Les derniers albums retraçant les aventures du milliardaire beau gosse en blue jeans...
III - Les albums dans le détail (suite)
"Voir Venise..."
Dans les rues de Venise, un homme tente d’échapper à un groupe de tueurs à ses trousses. Avant de mourir, il parvient à faxer un message adressé à Largo Winch : "Prenez garde au doge...".
Largo Winch passe quelques jours, à Paris, avec Charity, celle qui lui a permis de quitter la Turquie lors de sa première aventure. Mais ils doivent à nouveau se séparer. Largo Winch doit retourner à New York et Charity à Venise où son amie d’enfance Domenica l’attend.
De retour à New York, Largo fait connaissance avec son nouveau majordome, Tyler, qui a pour but de faire de lui un vrai gentleman. Au cours d’un repas d’affaires, Largo Winch apprend que Robert B. Cotton vient de prendre la direction de la C.A.S.P.E., une organisation pétrolière ayant pour but de faire respecter le taux des royalties reversées aux pays propriétaires des sous-sols, au moment où la Woilco (division pétrole du groupe W) négocie de nouveaux contrats.
Pendant ce temps, un homme cherche, dans les bureaux du groupe W, à effacer toute trace du fax en provenance de Venise, afin que Largo Winch n’en soit pas averti. Peu avant l’arrivée de Charity, à Venise, Domenica reçoit la visite de deux terroristes...
Un album plus soigné graphiquement que les précédents. où le sieur Robert B. Cotton semble en passe de s’affirmer comme l’ennemi juré de Largo Winch. On retrouve en outre ici la sublime Charity, dont on était sans nouvelles depuis qu’elle avait raccroché au nez de Largo Winch, au début de l’album "Le Groupe W".
À Venise, Domenica apprend à Largo, à peine arrivé de New York pour vérifier si Charity n’est pas en danger, que celle-ci vient de se faire enlever par un groupe de terroristes. La police municipale ne pouvant lui venir en aide, Largo décide de mener seul l’enquête. Il apprend notamment que le Doge, dont il devait se méfier, serait Son Excellence le duc Francesco Leridan, l’organisateur du bal masqué auquel Largo avait été invité. Celui-ci décide donc d’assiter à ce bal, dont il avait rejeté l’invitation, en prenant la place d’un des invités afin d’en apprendre plus au sujet du Doge. On retrouve enfin le Largo qu’on a connu dans "L’héritier" ou dans "Business Blues" ; c’est un Largo qui n’a pas le temps de s’arrêter pour souffler. En effet, Francq disait dans une interview qu’il ne supportait pas de dessiner des situations qui s’éternisent.
Le dessin est toujours aussi soigné et le scénario, signé Van Hamme, tend de plus en plus vers ceux des meilleurs James Bond. Encore un très bon album à se procurer.
Grand voyageur, Largo passe des canaux de la Sérénisisme de "Voir Venise"... "...et mourir" aux canaux de la télévision. Cette découverte du fonctionnement - et des magouilles crapuleuses - de l’audiovisuel et des chaînes privées en guerre ouverte se fait, pour le milliardaire en blue jeans par le biais de son vieux compagnon d’aventures, Simon Ovronnaz, engagé dans des conditions obscures pour jouer (mal) les caïds dans une série réalisée par W9, la chaîne du Groupe Winch.Très rapidement, Largo se penche sur le plan de financement de la série, ce qui ne manque pas de lui attirer les foudres de ceux qui complotent à l’ombre des écrans TV.
Action et séduction sont au rendez-vous de cet épisode maîtrisé par Jean Van Hamme, scénariste multi-cartes (XIII, Thorgal...) et bien servi par le trait réaliste de Francq, toujours aussi efficace.
On avait laissé Winch dans "Golden Gate" en singulière posture. Devenu du jour au lendemain la vedette d’un feuilleton télé daubesque - un "Shadow" qui même à un "s" prêt n’a rien de cassavettien - enregistré à San Francisco et produit par une filiale du groupe, W9, l’ami de Largo Simon Ovronnaz, pétait un câble tandis que son milliardaire de copain se mettait à couper les cheveux et les dollars en quatre afin de déterminer quelle faction (séditieuse, n’en doutez pas) se dissimulait derrière ce casting douteux au financement trop conséquent pour ne pas recouvrir d’autres intentions. L’affaire était d’ailleurs suffisamment louche pour que, piégé comme un débutant, Largo se retrouve en prison (accusé de viol sur mineure) aux côtés de Cochrane, numéro 2 du groupe W, inculpé quant à lui par l’I.R.$ (le service du fisc américain) pour fraude fiscale.
Bref, c’était la Bérézina totale au pays des sunlights....
"Shadow", douzième opus de la série, met un heureux terme à l’inconfort des uns et des autres tout en rabibochant les deux amis. Entre-temps Largo aura réglé ses comptes avec un autre groupe financier ayant monté toute cette opération pour lui faire un sort, sauvé d’une bande de rats et d’un snuff-movie croquignolet une de ses employées, Sarah Washington, soudainement disparue dans le tome précédent, échappé lui-même à un enterrement dans le désert inspiré des rituels navajos, sa tête seule émergeant du sable, à la merci des scorpions et des fourmis !
Rien de neuf sous le soleil de l’inspiration scénaristique direz-vous ? En un certain sens force est de reconnaître que la mixtion d’économie, de mégabusiness et de world enterprise qui caractérise la saga se dévide avec régularité d’un album à l’autre - ce qui ne déplaît pas au lectorat, loin s’en faut, puisque Largo Winch se décline déjà à travers de nombreux supports marketing : série TV, jeu vidéo, parfum... etc. Qui ne s’amusera pas - ou ne s’inquiétera pas c’est selon - à ce propos que la réalité rejoigne en la matière la fiction, le feuilleton Largo Winch venant d’être lancé sur M6 au moment où paraît cet album consacré à l’entertainment et aux plateaux de télévision... Quoi qu’il en soit, on aurait mauvaise grâce à ne pas admettre que les rebondissements fonctionnent bien, que le suspense et les scènes d’action sont au rendez-vous. "Shadow" est d’ailleurs plus dense, plus structuré que "Golden Gate" et même si de longues bulles explicatives empèsent parfois le déroulement de l’intrigue mise sans faille en bouche par le dessin limpide et carré de Francq, Largo nous expose une nouvelle fois de manière magistrale la perversion des requins de la finance qui en veulent toujours plus. Un peu comme les lecteurs en mal de projections identitaires et de sensations somme toute, signe peut-être que, confortablement à l’abri dans un paradis fiscal ou sauvagement exposée à la déréliction sociale, la gent humaine demeure toujours rivée aux mêmes (bas) instincts...
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"Le Prix de l’argent"
Une fois n’est pas coutume, le beau Largo se trouve dès le début de cet album dans la mouise jusqu’au cou, à croire qu’il attire autant les ennuis que le regard des femmes. En effet, alors qu’il est invité sur le plateau de l’émission "Le Prix de l’Argent", notre fringant milliardaire a à peine le temps de se lancer dans un couplet sur sa définition fuyante de la mondialisation, lui qui est apparemment si soucieux de la misère du monde (humm), qu’il assiste au suicide en direct de Dennis Tarrant, l’ancien directeur d’une des mille entreprises du groupe W, Speed One, dissoute il y a peu. Les taches faisant mauvais ménage avec les paillettes, surtout lorsqu’elles maculent aussi les caméras, Largo, accusé d’homicide, s’envole illico pour le Montana afin d’enquêter sur place sur les comptes de Speed one, entreprise de construction de skis appelée à être délocalisée en Tchéquie.
Bien évidemment il n’est pas le bienvenu chez les locaux, qui le reçoivent à leur façon et notre play-boy amoché ne trouvera réconfort que dans les bras de la fille, aveugle, de Tarrant, dont on devine qu’elle sera sa prochaine conquête. Bien évidemment il y a magouille sur roche et l’on pressent que la multinationale milliardaire qu’est le groupe W est blanche comme neige quant au suicide de Tarrant orchestré par des personnes malveillantes. Sur un air téléphoné, l’intérêt de ce "Prix de l’argent" réside plutôt dans la soudaine solitude qui pèse sur les épaules de Winch, que ses deux amis Simon et Freddy sont fatigués de suivre dans ses démêlées. Van Hamme comble les attentes de ses lecteurs au passage en proposant ici la suite de l’histoire de Freddy Kaplan, alias Ari Ben Chaïm, personnage énigmatique qui accompagne Largo depuis plus longtemps que Simon et dont le passé, en partie révélé dans "Golden Gate", n’avait pas encore été totalement éclairé par les feux du flash back. Sans doute pas le meilleur album de la série qui tend à se relâcher quelque peu depuis le tome 11, pas celui en tout cas qui amène à une prise de position critique par rapport à la question géopolitique de la mondialisation ou à la casuistique d’un PDG de groupe international, mais une intrigue de bon ton qui suit son bonhomme (friqué) de chemin.
Le précédent tome, "Le prix de l’argent", nous a exposé les affres de Winch, milliardaire en fuite car accusé d’avoir provoqué la mort en direct du directeur d’une petite société d’équipement sportif, Speed One, au capital détenu majoritairement par le Groupe W. Suite à une délocalisation pour cause de cotations en bourse et autres spéculations de requins en cols blancs, Tarrant s’est tiré une balle dans la tête (deux mille cinq cents travailleurs ont été licenciés, la comptable du W dépêchée sur place assassinée) et Largo est désormais traqué, outre les gardiens de l’ordre (monétaire), par un avocat aux dents longues qui entend lui faire rendre gorge des paquets de dollar dont il a le contrôle. Bref, Largo n’a plus le temps de se raser de près et même ses compagnons d’infortune des précédents tomes le boudent quelque peu, soupçonnant (corruption de l’argent aidant) qu’il est devenu un grand vilain - lui aussi. Tel n’est pas le cas bien entendu, et après la descente aux abysses du golden boy, c’est ici à la résurrection du dieu Winch que l’on assiste, en vertu d’un schéma plutôt récurrent (pour ne pas dire usé) dans la saga orchestrée par Van Hamme.
Largo mène donc son enquête pour (se) faire justice (charité bien ordonnée...), ce qui va lui permettre d’épingler à son tableau de chasse quelques crapules supplémentaires. Ainsi découvre-t-il, ô infamie, un refrain naguère pulsé en métropole par un groupe de rap qui commençait alors tout juste à faire parler de lui : J’en ai le sentiment, l’argent pourrit les gens. La mondialisation en est pour ses frais (une prise de conscience passant justement par l’achat de cet album, hum...), dont acte. Rien de nouveau donc sous le soleil de l’empire winchien et des de stock-options (déjà mises en scène dans le précédent cycle "O.P.A."). Largo est grand, il est beau il est bon, les femmes sont folles de lui, seuls changent les personnages satellites qui gravitent autour de sa noble stature... etc.
L’aventure est menée tambour battant (Jean Van Hamme a de la bouteille tout de même), Philippe Francq excelle plus que jamais dans un dessin hyperréaliste et les couleurs sont impeccables : voilà un produit-BD comme certains en raffolent, sans nul doute. Ceux que lassent les vieilles lunes des complots politico-financiers et des super héros à qui tout sourit devront trouver ailleurs de quoi alimenter les rêves qui leur restent. Ou répondre aux lancinantes et véritables questions qui demeurent, du genre : jusqu’où chacun de nous consentirait-il à aller pour réaliser le maximum de profit aux dépens d’autrui ? Mais il est vrai que, on l’oublierait pour un peu, la casuistique, Largo, c’est pas son truc.
IV - Récapitulatif des titres parus
- "L’Héritier" (1er novembre 1990)
- "Le Groupe W" (4 septembre 1991)
- "O.P.A." (4 novembre 1992)
- "Business Blues" (6 octobre 1993)
- "H" (7 septembre 1994)
- "Dutch Connection" (7 juin 1995)
- "La Forteresse de Makiling" (5 juin 1996)
- "L’Heure du Tigre" (4 juin 1997)
- "Voir Venise..." (8 septembre 1998)
- "...Et mourir" (6 septembre 1999)
- "Golden Gate" (6 décembre 2000)
- "Shadow" (26 juin 2002)
- "Le Prix de l’argent" (2 juin 2004)
- "La Loi du dollar" (2 novembre 2005)
Avec l’aimable autorisation des éditions Dupuis
frederic grolleau
La série Largo Winch est dessinée par Philippe Francq et scénarisée par Jean Van Hamme. | ||
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