Si tu n’es pas sage, le méchant marchand de tableaux passera te voir cette nuit...
Comme l’indique forte explicitement le titre de l’album il s’agit d’une " vengeance ". Celle en l’occurrence d’un peintre du XIXe siècle, Louis Paulus (surnommé "deux mains d’or" et abusé par le marchand d’art sans scrupules Northbrook) et qui revient à Paris en 1843 sous l’identité du comte polonais Mieszko Skarabek, après avoir fait croire à sa mort 10 ans plus tôt, pour traîner en justice celui qui l’a spolié par le passé.
Il est assez infâme pour un critique bd de résumer ainsi le scénario de Yves Sente parce que cette cohérence de l’histoire tragique et du parcours houleux de Paulus/Skarbek (ils ne font qu’un, indeed), c’est au fur et à mesure de ces magnifiques 54 pages que le lecteur l’apprend, informé par des flash back significatifs lors du jugement au tribunal. Les éditions Dargaud ont mis le paquet sur ce titre en proposant à la fois un site Internet dédié à l’œuvre et une exposition à la Fnac, et elles ont eu bien raison car ladite Vengeance mérite le détour, tant par les détails historiques dont elle regorge (les batailles : Waterloo, l’indépendance des Etats belges, la littérature du siècle passé, Dumas et son " nègre " notamment) que par la superbe palette de Rosinski qui impressionne par un usage de la couleur directe - il a peint sur des planches au format exceptionnel de 1 mètre sur 70 centimètres - qui consonne au plus haut point avec l’art pictural.
Ces lavis délavés et gouaches fébriles épousent les contours des êtres (torturés) et des lieux (tortueux), dessinant comme un écrin aux rues de Paris et aux fastes d’un XIXe siècle en pleins bouleversements économiques et sociaux. Stratégie et corruption, abus de pouvoir et félonie dansent bientôt au bal des pendus orchestré dans le milieu artistique par le comte Skarbek, alias Paulus revenu des royaume des morts avec une main d’or... Si l’on peut regretter quelque approximation chronologique concernant par exemple la greffe d’une main qu’aurait subi Paulus - et sur laquelle s’appuie le noeud de l’intrigue - il n’en reste pas moins que cette histoire de vengeance, mûrement réfléchie et très monte-christolienne dans l’âme, séduira un large public. Toux ceux en tout cas qui aiment se voir rencontrer la bd et le polar artistico-historique.
Yves Sente, Grzegorz Rosinski, La vengeance du comte Skarbek 1er chapitre : "Deux mains d’or", Dargaud, 2004, 54 p. - 12,60 € | ||
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