Qu’est-ce qui fait courrir Pierrat ?
En juillet l’émission des CSF, partenaire du Litteraire, accueillait tour à tour, Pierre Pelot (l’Ombre des voyageuses, Heloïse d’Ormeson), Jean-Paul Enthoven (La dernière femme, Grasset) et les éditeurs Gilles Cohen-Solal et Héloïse d’Ormesson. La fin de l’été sonne le glas de la rentrée littéraire 2006, que les Chroniques de San Fredo honorent à leur manière ce 25 août 2006 en allant à la rencontre d’Emmanuel Pierrat (photo © : Philippe Dubois ) dans le fief de son cabinet d’avocat boulevard Raspail.
Il est fort tentant sur place de s’étourdir du café servi par de gracieuses assistantes juridiques mais le devoir (littéraire) c’est le devoir (littéraire) : c’est donc autour de deux romans qui paraissent quasi simultanément que s’organise l’entretien : Fin de pistes (Léo Scheer) et L’industrie du sexe et du poisson pané (Pocket), avant que l’hôte des CSF, avocat au barreau de Paris dirigeant un cabinet spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, directeur de collections de curiosa chez divers éditeurs, chroniqueur juridique à Livres Hebdo et romancier (liste de facettes non exhaustive), n’évoque avec passion sa propre maison d’édition : Cartouche.
La discussion autour de Fin de pistes, cinquième roman de l’auteur, répond comme en écho à la question de l’identité et du statut de l’Afrique post-coloniale telle que Richard Bohringer l’évoquait devant nos caméras naguère, à l’occasion de la parution de L’Ultime conviction du désir (J’ai Lu).
Pris dans les rets d’un coup d’État qui se resserre en Namibie, quatre personnages - le Français René engagé volontaire pour la guerre d’Algérie, l’avocate et juive éthiopienne Makéda, Albéric, le fils d’un diplomate belge devenu artificier installé à Zanzibar et le trafiquant d’art tribal, Codjo, par ailleurs adepte du vaudou, profitent d’une longue nuitée de palabres pour raconter leur exil et leur Afrique, entre terre promise, rêve enfui et promesse non tenue.
C’est à la frontière angolaise, en "fin de piste", que leur destin va se jouer, le temps de tracer une dernière fois l’histoire complexe du continent noir.
Emmanuel Pierrat, qui s’interroge au passage sur les vertus du récent musée parisien des Arts premiers du quai Branly, accepte alors de passer de l’Afrique à la Bretagne, autant dire du coq au merlu, pour exposer quelques-uns des drolatiques mécanismes de L’industrie du sexe et du poisson pané. Farce érotisante où l’écrivain tempère son érudition quant aux "enfers" de la chose par le parti pris des jeux de mots et formules chocs afin de retracer les houleuses tribulations de deux Bigoudènes à la recherche d’une jouissance sexuelle toujours pensée en corrélation avec la faune maritime.
On passe ainsi du bateau breton au celte-shop de Montparnasse et Emmanuel Pierrat ne mâche point ses mots quand il s’agit de décrire les mœurs dépravées d’une Capitale où Gaëlle et Gwenaëlle veulent faire aboutir leur libidineux projet personnel/professionnel !
A ceux qui ne voudraient pas se contenter de la parole du romancier, les CSF donnent aussi la possibilité de voir et entendre leur invité présenter sa maison d’édition ainsi que les titres phares de cette dernière : entre autres, Les gestes et opinions du docteur Faustroll d’Alfred Jarry, testament de la pataphysique, l’argotique Lettre aux voyous d’Antoine Simonin dans le sillage des fameux Tontons flingueurs, le feuilleton du Naufrage de la Méduse qui inspira tant Géricault, les Légendes canaques de Louise Michel, l’Envoyé spécial dans la cage aux fauves d’Armand Gatti...
A chaque fois, Emmanuel Pierrat, en bibliophile convaincu, laisse s’exprimer sa passion pour le livre et on se dit aux Chroniques de San Fredo que, par ces temps de raz-de-marée livresque industriel (ah, la rentrée littéraire de septembre !), ça fait du bien un tel engouement livrophage capable enfin de réconcilier la persistante querelle de la forme et du fond.
Retrouvez tous les invités des CSF à cette adresse : http://www.lelitteraire-video.com
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