Le paradis, ça se mérite.
Violée et assassinée, une jeune fille de 14 ans découvre le monde depuis le paradis. Elle voit ses parents et sa famille ravagés par le drame, elle observe le détective chargé de l’enquête et elle aperçoit son meurtrier poursuivre ses sanglants méfaits.
Ou la porte du Paradis
Le sujet porte facilement à la guimauve et le terrain n’est pas sans risques pour le réalisateur imposant de King Kong ou du Seigneur des anneaux I, II, III. Sans doute celui-ci a-t-il voulu revenir vers la veine intimiste de son Heavenly creatures ("Créatures célestes", 1994) où déjà le titillait la préoccupation du paradis. Mais justement, le paradis ça se mérite et il semble bien que Susie Salmon ne soit pas encore prête, c’est la thèse intéressante du film, à le gagner (à tous les sens du terme). Dans l’attente de la punition infligée au coupable, elle se condamne donc elle-même à errer dans les limbes. Prisonnière du purgatoire.
La critique, certes, n’y est pas allée de main morte - c’était de circonstance, me direz-vous - avec la représentation jacksonienne de cet entre-deux mondes : parure kitsch pour les uns, chromo publicitaire insupportable pour les autres, les méchantes langues n’ont voulu retenir de l’approche de Jackson que son côté vintage, occultant alors en quoi ces « adorables ossements », pour traduire le titre inspiré du plat roman d’Alice Sebold, La Nostalgie de l’ange (J’ai lu, 2003), mettaient tout simplement en exergue, et non sans une poésie visuelle certaine, la question du deuil d’un être aimé et l’ensemble des conséquences sismiques que provoque sur autrui sa disparition.
Ainsi, ni film de vengeance basique ni teen-movie réducteur, Lovely bones vaut avant tout comme une étude de moeurs sur le sens de la famille et l’irréversible au sens jankélévitchien, ce dont atteste la subtile scène du dédoublement où Susie croit échapper à son bourreau dans le piège qu’il lui a concocté sous le champ de blé proche de sa maison. La couleur - par le biais des décors féériques et magnifiques - est donnée d’emblée : le bonheur de cette famille de Pennsylvanie n’est pas destiné à durer ; reste à savoir si le meurtrier sera ou pas démasqué pour que l’âme de la jeune fille repose en paix.
Sans une once de morale, non plus qu’une ribambelle d’effets spéciaux qui eussent été spécieux ici, Jackson parvient finalement à présenter le plus grand malheur qui nous guette - notre mort proche - comme un paradoxal bonheur à réinventer. Une jeune fille assassinée qui n’arrive pas à quitter les vivants, sa famille qui ne peut se résoudre à sa perte : un basculement incessant entre le monde des morts et des vivants, qui fait place belle au non-figuré, à méditer.
Lovely bones
Réalisateur : Peter Jackson
Interprètes : Mark Walhberg, Rachel Weisz, Saoirse Ronan, Susan Sarandon
Durée : 2h08
Date de sortie : 10 février 2010
Editeur : Paramount Home Entertainment
Prix : 19,99 euros.
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