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Jean Van Hamme, Griffo, S.O.S Bonheur

Publié le 17 Juillet 2012, 11:55am

Catégories : #BD

Dans le cadre de l’anniversaire des 20 ans de la collection Aire libre Dupuis propose une édition spéciale de S.O.S bonheur.

Dans le cadre de l’anniversaire des 20 ans de la collection Aire libre Dupuis propose une édition spéciale (tirage limité avec jaquette et cahier supplémentaire de dessins inédits) du renomé S.O.S bonheur. Retour sur un must.

Il faut croire que le bonheur est une denrée périssable, un bien jamais acquis et toujours à défendre. Considérant qu’il n’est (sans doute) jamais trop tard pour bien faire et qu’un rappel au respect élémentaire des libertés individuelles n’est jamais perdu, les éditions Dupuis avaient eu la bonne idée de nous rafraîchir la mémoire en 2001 : ainsi reparaissaient, treize ans après leur première édition, les trois volumes de S.O.S. Bonheur réunis dans une intégrale qui valait son pesant de cacahuètes. Pardon, de concepts ! C’est cette intégrale qui repointe le bout de son museau bédéique pour honorer les 20 ans de la collection Aire libre...

Six courtes histoires indépendantes exposent ici ce qu’il en est lorsqu’un État totalitaire décide au nom de ces citoyens ce qu’est le bonheur. Chaque épisode est toutefois relié aux autres par un dernier récit, "Révolution", où l’ensemble des résistants se retrouve pour combattre le système établi et rêver du retour de la Liberté...
Qu’il critique le fonctionnement d’une compagnie opaque à ses propres employés, une médecine dépendant d’ une mutuelle policière dictatoriale ou des vacances pré-programmées - qui n’en sont donc pas -, Van Hamme dépeint férocement un futur pourri jusqu’à l’os. Autant dire qu’on n’est pas dans le meilleur des mondes (ou plutôt, si c’en est un, concédons qu’il ressemble furieusement à celui d’Aldous Huxley !) : les derniers épisodes délivrés dans un contexte d’utopie négative et consacrés à la surveillance permanente des citoyens, à l’eugénisme et à l’éreintement de la liberté d’expression font encore et encore froid dans le dos.

 

En un certain sens, le côté un peu démodé des couleurs et des dessins sert parfaitement le propos : il est vrai que la série fait très années 80 (et pour cause !) mais par là-même la forme rejoint le fond : le détours flottants de Griffo - qui débutait alors dans le dessin réaliste - et la couleur affadie dénoncent explicitement un cadre de vie dont la vie elle-même s’est absentée, remplacée par de pâles ersatz qui lui ont enlevé tout son sel. C’est-à-dire son goût.
Ainsi rassemblés, les trois albums sont incontestablement cohérents et font signe vers une interrogation à réitérer sans cesse concernant nos "valeurs". De fait, les notions mêmes de sécurité, de travail et de loisirs reçoivent un coup de projecteur qui dépasse la dimension purement (faussement ?) illustrative de la BD. Comme la perversion est une part essentielle de la liberté et du pouvoir, il est plaisant d’observer par ailleurs que le créateur de cet hymne moraliste à la liberté est entre temps devenu le papa de "Largo Winch"... connu pour répandre autant les dollars que les bonne paroles. Chacun en tirera les conclusions qu’il voudra (après tout, c’est la dernière des libertés, non ?)

   
 

frederic grolleau

 

Jean Van Hamme, Griffo, S.O.S Bonheur, Edition intégrale, Dupuis, 2008, 176 p. - 32,50 €. Première édition : Dupuis, 2001.

 
     

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