Ou les aventures d’une sorte de cité romaine pourrie transposée avec force poutrelles et vitraux opalescents dans l’espace intersidéral...
Voilà un premier album d’installation qui frise le chef d’oeuvre. Les âmes d’Hélios retrace le dur parcours initiatique de la jeune novice Ylang, cherchant grâce au soutien de sa prostituée de mère à s’extraire de la misérable condition sociale qui est la sienne à bord de ce qui reste du vaisseau spatial Hélios, échoué depuis des lustres sur une planète hostile. Formée par un "maître de lames" des plus exigeants, Ylang - mise au parfum des remugles et de l’humiliation permanents - rêve en effet de devenir " dragon ", haut grade conféré à la garde prétorienne attachée à la défense du sibyllin code du " Torkamak " qui régit cette cité aux multiples castes.
Univers clin d’oeil à 1984 et Brazil, hommage appuyé à Dune et Alien, le scénario concocté par Saimbert est remarquable tant par son inventivité que sa terminologie organico-mystico-théologique. Et ce n’est rien à côté d’un graphisme magistral, par lequel Roberto Ricci parvient à insuffler corps et âme aux damnés et aux créatures d’Hélios. Si Ylang est des plus convaincantes dans le rôle d’une Nävis hardcore (l’héroïne du delcourtien Sillage), le vaisseau même d’Hélios - sorte de " ciboire " contenant les âmes de ses habitants -, cité romaine pourrie transposée avec force poutrelles et vitraux opalescents dans l’espace intersidéral, jouit de cette pure beauté du laid lorsqu’il est transmué par le 9e art.
Un univers à découvrir pour l’étonnante juridiction en matière de mœurs sexuelles qu’il propose, et pour la lutte à mort à laquelle s’y livrent ceux qui refusent le déterminisme de leur naissance. Une série qui s’annonce d’ores et déjà comme un des grands moment de l’année chez Delcourt.
On retrouve avec plaisir dans ce 2e volet de la saga SF la vaillante Ylang, qui poursuit sa formation pour devenir dragon. Une initiation qui est fonction de la décrépitude avancée du vaisseau échoué d’Hélios dont même les égouts sont envahis de vermine et autres poulpausores féroces. Les épreuves se multiplient, où la jeune fille mue par son idéal risque chaque fois sa vie pour être reconnue par son maître de guerre...
Putride et pourrie, la cité hyperhiérarchisée d’Hélios offre toujours un visage aussi répugnant, comme si l’extrémisme politique et religieux qui la ronge - à l’instar de la rouille qui mange ses voûtes et canalisations - était incarné par la cohorte des monstres hybrides qui se réveillent et sont de plus en plus agressifs. Et qui vont rencontrer le chemin que trace au fil de sa lourde épée Ylang entre bestioles visqueuses et mares de sang. L’atmosphère de cette cité mystérieuse à l’architecture à la fois médiévale et industrielle fait donc toujours son effet mais l’intrigue tarde à se mettre en place dans ce tome de transition qui ne fait pas vraiment avancer le récit mais précise plutôt la psychologie des personnages, dont le Dragon Kash, combattante noire solitaire qui vit aux côtés d’un curieux animal de compagnie auquel le scénariste confère dans cet album une grande importance ".
L’on sait seulement désormais que les entrailles d’Hélios abritent quelque chose d’inconnu et de terrifiant tandis que les fidèles de la cité sont soudain habités par des visions qui semblent remettre en cause les écrits apocryphes et le rôle de guide bienfaiteur du Torkamak, au grand dam des Cardibans, gardiens de l’ordre établi inquiets par le déroulement des faits. Le tome 3 devrait sans doute révéler en quoi Hélios n’est pas encore en terre sainte (où alors ?, tel est le suspense), ce qu’on attend avec impatience.
frederic grolleau
Philippe Saimbert (scénario) et Roberto Ricci (dessin & couleurs), Les Ames d’Hélios | ||
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