouflure du moi, les limites voyeuristes de l’exercice et de sa surenchère criarde permanente (voir la couverture du livre en Poche) sautent vite aux yeux et agacent à l’envi.
Trop c’est trop ! clameront ceux que lasse ce fanatisme aussi répétitif que surréaliste qui entend profiter à sa façon du tout marketing qu’il brocarde en hypocrite plutôt très tenté que patenté.

 

Reste que, entre Fight Club et American Psycho, cette "Mégalomachine" (Et Tu, Babe en VO) est lancée à fond les manettes, nul ne le contestera. Le grand cirque des médias, du star system et de la représentation à un niveau autant absurde qu’apocalyptique est alors passé au crible par un auteur survolté qui nous plonge avec une frénésie létale dans le good trip de la littérature stéroïdée.

   
 

frederic grollau

 

Marc Leyner, Mégalomachine (traduit par Claro), 10-18 Coll. "domaine étranger", Novembre 2006, 230 p. - 7,30 €.
Première édition : Le Cherche-Midi, 2004.

 
     
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