Des bas-fonds aux palaces, la crapule est partout...
C’est du côté de Pilmuir, jadis quartier d’Edimbourg où il faisait bon vivre transformé depuis lors en une succession de squats plus sordides les uns que les autres que l’inspecteur Rebus - fraîchement émoulu - traîne ses basques. Fidèle à sa réputation ce solitaire qui vit en rupture avec le système, Rebus - qui a été plaqué par son amie et "collègue" Gill Templar - met son grain de sel dans une enquête qui lui a été confiée par hasard, à la suite de la panne de réveil de son collègue en charge du secteur où est mort le jeune Ronnie.
Tout semble en effet indiquer que le drogué est mort d’overdose mais quelques détails titillent Rebus : le déplacement du corps de l’étage au rez-de-chaussée, le dispositif rituel (bougies au sol, pentacle dessiné au mur) entourant la dépouille et, par dessus tout, la terreur de Tracy, l’amie de la victime, persuadée que Ronnie a été assassiné...
Sans être le meilleur des ouvrages de Rankin avec son policier fétiche, Le fond de l’enfer propose un portait toujours aussi frappant des strates sociales écossaises, en particulier à Edimbourg. On y trouve un héros aussi désabusé et revenu de tout qu’à son habitude, même si en l’occurrence il sera le seul ici à aller plus loin que les apparences afin de rendre justice au jeune homme mort dans ce squat, véritable "enfer sur terre", et qui rêvait de devenir photographe.
Rankin insiste à souhait sur le contraste qui oppose les déchets de la société à ses membres censément les plus éminents et montre que, des bas-fonds aux palaces, la crapule est partout, le romancier mettant au jour les pratiques par lesquelles les nantis tentent de tromper leur ennui en achetant à prix fort des sensations fortes.
On peut regretter que l’éditeur insiste trop dans la quatrième de couverture sur le rôle joué dans cette intrigue, qui se déroule en une semaine top chrono, par les "promoteurs et publicistes" mais les fidèles de Rebus trouveront dans ces pages des renvois aux précédentes aventures et l’inimitable griffe d’un auteur des plus habiles lorsqu’il s’agit d’établir en quoi la "qualité de vie" - surtout quand elle est prônée par les urbanistes - ne saurait se trouver à l’extérieur de soi.
Ce qui explique, peut-être, le crime de lèse-majesté viticole de Rebus qui oublie ses problèmes en se réfugiant dans son appartement de Marchmont où il dort dans un vieux fauteuil tout en lisant un bon bouquin (Dr Jekyll and Mr Hyde...) et en s’enfilant un Château-Potensac dans un verre à bière !
frederic grolleau
Ian Rankin, Le fond de l’enfer (traduction Frédéric Grellier), Le Livre de Poche coll. "Thriller" - Numéro 37044, 2004, 318 p. - 6,00 €. |
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