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Franz Bartelt, Terrine Rimbaud

Publié le 16 Juillet 2012, 18:19pm

Catégories : #ROMANS

On achève bien les saucisses, et le merchandising n’a pas de limites, direz-vous. Soit. Il n’empêche. Mettre Rimbaud en terrine, il fallait oser !

 

Le saviez-vous ? Il existe une spécialité ardennaise, la "terrine Rimbaud", dont les inventeurs n’hésitent pas à jouer sur la célébrité du poète maudit pour vendre leurs pâtés. On achève bien les saucisses, et le merchandising n’a pas de limites, direz-vous. Soit. Il n’empêche. Mettre Rimbaud en terrine, il fallait oser ! Et Franz Bartelt, qui a grandi dans cette région riche en poètes et en saucissons, réagit à sa façon à l’événement : délaissant les terres du polar noir très noir qui sont son sel habituel il nous sert, à peine tiède, une Terrine Rimbaud génialissime et énorme. Hénaurme.

 

C’est ici un poète-charcutier contrarié qui imagine la terrine Rimbaud en question. De son vrai nom Jovedi Merdouilla, notre créatif carolomacérien, dont le père s’est pendu comme on accroche un jambon à fumer, crée un saucisse aussi spécifique que "semi-molle" qu’il baptise La Merdouillette, et qui lui vaut une grande renommée par monts et par v(e)aux. A Jovedi l’on doit également La Merdouille, saucisson fondant hors du commun... et de nombreuses odes à la bouftifance. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où Merdouilla tombe amoureux de Régula, une poétesse suisse convulsive venue déclamer ses vers sur la tombe de Rimbaud à Charleville. Eprise du " Rimbaud de la charcuterie ", Régula ne jure bientôt plus que par les rimes en " ouille " caractérisant le jovédien système métrique de la Merdouille où, en gros, il y a de la saucisse partout, l’univers entier n’étant que chapelets de charcutailles qui s’ignorent. Las , le drame point lorsque la belle disparaît, laissant Merdouilla en mal d’illuminations poétiques...

 

Non seulement le texte de Franz Bartelt est épouvantablement drôle, mais les dessins de Johan de Moor, qui illustrent le texte au fil des pages, répondent à l’envi à ce facétieux pied de nez au mythe du grand poète. De la rencontre entre l’humour corrosif de Bartelt et des représentations gore bon enfant ou des collages de De Moor façon vieilles publicités revisitées, naît une douce alchimie à l’odeur de saucisse à l’ail. De quoi faire fuir les vampires des lettres qui se prennent au sérieux et enchanter ceux qui voient la poésie partout, y compris ailleurs que sur les étals académiques. Ceux-là mêmes à qui l’on conseillera, ultime saveur enlevée de ce court conte poético-gastronomique joliment édité (reliure couture en fil de lin et coins arrondis svp !) par l’ Estuaire, " Le sonnet du cochon " prélevé dans " Le cahier de Jovedi Merdouilla ", lequel clôt cette Terrine Rimbaud, d’ores et déjà mythique.

   
 

federic grolleau

 

Franz Bartelt, Terrine Rimbaud, Estuaire, 2004, 80 p. - 12, 00 €.

 
     

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