A lire, pour ceux qui ont le sens du contraste, en écoutant en boucle le marilynien Diamonds are the girls best friends.
Au commencement étaient deux sœurs. L’une Uma, Technicienne d’Identification Criminelle, l’autre, Mira, agent secret oeuvrant dans le milieu des diamantaires. Carrossées comme des déesses, sculpturales au possible (l’une de ses motivations principales pour réaliser cette série, de l’aveu du dessinateur !), Uma et Mira, toutes deux d’origine indienne, se sont perdues de vue depuis longue date. Une séparation définitive car Mira vient d’être exécutée au cours d’une mission spéciale... ce qui amène les supérieurs hiérarchiques de l’agent secret à recruter sa soeur au nom de leur ressemblance troublante...
Rien de bien nouveau dans ce type de scénario de départ sinon, et c’est ce qui en rend la lecture délectable, l’intervention d’un autre protagoniste : le flic kabyle Mehdi au parler haut en couleurs et le choix d’une héroïne présentée d’emblée comme ultra dépressive ! Si on ajoute à cela la remarquable documentation du scénariste, les bons mots et les trouvailles graphiques de Meynet (notamment les épatantes lunettes "Réalité Augmentée"), on obtient en définitive un cocktail aussi subtil qu’explosif. Les rondeurs du trait de crayon et l’utilisation de certaines couleurs louchent certes du côté de la ligne claire, mais revisitée ici par une bonne dose de réalisme, une pincée d’érotisme discret et une succession corsée de scènes d’action qui font de notre Uma/Mira au look très Matrix une agréable nouvelle venue dans les troupes BD des agents de charme et de choc.
À lire, pour ceux qui ont le sens du contraste, en écoutant en boucle le marilynien Diamonds are the girls best friends.
C’était logique. Après le tome 1 consacré à Uma, le 2e volet de la série des Éternels ne pouvait être consacré qu’à Mira. Devenue agent special au sein du monde des diamantaires, Uma doit assurer la sécurité de Jaï pendant son mariage. Pendant la cérémonie, la jeune épouse de ce dernier reçoit une balle et meurt. C’est en fait Sumac, le père de la mariée, qui était visé. La suite de l’enquête démontre qu’il est impliqué dans la disparition de Mira en rapport avec de mystérieux diamants noirs radioactifs. Les membres de la police secrète des diamantaires anversois sont sur la brèche et le lecteur en a pour son pesant de rebondissements, d’espionnage et de meurtres mais aussi, et surtout, d’humour permanent.
Une fois de plus, c’est contre toute attente Medhi qui tire son épingle du jeu : le flic kabyle et homosexuel à qui sa mère prépare en permanence des cornes de gazelle pour débarquer chez lui à l’improviste (et s’évanouir derechef) est très attachant (il pousse l’autodérision jusqu’à citer Levi-Strauss lorsqu’on lui tire dessus, c’est vous dire...). Mira l’est moins ici, malgré son look laracroftien et l’érotisme incontestable de ses formes, parce qu’elle est au coeur d’un scénario qui paraît fort abscons par moments. Il semble que Yann, malgré son talent, ait eu du mal à faire tenir toute l’intrigue en 48 pages et certains raccourcis ne font pas toujours mouche. Le dédoublement attendu Uma/Mira complique à vrai dire les dernières planches et l’on s’y perd un peu à force. C’est d’ailleurs la limite de ce Mira que de rester toujours à mi-chemin entre le réalisme tintinien et le joke au énième degré. Réaliser une BD-thriller tout en jouant sur des vannes à la Boule et Bill, le tout mixé sur fond d’héroïnes très sexy, serait sans doute un exploit, approché ici, mais l’essai ne se révèle pas concluant sur le long terme.
Reste que l’introduction de cet album qui propose en clin d’œil aux Bijoux de la Castafiore de Hergé un exemplaire de Paris Flash, numéro spécial sur le diamant, est des plus ludiques, les auteurs croquant au passage certains de leurs confrères ! Dommage que la suite de ce tome 2 des Éternels ne demeure pas sur cette séduisante ligne de crête.
frederic grolleau
Meynet (dessin) & Yann (scénario), Les Eternels, Dargaud, | ||
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