Ripple est un hymne au sexe pervers, la dérive trash d’une relation promise à la défaite des corps.
Artiste moyen qui joint les deux bouts en illustrant les plates histoires d’autrui, Martin voit son existence basculer le jour où on lui accorde une bourse pour présenter ses travaux personnels dans le cadre d’une "expo d’œuvres érotiques d’avant-garde". Enfin poussé à se dévoiler plutôt qu’à végéter Martin cherche dans la rue des modèles atypiques pour ses futurs tableaux lorsqu’il rencontre Tina. L’adolescente porte de lourds besicles, est obèse, moche et deux canines fort proéminentes lui confèrent un air de vampire qui s’ignore. Contre toute apparence, c’est de cet amas de chairs qui débordent, de ses bourrelets adipeux ad maxima dont va s’éprendre Martin, qui plaque bientôt sur l’adolescente, amatrice en diable de fellations et d’ice cream à la vanille, ses fantasmes les plus crus.
Si l’on peut sans complexe ranger Ripple - une ondulation aquatique ou un murmure de voix en anglais - du côté des œuvres (graphiques) érotiques, il y a surtout dans cet hymne au sexe pervers et au sadomasochisme é-norme une mise en abyme tant graphique que sémantique qui donne le tournis. Outre un dessin tout en hachurés réalistes, Dave Cooper donne à son psychodrame un découpage en chapitres que viennent souligner des encarts de couleurs et des moments forts du récit relevés au rouge vif. Il parvient à nous faire ressentir la tension libidinale et nerveuse d’un Martin devenu hochet entre les mains d’une Tina à la liberté de mœurs proportionnelle à l’épanchement de ses formes. Acmé pornographique culminant avec la seule question (posée par Tina, grande prêtresse - en latex - de l’amour à Martin, le novice éjaculateur précoce) qui mérite d’être posée, sorte de "la chèvre et le chou" poisseux et tendancieux avant la pénétration ultime : "Par où ?"
Une dérive trash d’une relation promise à la défaite des corps qui se joue des prises de vue habituelles pour aller nicher la sensualité au cœur de plis inattendus ou au détour de gros plans surprenants et dans laquelle David Cronenberg himself va, dans sa préface, jusqu’à voir une illustration philosophique de la désintégration de l’identité individuelle qui connecte le sexe et la mort.
frederic grolleau
Dave Cooper, Ripple : une prédilection pour Tina (avec une préface de David Cronenberg), Seuil, 2005, 136 p. en trichromie, 16,5 x 19 cm - 12,50 €. |
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