Une intrigue prenante emballée par Rankin avec sa maestria coutumière.
Tous ceux qui apprécient les enquêtes de l’inspecteur John Rebus (L’ombre du tueur) découvrent depuis peu les autres polars que Ian Rankin a rédigés sous le nom de Jack Harvey (Nom de code : Witch ; Le fond de l’enfer). Et ils sont rarement déçus.
Fidèle en effet à son habitude, le romancier écossais choisit une fois de plus comme protagonistes des personnages atypiques. Sur le fond d’une course contre la montre menée par un tireur d’élite officiant comme tueur à gages pour retrouver son employeur qui l’a trahi auprès de la police londonienne lors de son dernier contrat, sont mis en relief à tout bout de champ les singuliers agissements d’un détective américain, Leo Hoffer.
Ce dernier qui débarque en Angleterre pour intercepter enfin celui qu’on appelle aussi le Poseur De Bombe (technique de diversion utilisée par le tireur pour s’esquiver sans encombre une fois sa cible abattue), est énorme, tant par son physique que par sa façon d’agir, à la frange de l’illégalité : imaginez un ex-flic obèse qui boit et sniffe la coke, s’envoie des barbituriques et des amphètes dès qu’il le peut, et vous obtenez Hoffer. Face à lui, le tueur a la particularité d’être hémophile (ce qui ne facilite pas toujours ses déplacements), et d’être accompagné de Bel(inda), la fille de vingt ans du marchand d’armes chez qui il s’approvisionne régulièrement... et qui finira d’ici peu décapité.
Face à un tel cocktail, violent, ironique et qui plus est explosif, le lecteur s’embarque sans peine dans une aventure dont il sait qu’elle va le mener par le bout du nez jusqu’au coup de théâtre final. Il faut dire qu’outre le combat de titans entre les deux hommes précités, Rankin étoffe le scénario en faisant intervenir un ancien membre de la CIA en rupture de ban mais lié selon toute apparence à l’énigmatique secte des Disciples de l’Amour sur laquelle enquêtait la journaliste Eleanor Ricks que le PDB a abattu sans état d’âme dans le premier chapitre de Double détente.
Emballée avec la maestria de Rankin, l’intrigue tient toutes ses promesses et l’esprit décalé qui règne en ces pages en fera sourire plus d’un. On regrette alors le parti pris de la traduction qui insiste de manière récurrente pour rendre compte des tournures impersonnelles par un massif et pesant "on" omniprésent là où on s’attendrait en toute logique à un "nous". Ce qui aboutit plus souvent qu’à son tour à des phrases curieuses où dans la même proposition le narrateur passe de on à je, ce qui introduit une dissonance - voire une distorsion - certaine dans la fluidité de la langue. Une lourdeur d’autant plus condamnable quand elle s’ajoute à quelques coquilles attestant d’une relecture éditoriale plutôt molle (cf. entre autres p. 116 où "Bel" devient "Belle", p. 398 où "suis" devient "sais"... etc.) Quid du temps où éditeurs et correcteurs lisaient les livres ?
Ian Rankin mérite franchement une mise en page plus soignée que cela, et l’on espère qu’à l’avenir Le Livre de Poche qui a eu l’heureuse initiative d’offrir au public des textes inédits saura trouver le temps de traiter les œuvres de Rankin avec les honneurs qu’elles méritent.
frederic grolleau Ian Rankin, Double détente (traduit de l’anglais - Ecosse - par Daniel Lemoine), Le Livre de Poche, 2005, 540 p. - 7,50 €. Première édition : Le Masque, février 2003, 430 p. - 18,50 €.
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