Mazé vient d’entrer, et de quelle manière, dans la littérature !
Dans les confins tant brumeux que vineux d’un Brest d’un autre âge erre Abel, amoureux éperdu d’un Julie jolie garce qui le mène par le bout du nez (et d’un appendice adventice que la politesse nous empêche de nommer céans). Défile alors une galerie de personnages hauts en couleurs, les frères Bouillon en tête, qui vont emmener Abel dans une sarabande festive-agressive jusqu’au bout de ses illusions et de ses rêves autodestructeurs - incomparable preuve s’il en est que l’amour est toujours une haine inversée.
Sur la base d’un tel scénario, où sont mis en avant des gens vraiment humains qui bousculent avec allégresse toutes les strates sociales et toutes les postures intellectuelles, tout en se jouant des références bibliques et des affres de l’adoption, on se dit que Frédéric Mazé, jeune auteur assez peu connu dont c’est ici le premier roman, publié de surcroît par une maison qui n’est pas un mastodonte parisien, ne va guère attirer notre attention et qu’on va lâcher ce Ver est dans le fruit au bout de dix pages. Terrible erreur car c’est compter sans ce qu’il faut qualifier de style à part entière, soit cette indéfinissable patte par laquelle un écrivain façonne un univers qui certes n’appartient qu’à lui mais qu’il sait rende palpable à tous. Et donc universel de fait.
Et nous voilà accrochés comme cet Abel qui, capable il est vrai d’appeler son poisson rouge Staline, peu à peu se transforme en un Caïn prenant en grippe son amour d’avant, premier pas d’une sorte de Guerre des Roses bercée par l’iode et les odeurs du port de Brest.
Une chose est sûre, parmi tous les livres convenus déjà bradés sur les étals depuis cette rentrée 2007, Le ver est dans le fruit mérite l’attention car certains ne manqueront pas d’y voir le chant du poisson d’un nouvel auteur qui devrait faire parler de lui dans l’avenir. En effet si le ver est dans le fruit comme le remarquait poétiquement Nerval, Mazé vient d’entrer, et de quelle manière, dans la littérature afin d’attester qu’elle n’est pas encore complétement pourrie. Une prouesse d’autant plus méritoire et à soutenir que l’auteur a choisi une structure éditoriale qui ne propose pas ses titres en vente dans le réseau traditionnel des librairies mais sur son site, avec deux formats au choix - volume imprimé, sur papier écologique soulignons-le, ou fichier PDF téléchargeable - et un prix modulé en fonction dudit format.
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frederic grolleau
Frédéric Mazé, Le ver est dans le fruit (préface de Laurent Hallier), Atelier de Presse, 2007, 205 p. - 17,00 € le volume imprimé, 5,00 € le fichier PDF. | ||
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