Amateurs de Vermeer, un futur classique à détenir chez soi, quand bien même proposé en édition simple !
L’histoire
Hollande. XVIIe siècle. La jeune protestante Griet, 17 ans, est engagée comme servante dans la maison du peintre catholique Vermeer. L’une de ses multiples tâches consiste à s’occuper du nettoyage de l’atelier de l’artiste sans déranger l’inspiration du célébre peintre. Une relation ambiguë naît bientôt entre la servante et le Maître hollandais, lequel ne se montre pas indifférent à la sensibilité artistique de la jeune femme.
De la naissance d’un des chefs-d’oeuvre de la peinture
Le roman historique éponyme de Tracy Chevalier adapté ici à l’écran par un jeune réalisateur, Peter Webber, faisant à l’occasion ses premières armes au cinéma, était dédié au mystère entourant "La jeune fille à la perle" (ou "La jeune fille au turban"), ce tableau peint par Vermeer en 1665-1666 (surnommé aussi la " Joconde du Nord "), le modèle ayant posé pour le peintre étant toujours ensuite demeuré anonyme. Chevalier mêlait alors avec talent à sa propre quête imaginaire de la jeune muse - époustouflante Scarlett Johansson remarquée dans Lost in translation - d’authentiques éléments empruntés au contexte historique, soit l’atmosphère de la cité de Delft au XVIIe siècle, la famille de Vermeer - Colin Firth, un peu trop en retrait, dommage, comme mangé par son égérie - et ses pressions financières (sa femme, ses enfants ...sa belle mère), les relations de l’artiste également avec son mécène.
Autant de passage obligés qu’on pourrait croire austères mais dont Webber joue avec maestria, réalisant un coup de maître. Il n’était pas évident, pourtant, de rendre compte, sur le même support, à la fois du talent de Vermeer, ce maître flamand du baroque hollandais qui vécut pauvre et mourut jeune (1632 -1675), laissant à la postérité, outre onze enfants, plus de trente-cinq œuvres - portraits en clair-obscur d’une " Laitière ", d’une " Dame au collier de perles ", de sa maîtresse, de son mécène, d’une "Jeune fille au verre de vin ", d’une " Allégorie de la Peinture ", d’une" Femme à la cruche d’eau " ou d’une mythique " Vue de Delft ", tableaux dont quelques uns apparaissent dans le film - et de la pureté et la sensualité de la servante ayant inspiré Vermeer dans ce célèbre tableau qu’il en fit.
Looking for Griet...
Qui est-elle donc cette icône coiffée d’un turban bleu et parée d’une boucle d’oreille, représentée sur la toile de trois-quarts, les traits fort mélancoliques ? Paysanne, servante, maîtresse ? Les trois à la fois ou plus encore ? Les temps forts de l’œuvre ne sont pas seulement les épisodes esthétiques où Griet révèle sa maturité artistique (quoique, experte innée qui perçoit l’harmonie des couleurs et des formes, elle participe et modifie, en faisant " le ménage " à l’élaboration des grandes toiles de Vermeer !), mais ceux où se tisse dans l’ombre de la demeure et dans les recoins des traditions obtues l’opposition entre le masculin et le féminin, le spirituel et le religieux. Car c’est de la solitude de la jeune protestante face à l’isolement du maître catholique et aux abois que traite surtout La jeune fille à la perle. L’art seul permettra à ces deux solitudes de se toucher, dépassant la contingence de l’histoire et des dichotomies des classes sociales (voir sur ce point dans les bonus "Anatomie d’une scène" (24 min.) où Webber met en exergue cette différence dans son commentaire), de se dépasser dans la création, ersatz ici de relation sexuelle taboue. Ah, ce perçage de l’oreille de Griet, sa mutique apprentie peintre, par Veemer afin de lui " enfiler " la perle de sa moitié !
Du côté des bonus
Dans ce contexte, on attendait que le DVD restitue sans déperdition aucune la sensualité et la richesse de la couleur, personnage à part entière de l’oeuvre, au même titre que la lumière. Déçus au départ d’apprendre que l’adaptation de Webber ne ferait pas l’objet d’un collector, nous avons eu la bonne surprise au visionnage de rencontrer le rendu espéré. Les somptueuses couleurs de cette fresque baroque sont en effet fidèles au rendez-vous, la pureté des textures et leur chatoiement étant sublimés par une image de haute tenue. Les contrastes indispensables au brun de l’époque ne souffrent d’aucune définition granuleuse. Repris et c’est tant mieux dans son format d’origine (2.35), le film conserve donc toute sa richesse chromatique, et offre une superbe alcôve au vermeerien ballet de l’ombre et de la lumière, propre à tout tableau se faisant.
Les prestations sonores du film, plus sages, on s’en doute vu la nature du propos, sont assez plates et décevantes en VF (en particulier à cause de certains partis pris du doublage) mais présentent, notamment grâce à l’insertion de très claires pistes musicales, une belle qualité en VO. On recommandera, partant, de privilégier cette écoute. On l’a dit, cette édition n’est pas un collector et l’habillage du disque est des plus rudimentaires, mais les menus proposés (quelques-unes des oeuvres de Vermeer et des extraits du film) permettent une navigation optimale. A quoi il convient d’ajouter des les suppléments de bonne facture, telles les 8 scènes coupées (soit 15 mn de plus) qui expliquent le choix, payant, du réalisateur de bousculer certaines étapes de l’ordre initial de la narration proposé par la romancière, ou encore les deux commentaires audio stimulants. Le premier met au jour les inattendus renvois du réalisateur à Sergio Leone, à Ophüls ou au peintre Pieter Bruegel. Le second rend accessibles au public les impressions de Tracy Chevalier sur le tournage et son investissement affectif dans le film de Webber.
Bref, un futur classique à détenir chez soi, quand bien même proposé en édition simple.
frederic grolleau La Jeune fille à la perle Titre original : Girl with a Pearl Earring Réalisateur : Peter Webber Acteurs : Colin Firth, Scarlett Johansson, Tom Wilkinson, Cillian Murphy, Alakina Mann Durée : 95 minutes Editeur : Pathé Date de sortie : 08 sep 2004 Prix : 24, 99 €. Zone 2 Format 2.35 - 16/9 compatible 4/3 - DTS - Double couche Langages : Anglais DTS - Français DD 5.1 Sous-titres : Français Suppléments : Commentaire audio du réalisateur Peter Webber et du producteur Andy Peterson, commentaire audio de l’écrivain Tracy Chevalier et de la scénariste Olivia Hetreed, bande-annonce en VF et VOST, 8 scènes coupées, Documentaire "L’anatomie d’une scène", making-of "L’Art de la réalisation"
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