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Jim Tenuto, La rivière de sang

Publié le 16 Juillet 2012, 21:22pm

Catégories : #ROMANS

Quand le Nature Writing se met au noir dans le Montana...

 

Rentrée 06

 

 Olivier Gallmeister, qui vit entre Bretagne et Paris, le bienheureux, a créé récemment sa maison d’édition (Gallmeister) spécialisée dans les "écrits de nature" (le Nature Writing cher aux Anglo-Saxons). Au catalogue déjà prometteur, une nouvelle traduction du renommé The Monkey Wrench Gang de Edward Abbey (qui devient Le gang de la clef à mollette), Vingt-cinq de ans de solitude de John Haines, sur le Grand Nord ; le Petit traité de Philosophie naturelle de Katlene Dean Moore ; Indian Creeck de Pete Fromm ; Itinéraire d’un pêcheur à la mouche de John D. Voelker et, consonnant avec la thématique du précédent opus cité, La rivière de sang de Jim Tenuto, dans la collection Noire - que la rédaction du Littéraire, séduite par la qualité des ouvrages Gallmeister a décidé de vous présenter (sont par ailleurs à venir pour 2007 trois versions françaises : celle du dernier ouvrage de Doug Peacock : Walking it off et deux romans de Edward Abbey : Hayduke lives ! qui est la suite du Gang de la clef à mollette, et Fire on the Mountain.)

 

La rivière de sang joue en effet sur deux tableaux : d’une part le descriptif à foison de l’art - et de la philosophie, risquons le mot - de la pêche à la mouche dans les vertes et riantes contrées du Montana ; d’autre part, le portrait d’un héros, qui devrait faire florès, l’ex-star de football et vétéran de la Guerre du Golfe, Dahlgren Wallace, oeuvrant au calme dans la région en tant que guide de pêche pour un milliardaire, Fred Lather, qui y possède le plus grand ranch du coin, le Carved L. - et qui choisit, au grand dam des autres ranchers, de réintroduire l’élevage du bison sur ses terres tout en interdisant la chasse et la pêche sur icelles à ceux qui qu’iraient point lui montrer patte blanche...
Dahlgren a pour délicate mission de rabibocher Lather avec les gens, plutôt simples, du cru ; ce dont il s’acquitte sans trop de mal jusqu’au jour où, au cours d’une partie de pêche organisée par Lather en vue du rachat de VideoComp, une importante société spécialisée dans la compression vidéo, le guide retrouve un des clients, à la tête de cette firme, assassiné dans la rivière...
Tel est le point de départ de ce premier roman dont l’intrigue est des plus efficaces. Non seulement pour la part essentielle qu’y jouent les paysages naturels et le Catch-and-release (l’art d’attraper des truites et de les relâcher dans le courant avant qu’elles ne meurent, nec plus ultra du pêcheur patenté) servant de fil directeur aux réflexions du héros, mais aussi pour le portrait contrasté de celui-ci qui fait mouche si l’on ose dire, tant il apparaît un mixte idéal entre le solitaire un brin buté et l’armoire à glace qui devient agent junior du FBI malgré lui !

 

Car, accusé du meurtre, Wallace doit mener sa propre enquête et affronter manu militari une poignée d’adversaires où pointent dans un violent charivari des ranchers revanchards prêts aux pires manipulations pour s’emparer du ranch de Lather, des milices néo-nazies et des éco-terroristes défenseurs des droits des animaux... Le Montana sauvage se transforme alors, sous la lorgnette critique de Wallace, en une véritable plate-forme aux délires et aux complots à vau-l’eau tandis que le lecteur apprend mine de rien les rudiments de la pêche à la mouche (cette fort conceptuelle pratique à la dimension tant philosophique que sociologique) : un décalage qui à lui seul vaut le détour et qui est bien servi par la traduction et le travail éditorial sur le roman (on n’a noté qu’une seule coquille, page 255, presque un sans faute)
Enfilez donc vos waders et tendez votre soie aux côtés de Dahlgren Wallace, cet enquêteur hors-norme qui évolue entre force de l’ordre et exactions crapuleuses ...comme un poisson dans l’eau.

 

A signaler : les 2e et 3e de couverture s’ornent de superbes photographies en noir et banc qui sont en rapport avec les lieux dépeints dans l’ouvrage.

   
 

frederic grolleau

 

Jim Tenuto, La rivière de sang (traduit de l’américain par Jacques Mailhos), Gallmeister, 2006, 316 p. - 23,90 €.

Le site des éditions Gallmeister : http://www.gallmeister.fr/

 

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