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L'Opération Corned-Beef (exposé CPES)

Publié le 13 Janvier 2013, 23:38pm

Catégories : #Philo & Cinéma

 

L'Opération Corned-Beef

Exposé par Guillaume Demont, CPES, Saint-Cyr, 2012

 

 

 

L’Opération Corned-Beef est un film comique français réalisé par Jean-Marie Poiré en 1990, il est sorti en 1991. Il met en scène des acteurs reconnus et populaires tels que Christian Clavier, Jean Reno ou Valérie Lemercier.

L'histoire met en scène une opération de la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure) pour déjouer les plans d'un marchand d'armes colombien, le colonel Zargas (André Schmit) sensé vendre des missiles français dont la production n'a pas encore commencé. Dans le cadre de l'opération, un micro a été introduit au près de l'homme en relation avec le colonel Zargas. Le micro est dissimulé dans une bague de Marie-Laurence Granianski (Valérie Lemercier), une interprète, à son insu. Seulement, la porteuse du micro souhaite rejoindre son mari, Jean-Jacques, pour leur anniversaire de mariage. Ce contre-temps risquant de faire échouer l'opération, le capitaine Boulier, alias « Le Squale », décide de « torpiller » le couple en envoyant un agent féminin dans le lit du mari. Après plusieurs rebondissements, le capitaine Boulier découvrira que la torpille n'est autre que sa fiancée, Isabelle (Isabelle Renaud), le lieutenant Fourreau.

Les événements du film, bien que fictifs et d'un style burlesque, révèlent des actions qui effectuent réellement dans le cadre de la défense des intérêts nationaux.

Nous nous demandons ainsi jusqu'où peut aller le sacrifice de l'individu dans la recherche du bien commun.

Nous commencerons par voir comment l'on peut sacrifier le bonheur de certains pour le bien de tous avant de nous intéresser au franchissement de la limite morale. Nous finirons par nous pencher sur la dénaturation volontaire de l'homme pour le bien commun.

 

I Sacrifier le bonheur de certains pour le bien commun

*Le bonheur est la conscience de plénitude

*Le bien commun est le bien-être de l'ensemble des membres d'une communauté

 

a) Le holisme, une référence étatique

L’État est une convention originaire au sein de laquelle les hommes renoncent à une partie de leurs droits naturels en échange d'une liberté et d'une sécurité. Étant responsable de tous, l’État ne peut garder une vision individualiste mais doit conserver une vision holiste (se référant au bien du plus grand nombre). De ce fait, l’État ne se fie qu'au plus grand nombre dans ses actions. La république est la forme d’État qui s'appuie le plus sur la masse du fait que sa légitimité vient de la majorité populaire.

 

b) Le calcul cynique

Dans le cas de choix à effectuer concernant le bien de tous, dans les situations de dilemme, l’État fera le calcul cynique du sacrifice du plus petit nombre. Selon Oscar Wilde, « Le cynisme consiste à voir les choses telles qu'elles sont et non telles qu'elles devraient être ».

Ici est fait le calcul des dégâts qu'occasionnerait la vente de missiles français. Cet équilibre des pertes consenties face aux pertes évitées se réalise dans tous les calculs d'ordre politique. Cf : Affaire Dreyfus .

 

c) La raison d’État  

La raison d’État est le principe invoqué pour sacrifier quelque chose pour le bien commun. Anthony Hamilton dit d'elle qu'elle « se donne des beaux privilèges. Ce qui lui paraît utile devient permis, et tout ce qui est nécessaire est honnête, en fait de politique ».

Ici, au travers des services secrets français, organe de l’État, il est décidé de sacrifier le bonheur d'une famille française en détruisant moralement le mari et la femme. La raison d'état est l'autorisation suprême autorisant jusqu'à l’élimination d'individus pouvant être innocents.

 

II La morale, une limite franchie

*La morale est une doctrine raisonnée indiquant les fins que l'homme doit poursuivre et les moyens d'y parvenir.

 

 

a) L’État est amoral

Selon les conceptions de Hobbes et de Machiavel dans Léviathan et Le Prince, l’État est basé sur des fondements politiques uniquement, la morale et la religion ne doivent pas y intervenir.

Étant réaliste, Machiavel dit qu' « en politique, le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal ».

L’État, dans l'idéal de Hobbes, est une machine construite par l'homme, elle n'est qu'une construction humaine. De ce fait, un Etat n'est pas embarrassé pour mener des actions totalement immorales telles que la suppression d'un individu ou ici, la destruction d'une famille.

 

b) Combattre à armes égales

L'Etat est amené à défendre les individus rassemblés contre diverses menaces telles que des forces ennemies conventionnelles, le terrorisme, et d'autres encore. Ces menaces emploient des méthodes et moyens hors de la morale. Les terroristes tuent et violent, les forces étrangères pillent...

Comme réponse à ces possibles agressions, Machiavel répond que la fin justifie les moyens.

On combat avec les armes de l'adversaire. S'il utilise le meurtre, il est possible de répondre par le meurtre. De même, l’État consent sacrifier ici la famille Granianski pour éviter de probables morts causés par les missiles et pour pouvoir éliminer totalement la menace que représente le colonel Zargas.

 

c) La spéculation de l'immoralité

Le danger dans les affrontements entre forces de se fixant aucune moralité est de ne pas trouver de limites dans la spéculation de l'immoralité. Le milieu du contre-terrorisme par exemple connait une immoralité du plus haut point avec l'usage plus ou moins courant de la torture physique ou mentale pour obtenir des renseignements. Bien entendu, la torture fait l'objet d'un dilemme entre l'immoralité du procédé et la nécessité de l'utiliser pour éviter des pertes. La violence croissante de l'un décide l'autre à user de la torture comme il fut fait pendant les opérations pour le maintien de l'ordre dans les départements d'Algérie.

 

III La dénaturation volontaire de l'homme pour le bien commun

 

a) L'utilitarisme

« La morale est l'utilité ou principe du plus grand nombre ».

Dans le cadre de la lutte pour le bien commun, nombreux sont ceux qui décident de sacrifier leur bonheur pour le bien de tous. Tels les principes de l'utilitariste John Stuart Mill. Ainsi à l'image du capitaine Boulier et du lieutenant Fourreau, certains sacrifient leur vie de famille (Boulier et Fourreau sont fiancés depuis longtemps mais n'ont pas encore pu se marier), ils mettent leur vie en péril. Cette ouverture et ce dévouement ne sont que peu habituels à l'homme qui est de nature plus individualiste. Le don de soi ainsi représenté peut être considéré comme un aboutissement à la vie en société.

 

b) La schizophrénie

A l'instar de la schizophrénie qui est une maladie mentale entraînant des troubles de la personnalité, les sacrifices consentis peuvent faire perdre le sens de la réalité . Dans le cas de Philippe Boulier et Isabelle Fourreau, on assiste dans plusieurs scènes à une confusion entre le rôle joué dans la mission, l’identité militaire, et la vie privée. Cette confusion est illustrée par l'emploi des divers noms des personnages dans les mêmes conversations. Dans la scène de l'aéroport, Boulier s'adresse à Isabelle en tant que partenaire de mission, puis en tant que fiancé et enfin en tant que supérieur hiérarchique.

 

c) Le choc des personnages

La confusion dans le sacrifice de l'individu est telle qu'elle s'empare totalement de lui. Cette vie de sacrifice a des conséquences irrémédiables sur un bonheur inatteignable dont le sacrifice permet le bien de tous (ou en tout cas de ceux qui n'ont pas été sacrifiés).

 

Conclusion

Le sacrifice de l'individu se fait grâce au contrat social menant à la création de l’État . Celui-ci, garant du bien collectif, appuyé sur des individus volontaires pour sacrifier leur bonheur au profit du bien de tous, bénéficiant également de la possibilité d'user de pratiques immorales, allant jusqu'à la suppression d'une vie ou d'un bonheur innocent comme celui du couple Granianski.

Le sacrifice de l'individu ou des individus peut donc être total et prendre les plus grandes proportions au sein de l'équilibre entre le bien du plus grand nombre et le sacrifice de quelques-uns.

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