fredericgrolleau.com


De Cape et de Crocs, tome 6

Publié le 16 Juillet 2012, 11:24am

Catégories : #BD

Un mixte d’humanisme,d’absurde et de lumière qui a encore de beaux jours devant lui.

 

 

C’était un pas, et un cap, décisif. Non pas seulement, comme il en est de nos héros le loup Don Lope de Villalobos y Sangrin et le renard Monsieur Armand Raynal de Maupertuis, passer de la Terre à la lune, mais, pour les auteurs d’une série atypique faisant les beaux jours de Delcourt depuis 1995, aborder un sixième tome qui pouvait tout aussi bien faire tomber à plat une saga dédiée aux personnages zoomorphes, en quête d’un trésor à eux révélé par une carte trouvée à Venise, que la relancer de plus belle (on n’ose dire : vers d’autres cieux).

 

 

C’est qu’en effet nos deux compères jaloux ô combien, flanqués de l’inévitable lapin Eusèbe, de leur compagnons humains d’aventure (Raïs Kader le Janissaire, Hermine la bohémienne, la belle Séléné) et de leurs poursuivants attitrés, vont rien moins dans cet album qu’alunir à bord de leur bateau volant, toujours sur les traces du " sélénite " Prince Jean ayant enlevé leurs amis et sur le point de fomenter un coup d’état. Parvenus dans une cité royale, les deux fins bretteurs aucunement"bêtes" se voient confier la mission de retrouver un maître d’arme plus fin escrimeur qu’eux tandis que les pirates, conduits par le fourbe Mendoza, qui les talonnent - pirates au demeurent qui ne sont guère présents dans l’album, ce qu’on regrette - ne rêvent qu’à faire main basse sur ces " arbres couverts d’or " dont les légendes racontent qu’ils sont légion sur la lune...

 

 

Si Ayroles s’éloigne ici quelque peu de la langue, jargonneuse à souhait, de la commedia dell’arte qui fleurissait dans les premiers titres de la série (pas d’alexandrins dans cette aventure lunaire !), il continue de ciseler des dialogues qui font mouche à chaque fois tant ils sont en phase avec les traits de caractères de chaque animal ou humain croqué par ses soins, tout en multipliant les scènes de duels et les rebondissements. Un mélange d’action et de fantaisie, de baroque et de cocasserie qu’illustre à merveille Masbou, avec des décors toujours aussi poétiques et oniriques, magnifiés par une luminescente palette chromatique et un sens du détail, frisant le maniérisme parfois mais aussi avec beaucoup d’humour, qui fait la joie du lecteur, pointilleux, extravagant ou libertaire.

 

 

L’union, renouvelée en ces pages, du talent réciproque du scénariste et du dessinateur contribue à faire de Luna incognita, imposant de belle manière un royaume lunaire tout voltairien ou swiftien, un nouvel opus dont on savoure chaque page, et qu’on se lasse pas de reprendre, en riant à gorge déployée. Dans leur univers à part, Alain Ayroles et Jean-Luc Masbou continuent donc de nous amuser en (se) jouant des références aux contes et légendes de l’imaginaire collectif, qu’ils intègrent nonobstant dans une histoire débridée où le loufoque côtoie l’esprit de finesse sans le parasiter.

 

 

Bref, un mixte d’humanisme,d’absurde et de lumière qui a encore de beaux jours devant lui. De grâce, messieurs Ayroles et Masbou, continuez de nous ainsi faire rêver ! Bientôt dix ans de bonheur, c’est rare.

   
 

frederic grolleau 

 

Alain Ayroles (Scénario), Jean-Luc Masbou (Dessin), De Cape et de Crocs, tome 6 : Luna incognita, Delcourt, Collection Terre de Légende, 2004, 48 p. - 12,50 €.

 
     
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Commenter cet article